Après avoir gravi le petit escalier extérieur menant à l'appartement partagé par Probité, Silence et leurs fils, Madie fut confrontée à un premier problème. La porte d'entrée était verrouillée. Comment avait-elle pu oublier ce détail ? Tout en se morigénant copieusement, la jeune femme avisa le pot de fleurs en terre cuite sur le rebord extérieur de la fenêtre proche de la porte.
N'y croyant qu'à moitié, elle le souleva, dévoilant un trousseau de clefs. Un sourire victorieux se faufila sur la frimousse de la rousse. C'était une astuce vieille comme le monde ! Restait encore à découvrir quelle clef était la bonne. Les insérant les unes après les autres dans la serrure, l'une d'elles finit par débloquer l'entrée.
À l'intérieur, le silence régnait. Madie essuya ses claquettes sur le paillasson par réflexe tout en observant autour d'elle. Des blousons étaient suspendus à des patères, plusieurs chaussures s'entassaient dessous. Le sol avait été serpillé récemment et les meubles époussetés. Quelques plantes apportaient de la verdure et de la fraîcheur au séjour tandis qu'une vaste baie vitrée baignait le séjour dans un doux ensoleillement. Les voilages jouaient avec les reflets et les ombres. Un canapé en cuir marron invitait au repos et le tapis moelleux à y enfouir les orteils. Sous la table basse, des boîtes de jeux de société étaient entreposées consciencieusement. Pour renforcer cette ambiance de normalité, des photos des deux familles monoparentales et des gribouillages des garçons décoraient ici et là les murs. La tendresse qui en émanait était palpable. Madie eut dû mal à en décrocher le regard. Cela lui rappelait avec trop d'acuité ce qu'elle avait perdu à cause de ses propres erreurs.
S'aventurant finalement dans l'unique couloir, la jeune femme entrebâilla et referma les portes les unes après les autres jusqu'à ouvrir celle qui avait motivé son intrusion. Ladite pièce était incomparable avec sa propre chambre dont le maître mot était la sobriété. Ici, on n'avait à peine la place de circuler. Le lit-double monopolisait une grande partie de l'espace, un miroir carré en imposait sur un mur, la penderie grande ouverte dégorgeait de vêtements. Dans un coin, la coiffeuse débordait, elle aussi, de colifichets et de produits de beauté. Mais parmi eux, une boîte à bijoux attira l'œil vif de Madie. Elle eut tôt fait de confirmer son impression : ce n'était pas du toc. Sous ses doigts farfouillant dans les bijoux, elle sentit la forme d'une clef. Intriguée, elle l'attrapa. Sur l'étiquette du porte-clef en plastique rouge, il y avait inscrit « garage ». Pour quelle raison Probité cachait cette clef dans le bazar de sa coiffeuse ? C'était un mystère à éclaircir.
Alors qu'elle s'apprêtait à rebrousser chemin pour descendre au garage, du bruit dans le séjour sonna son hallali. Elle devait impérativement disparaître. Alors, elle jeta rapidement la clef du garage parmi les bijoux. Puis, d'un pas preste, elle s'approcha de la porte-fenêtre entrouverte, écarta les voiles mauves se mouvant sous la brise et se glissa sur le balcon. Celui-ci donnait sur la rue. La chambre de Silence et le séjour y avaient accès. Le balcon était large d'environ un mètre et courait le long de la façade au bout duquel une mini serre avait été installée. Faite d'un morceau de bâche transparente et maintenue en place par des bâtons, elle protégeait des intempéries des pieds de tomates, de haricots verts et d'aubergines et des fraisiers.
Décollant son dos du mur, Madie regarda par-dessus la rambarde et se rendit compte que la hauteur était moins impressionnante que ce qu'elle croyait. Inspirant et expirant, la jeune femme prit son courage à deux mains, enjamba le garde-fou. À présent, le corps dans le vide et les doigts crochetant des piquets de la rambarde en fer, elle se motivait à lâcher prise. Pas si simple... Mais percevant du bruit dans la chambre de Probité et l'adrénaline aidant, Madie réussit à se laisser tomber.
Un brin étourdie mais fière de ne pas s'être tordu de chevilles, elle se releva rapidement. Dans son dos, la porte de garage coulissante lui faisait de l'œil. Avisant les petits hublots, Madie se dit que ce serait toujours mieux que rien. S'approchant, elle colla son nez à l'un d'eux. Malheureusement, l'épaisseur de la pénombre était infranchissable à l'œil nu. Frustrée, la rousse faillit donner un coup de pied dans le pan de plastique dur, serra les poings avant de se mettre à trottiner jusqu'à la porte d'entrée de la maison.
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Comme un rêve sur l'oreiller - Entre deux mondes
General FictionFin juin 2016. À Lyon, le temps est à la chaleur humide. Depuis quelques mois, des cambriolages, perpétrés par la Rose, mettent le beau monde sur les dents et la police sur des charbons ardents. Qui se cache derrière, se riant ouvertement des autori...