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En ce samedi soir deux juillet 2016, c'était le grand soir. Le feu d'artifices n'était pas à l'ordre du jour mais c'était tout comme. Dans les locaux du commissariat du 7e arrondissement, l'effervescence chamboulait la tranquille routine. Même les prévenus en garde-à-vue avaient perçu cette atmosphère particulière. Dominant le tumulte, la BRB savourait son plaisir prochain. Quelques heures plus tôt, le commissaire avait donné toute latitude à la commandante Delamare pour procéder aux coups de filet organisés par son équipe. Ils auraient lieu simultanément à deux endroits différents. L'un consisterait à tendre un traquenard à la bande de la Rose ; l'autre serait de mettre les fers à l'arnaqueuse Nour El Hariri.

La filature, menée par le capitaine Lefebvre, avait révélé que le nouveau cambriolage aurait lieu chez les Ourdanelet, d'influents personnages dans la politique locale et qui briguaient la mairie de Lyon. Deux casses à peu de jours d'intervalle, est-ce à dire que la vigilance se relâchait chez les malfrats ? Toujours est-il que, grâce aux informations récoltées au cours des derniers jours, la BRB avait pu mettre en place un dispositif dans le but de les arrêter.

Après avoir prévenu les Ourdanelet qu'ils étaient la prochaine cible, la commandante leur avait demandé d'évacuer les lieux, de faire comme si de rien n'était ; puis elle avait envoyé sur place les renforts fournis par le commissaire. Dissimulés à des endroits stratégiques dans la demeure et à ses abords, ils agiraient sous la férule du capitaine Lefebvre. Dès que la bande de la Rose aurait pénétré les lieux, des voitures de police bloqueraient les accès de la rue. Une véritable souricière. Ils n'auraient aucune chance.

Pendant ce temps, Catherine Delamare, tout étant tenue informée des avancées de l'opération chez les Ourdanelet, débarquerait à la maison close accompagnée de quelques sous-fifres. Ils se permettraient une petite razzia punitive parmi les clients et passeraient les menottes à la prostituée-arnaqueuse et à la Gallin – au moins le temps de la perquisition du garage. Ensuite, direction le commissariat pour les interrogatoires d'usage.

L'affaire serait rondement menée, la commandante le sentait, même s'il n'était pas rare que les opérations cafouillent et ratent. Néanmoins, elle ne pouvait se retenir de nourrir quelque espoir à propos des condamnations des principaux coupables. Cependant, elle ne pouvait s'illusionner totalement. Les puissants de l'ombre étaient toujours très bien armés dans tous les sens du terme. Les dossiers procéduriers méticuleusement accumulés par l'abbesse Gallin le prouvaient. Il ne serait guère aisé de les envoyer devant la justice pour répondre de leurs actes.

Étonnamment, les deux dispositifs fonctionnèrent à merveille telle une mécanique bien huilée. Marquant une trop grande assurance dans son succès et son intelligence, Marceau Fontaine et ses sbires se laissèrent attrapés sans véritable résistance. La stupéfaction leur avait ôté les réactions élémentaires de défense. Mais très vite, l'impudent jeune homme avait crié au scandale, réclamé son avocat, tenté de tordre la réalité pour la rendre moins nette. D'après lui, ses grands amis Ourdanelet l'avait convié chez eux. Trouvant porte close mais ayant remarqué des mouvements suspects dans la pénombre des fenêtres, il avait utilisé le double des clefs prêté par les Ourdanelet pour entrer et s'assurer qu'il ne s'agissait pas de vauriens. À ce moment-là, la flicaille lui était tombé dessus à bras raccourcis. Pour justifier la présence de ses hommes de main, il avait prétendu que, depuis la reprise des cambriolages, il se sentait plus tranquille entouré de gueules patibulaires et durs-à-cuir. Quant aux tenues sombres qu'ils arboraient, là encore Marceau Fontaine avait eu une réponse toute faite. Il portait le deuil de son défunt père. Quand le capitaine Lefebvre, qui menait l'interrogatoire, lui rappela que ce dernier était mort depuis un paquet d'années, le coupable avança que le deuil n'avait pas de règles. Ses manœuvres étaient grossières et les éléments contre lui légion. Pourtant, son avocat était un rusé personnage. Lefebvre craignait qu'il parvienne à le libérer en graissant la patte de quelques magistrats sur lesquels Marceau Fontaine avait des dossiers compromettants.

Comme un rêve sur l'oreiller - Entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant