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— Alors, Moustique, tu comptes te saper comment pour ton retour en grâce ? demanda Sirène en interceptant la rouquine alors qu'elle gravissait le deuxième escalier.

Celle-ci haussa les épaules, elle n'y avait que vaguement réfléchi.

— Tu verras bien tout à l'heure.

— Eh non, ma belle, pas ce soir.

— Pourquoi ? Tu es dispensée ? Au vu de ta tenue très élégante, je dirais pourtant que non.

— Non, un client haut placé que La Mante bichonne particulièrement me loue jusqu'aux aurores demain matin. Il a téléphoné tout à l'heure pour m'avoir en exclusivité. Ça va être l'éclate.

Et dans sa bouche, cela sonnait plus comme une pendaison que comme un bonheur exceptionnel. Madie voulut répondre quelque chose mais la brune ne lui en laissa pas le temps.

— Au moins, je serai une nouvelle fois gâtée en cadeaux et pourboire. J'y gagne au change, même si le prix à payer est de perdre un nouveau pétale de mon insouciance, ou de mon innocence d'ailleurs.

Sa morosité attrista Madie qui ne sut que dire pour la réconforter, si ce n'est lui adresser un sourire qui en disait long lui-même sur son état d'esprit.

— Tu penses arrêter un jour ? s'enquit-elle finalement, les doigts crispés sur la rambarde. Partir loin pour tout recommencer ?

— J'en rêve !

— Il y aurait de la place pour ce nouveau départ ?

Félicie fit mine de réfléchir quelques secondes.

— Oui, il y aurait de la place.

— Ouh, ça sent la sédition par ici ! s'exclama une voix haut-perchée.

La rousse et la brune tournèrent la tête d'un même mouvement vers l'intruse. C'était Exubérance. Une main plantée à sa taille, la bouche en cul-de-poule et les paupières papillonnant exagérément, elle les scrutait d'une expression matoise.

— Pas du tout, démentit Félicie sans y mettre assez de conviction.

— Un petit coup de mou, Sirène ?

— Mais boucle-la, espèce de teigne ! grinça-t-elle entre ses dents. Retourne à tes amours avec ton beau-frère au lieu de me casser les pieds. Ou mieux à tes commérages futiles.

Les yeux d'Exubérance se rétrécirent à deux fentes dignes d'un crotale sur le point d'attaquer.

— Je t'ai déjà dit de ne pas mentionner Léandre, tu veux me griller ou quoi ?

— Et toi, je t'ai déjà dit que tu m'agaçais avec tes interventions intempestives.

Elles étaient l'une et l'autre tendues comme des arcs, se retenant à grand peine d'en venir aux mains. Madie, simple témoin de cette hostilité manifeste, en était bouche bée. Jamais elle n'avait vu Félicie se comporter ainsi, limite haineuse.

— Déguerpis, ordonna la brune, le ton aussi dur que du béton armé.

Dès que la blonde eut disparu dans sa chambre, médusée elle-même par cette violence verbale, Madie dévala les degrés, crochetant sa paume sur un poignet de Félicie.

— Euh... faudra que tu m'expliques, Sirène.

— Mmh... plus tard. Je dois y aller. À demain, Moustique.

— Bon courage pour ce soir.

La brune s'attarda une demi-seconde pour claquer un baiser sonore sur la joue de la rousse, puis se volatilisa dans l'escalier. Alors, Madie reprit sa montée vers sa chambre et s'y enferma avant de se planter devant son armoire.

Comme un rêve sur l'oreiller - Entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant