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L'après-midi du même jour...

Cela faisait déjà une semaine que la jeune femme avait retrouvé le chemin de la maison close de La Mante et repris ses marques en ces lieux. Elle avait compté consciencieusement les jours. Étendue sur le dos sur la natte dans sa chambre, elle réfléchissait, les bras surélevant sa tête. Près d'elle, la portée de chatons faisait la sieste tandis que la mère surveillait les alentours de son regard pénétrant. Comment aborder le sujet des objets dérobés ? se demandait inlassablement Madie. Lui faudrait-il jouer cartes sur table ou bien y venir par des routes détournées comme la questionner sur son passé ? Rahh... quelle tâche difficile ! Pour ce genre de mission, un esprit fin, roué était requis. Ce n'était clairement pas son cas.

Sur le palier, Madie entendit un bruit de pas. La chatte l'avait perçu avant elle. Ses fines oreilles en pointe pivotaient rapidement, cherchant la source, les yeux perçants aux aguets et le cou tendu. Par simple curiosité, la rousse se redressa et marcha à quatre pattes vers la porte. Elle l'entrebâilla silencieusement, plongeant un œil dans la mince ouverture.

Il ne s'agissait que de sa voisine de chambre, l'insupportable Duchesse. Mais son attitude paraissait suspecte. Ses coups d'œil furtifs, comme si elle craignait que quelqu'un la surprenne, intrigua la rousse. Que fabriquait-elle dans sa sous-pente ? Probablement quelque chose de répréhensible aux yeux de La Mante, sinon pourquoi se comporterait-elle de la sorte ?

Dès que la porte fut refermée, Madie se releva tout à fait, ouvrit la sienne et s'avança à pas de loup jusqu'à coller son oreille au battant. « Hors de question... Vous n'êtes plus rien pour moi... je fais ce que je veux, je vous emmerde... Des caprices ? Vous vous fichez de qui ? ... et Gonzague... » Ces bouts de phrases interceptées parmi le flot de paroles déconcertèrent la rousse. À qui parlait-elle ? De qui parlait-elle ? Qui était ce Gonzague ?

Un hurlement étouffé fit sursauter Madie. Mais ce qui la prit vraiment de court fut de voir la porte s'ouvrir brusquement. Elle recula vivement mais trop tard pour se défausser. Dressée devant elle, telle une déesse offensée, la jolie brune ne cachait ni sa fureur ni sa détresse. Au fond de ses prunelles café, un duel à mort se jouait. La rousse en resta pantoise.

- Je savais bien que j'avais entendu du bruit dans le couloir, lâcha Duchesse sur un ton neutre. Léger, c'est vrai, malheureusement rien n'échappe à mon ouïe fine. On ne t'a jamais dit que la curiosité était un vilain défaut, Moustique ?

- Pardon, marmonna la concernée en regardant ses pieds comme une enfant, le rouge colorant ses joues creuses.

- Tu t'excuses ? Ça ne te ressemble pas, ironisa-t-elle.

- Je peux en dire autant de toi sur ta façon de parler. Où sont passés ton mépris et ta rage ?

Une moue à mi-chemin entre la contrariété et l'amusement se dessina sur les lèvres de Duchesse.

- Tu as tout entendu, je suppose ?

- Que des bribes. Assez pour m'intriguer.

- Entre. J'ai besoin d'ouvrir les vannes pour me délester d'un trop grand poids. Tes oreilles feront l'affaire.

Joignant le geste à la parole, Duchesse s'écarta du passage. Tandis que son invitée impromptue refermait le battant, elle s'affala dans un vieux Rocking Chair à l'ossature entièrement en bois. La tête appuyée sur le haut du dossier, elle se mit à se balancer doucement, l'expression amère et les doigts férocement agrippés aux accoudoirs. Après une longue expiration, elle stoppa son balancement.

- Assieds-toi où bon te semble.

Embarrassée, Madie choisit de s'asseoir en tailleur sur le tapis couvrant le parquet. Non loin, un téléphone portable traîné, certainement jeté au sol dans un accès de colère irrépressible. Le moelleux du tapis avait dû amortir le choc ; il n'avait donc pas l'air cassé. Un oreiller avait aussi été abandonné par terre.

Comme un rêve sur l'oreiller - Entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant