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Assis devant un ordinateur de son lycée, Megumi a du mal à se concentrer avec Kishi qui sautille à côté de lui

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Assis devant un ordinateur de son lycée, Megumi a du mal à se concentrer avec Kishi qui sautille à côté de lui. Il ne sait pas trop par où il doit commencer — il n'a jamais été très doué en informatique — mais il se dit qu'il vaut mieux commencer par le plus simple et tape "Kishi Ikari" dans la barre de recherche.

Hier, après avoir discuté avec son parrain, Kishi a décidé qu'il valait mieux les laisser en tête à tête et qu'elle n'avait pas sa place dans cette discussion de famille. Elle a remercié Satoru pour l'avoir accueilli et a glissé un clin d'oeil à Megumi avant de s'éclipser. Il l'a retrouvé ce matin devant le temple, à jouer avec Shiro et Kuro. 

Elle l'a suivi jusqu'au lycée en enchaînant les entrechats, Megumi s'est dit pendant un instant que c'était tant mieux si les autres ne pouvaient pas la voir. Ça aurait été embarrassant d'expliquer qui était cette fille qui se déplaçait sur la pointe des pieds et qui était visiblement incapable de marcher comme tout le monde. Il s'en est un peu voulu d'avoir songer à ça, mais il faut admettre que la démarche de Kishi est pour le moins originale.

Pour ne pas le gêner pendant les cours, Kishi s'était directement rendue dans la bibliothèque pour l'y attendre. Megumi avait lâché un faible soupir, conscient qu'il n'allait pas échapper à la promesse qu'il lui avait faite hier.

— Alors ? Ça dit quoi ?

Kishi fait trembler le dossier de sa chaise mais il n'ose pas lui dire d'arrêter. Et puis il est un peu trop consterné par sa recherche pour s'en préoccuper.

Il n'y a aucun résultat correspondant. Rien. Aucune trace de Kishi Ikari, le bord de mer en colère.

Il s'en est douté, mais le choc reste grand. Il avait imaginé qu'il trouverait au moins un petit quelque chose, trois fois rien, mais un début de piste. La page blanche qui s'étend devant ses yeux le perturbe, il se demande s'il n'a pas fait une faute de frappe. Il retape le nom de Kishi dans la barre de recherche, mai rebelote.

Kishi n'était pas sûre que ce nom soit le sien, et en effet, ce nom complet ne donne aucun résultat. Il s'en était douté à cause de son nom de famille qui signifie littéralement "colère". Ce nom n'existe pas. Il ne sait pas d'où il vient, mais une chose est sûre : cette fille qui se tient derrière lui, les mains accrochées au dossier de sa chaise, ne s'appelle pas Kishi Ikari.

C'est peut-être un surnom que ses camarades lui donnaient, songe Megumi. Ça expliquerait pourquoi cette appellation est davantage ancrée dans sa mémoire que son véritable nom.

— Ça n'a rien donné ?

Megumi se pince les lèvres et finit par secouer la tête de droite à gauche. Les tremblements dans le dossier de sa chaise cessent, ce n'est qu'alors que Megumi réalise que Kishi est parvenue à toucher du bois sans passer au travers. Mais il se rend vite compte qu'il a tiré une conclusion hâtive, car Kishi a beau avoir ses doigts autour de son dossier, ce n'est qu'une illusion.

Il a remarqué que Kishi fait parfois semblant de toucher les choses. Comme si elle souhaitait se donner une consistance, qu'elle voulait quitter le monde des esprits pour s'intégrer dans celui des vivants. Megumi ne lui fait pas de commentaire lorsqu'il le remarque, conscient qu'elle en serait embarrassée.

Les frémissements dans son dossier n'étaient dûs qu'au vent qui semble l'accompagner partout où elle passe. Kishi n'a pas d'ombre, mais le vent la remplace.

Devant sa mine dépitée, Megumi a du mal à rester sur cet échec sans lui apporter un minimum de quoi retrouver le sourire. Il ne veut pas se rendre compte à quel point Kishi le rend vulnérable.

— Je peux essayer de demander à la documentaliste, si tu veux.

Kishi relève la tête vers lui pour la secouer frénétiquement de haut en bas. Megumi sourit en coin, toujours surpris par l'enthousiasme de Kishi. Une petite recherche sur internet et on a l'impression qu'on vient de lui offrir tout l'amour du monde. Il n'a jamais vu autant d'étoiles dans les yeux d'un vivant que dans ceux de cet esprit.

Il quitte sa place devant l'ordinateur, rabat sa chaise contre la table et se dirige vers l'accueil où la dame qui occupe ce poste depuis plus de trente ans agrafe des documents ensemble sans remarquer la présence de Megumi. Il toussote pour attirer l'attention, elle relève alors les yeux de ses feuilles éparpillées.

— Oui ? demande-t-elle de sa voix chevrotante.

— Connaissez-vous une élève que l'on aurait surnommé Kishi Ikari ?

Elle fronce les sourcils, comme soudain plongée dans de profondes réflexions.

— Ça ne me dit rien.

— Elle est morte il y a longtemps.

Le froncement de ses sourcils se marque un peu plus. À côté de lui, Kishi trépigne d'impatience et sautille d'un pied à l'autre.

— Une fille qui sautillait tout le temps, comme si elle ne pouvait pas marcher normalement. Elle aimait tournoyer sur elle-même comme une toupie.

— Ce nom m'évoque vaguement quelqu'un, mais je crois que c'était il y a trop longtemps pour m'en souvenir...

La documentaliste semble pensive, presque confuse. Megumi la regarde avec insistance.

— Non, décidément, il n'y a rien qui me vient.

Megumi hoche la tête et la remercie tout de même d'avoir pris le temps d'y réfléchir. Il essaye de garder un visage neutre, mais il a du mal à ne pas écarquiller les yeux devant les feuilles de la documentaliste qui glissent vers le rebord de la table comme portées par le vent. Sauf qu'il n'y a pas de vent à l'intérieur, et que la seule explication possible à ces feuilles sur le point de décoller est Kishi qui bouillonne sur place.

Il lui attrape rapidement le bras pour l'entraîner avec lui vers la sortie. Il franchit la porte et attend d'être seul sur le chemin du retour pour lui adresser la parole sans passer pour un fou aux yeux de ses camarades.

— Ça va ?

Kishi ne tournoie plus, ne sautille plus dans tous les sens. Elle marche un peu derrière lui, la tête baissée. Il est évident qu'elle ne va pas bien.

— Si ça peut te remonter le moral, je crois que j'ai découvert une nouvelle piste pour savoir qui tu es.

Il n'en faut pas plus à Kishi pour relever la tête les yeux grands ouverts et rebondir jusqu'à lui comme une rainette.

— C'est vrai ?! Comment ?!

Megumi sourit en coin. Il place son index devant sa bouche et continue de marcher en silence. Kishi gonfle les joues, mais elle a beau insister encore et encore pour qu'il lui révèle le fond de sa pensée, Megumi ne cède pas.

Kishi finit par abandonner après avoir passé le pont. Peu importe à quoi il pense, il est convaincu qu'ils y trouveront des réponses.

Les cris du typhonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant