Chapitre 8 : Discussion

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Je regarde le petit bout de papier sur lequel est inscrite une adresse, puis lève les yeux vers le bâtiment qui se dresse devant moi. Agence Freedom, c'est bien là. C'est donc ici que Livaï travaille. J'ai dû batailler dur pour que ma mère me donne cette information. Je ne sais pas du tout d'où lui est venu l'idée de me faire chanter : j'ai donc nettoyé la maison de fond en comble, accroché le linge, arrosé toutes les plantes et j'en passe.

Je zyeute l'heure sur mon téléphone. Midi moins dix. Livaï ne devrait pas tarder à finir. Je décide de l'attendre devant le bâtiment. J'ai fait des recherches sur Freedom, il s'agit d'une agence de mannequinat. Autrement dit : on ne rentre pas là-dedans comme dans un moulin. D'après les dires de ma mère, Livaï travaille là-bas en tant que photographe. Je ne veux pas lui attirer d'ennui en me faisant remarquer.

Je colle mon dos contre le mur et me laisse glisser en boule sur le sol. Il fait froid, dans cette position j'aurais plus chaud.

Je n'ai pratiquement pas fermé l'œil de la nuit, j'étais bien trop préoccupé pour dormir. Je me suis imaginé la discussion que je vais avoir. Il y a tellement de scénarios possibles. Déjà, que dois-je faire si Livaï ne veut même pas me parler ? Ça c'est le pire dénouement qui pourrait arriver et, pour être honnête, la seule chose que je puisse faire c'est tout simplement espérer que ça n'arrive pas.

Il fait froid, de plus en plus froid. J'ai les extrémités de mes doigts qui me font souffrir et je ne peux m'empêcher de trembler. Le temps passe et je ne le vois toujours pas. Est-ce qu'il va faire des heures supplémentaires ? Je baisse la tête pour tenter de réchauffer mon visage.

Mourir de froid ne faisait partie d'aucun scénario. Je n'ai absolument pas pensé au fait qu'il pouvait faire des heures supplémentaires. Alors qu'est-ce que je fais ? J'entre et je me mets dans un coin pour l'attendre au chaud ? Non, on pourrait me prendre pour un squatteur et me foutre à la porte. Je rentre à la maison et l'attends ? Non, ma mère y est, et difficile d'avoir une conversation privée avec elle dans les parages. Tout un tas d'autres questions se bouscule dans ma tête. Ça m'en donnerait presque le tournis.

— Eren ? Je lève les yeux. Qu'est-ce que tu fous là ?

Livaï est juste devant moi, un air surpris sur le visage. Je me redresse. J'ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Je suis complètement tétanisé et ne sais pas par quoi commencer. Que va-t-il se passer si je dis une connerie d'entrée de jeu ?

Aller, tu peux le faire ! Je me suis répété ce moment en boucle encore et encore. Je ne dois pas laisser passer cette chance. Après tout... Il n'a pas fui en me voyant... C'est déjà une bonne chose, non ? NON ! Stoppe les conneries ! Je me lance !

Mais...

Je me lance !

Pour dire quoi...?

Arrête de penser, dis juste ce que tu as sur le cœur !

Et si ça ne marche pas...

— Ça va, Eren ?

La voix de Livaï vient à moi, comme une goutte d'eau qui vient perturber la surface d'un lac avant de disparaître complètement comme si elle n'avait jamais existé. Je me calme, mes doutes s'envolent.

Je dois changer les choses. Pour cela, je ne peux pas simplement rester dans mon coin. Je dois me battre et, si je tombe, me relever et continuer. Encore et encore, sans jamais abandonner. Si je raisonne ainsi alors la première étape de mon combat, c'est...

— Je suis un connard.

Ces quatre mots quittent mes lèvres sans colère, tristesse ou peur. C'est la vérité je suis un connard, ou même pire encore. Ouais... Ce mot n'est pas assez fort.

Tu es à moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant