Chapitre 1

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Au calme apparent des coups portés sur le bois, Sandrine comprit qui se tenait derrière sa porte. Son premier mouvement fut d'aller ouvrir, avant d'être stoppée net par le souvenir de la veille.
La folie de leur corps à corps n'avait en rien estompé ses doutes ou sa peine. Après tout, c'était elle qui avait été trahie et traînée dans la boue trois ans auparavant, gratuitement de surcroît. Que le siège de sa raison ait été envahi de mousse polyuréthane à chaque fois qu'il franchissait son périmètre de sécurité n'empêchait pas la douleur d'exister et la colère d'affluer.

Il était revenu, avait pris ce qu'il voulait, obsédé par son besoin d'assouvir un désir purement physique, sans se soucier des ravages qu'il causait. Et quand il s'éloignait de nouveau, seuls restaient le dégoût face à sa propre faiblesse et la peine de voir ses sentiments ressurgir. Joffrey l'avait trompée, humiliée publiquement, abandonnée sans scrupule. Il avait fait prendre vie à ses peurs les plus intimes.

La jeune femme refusait de se voir comme un animal blessé, mais il avait irrémédiablement brisé une chose en elle ; sa foi en l'autre malgré tout l'amour qu'elle lui portait encore. Car elle n'y pouvait rien, elle l'aimait malgré tout, pour toutes les fois où il l'avait encouragée en privé, pour l'intérêt qu'il lui avait toujours porté. C'était tordu, contre-nature d'aimer un homme simplement parce qu'il vous donnait l'impression d'exister.
C'est pourquoi, elle refusa de lui ouvrir et décida d'en finir une bonne fois avec une histoire qui n'avait jamais pu trouver sa conclusion. Elle s'adossa à la porte et attendit.
De l'autre côté, le militaire perdait patience. Il la savait à l'intérieur, ayant entendu ses pas approcher au moment où il toquait.

Pourquoi n'ouvrait-elle pas ? N'avait-elle pas aimé leurs retrouvailles ? Lui si.

Malgré toute la rancune qui obscurcissait leur histoire, il l'aimait comme un fou. Bien plus qu'il ne s'en serait cru capable. Son retour en métropole se résumait à l'espoir de la retrouver. Il était prêt à faire table rase du passé en pardonnant sa faute, si elle acceptait de se lier à lui. Bien sûr, son comportement à l'époque n'avait pas contribué à apaiser la situation. Il ressentait encore au sein de ses entrailles l'émotion causée par sa trahison.
Joffrey avait réagi sur un coup de tête sans y trouver la moindre satisfaction. S'il s'était arrêté dès qu'elle avait passé la porte, l'acte avait quand même été consommé.
La savoir dans les bras d'un autre à peine son ordre de mutation édité l'avait anéanti. Il avait attaqué sur la base de soupçons, mais le doute avait empoisonné les années passées loin d'elle. La colère s'était vite éteinte pour ne laisser que ses émotions à nu. Il l'aimait. Cet amour s'était mué en obsession au fil des ans. Il avait enfin compris la place qu'elle avait pris dans sa vie. Elle lui était essentielle. La preuve. Il se retrouvait comme un con devant une porte close, à désespérer qu'elle s'ouvrît sur le visage tant aimé.
C'était sa femme, quoi qu'il advînt. Ils n'avaient le choix ni l'un ni l'autre. Fort de ce constat, il toqua de nouveau en l'appelant.

— Sandrine, je sais que tu es derrière cette porte. Ouvre-moi, arrête de faire l'enfant.

Oh cette voix...
La jeune femme sentit ses résolutions flancher, et sa main toucher la clé toujours dans la serrure. Un dernier pan de volonté l'empêcha de la tourner.

— S'il te plaît, laisse-moi du temps, Joffrey.
— Tu n'as pas aimé hier soir ?
— Ça n'a rien à voir, Joff.
— Parce que moi si. Je n'en ai jamais assez avec toi.

L'aveu la mit au supplice. Pour la première fois, Joffrey Campier admettait avoir besoin d'elle. Mais il ne s'agissait que de désir sexuel, pas de sentiment. S'il ne pouvait lui offrir que cela, acceptait-elle de le prendre ? C'était peu, mais c'était mieux que rien. Elle ne voulait plus vivre ce déchirement intérieur de le savoir loin d'elle. Ils étaient liés par quelque chose de trop puissant.
Cognant sa tête contre le montant en bois à l'idée de céder aussi facilement, elle déglutit et s'apprêta à tourner la clé lorsqu'il ajouta :
— Allez, Din, quelques minutes seulement. Tu aimais quand je t'appelais comme ça. Tu te souviens ?

Cœur d'homme, âme de soldat 5 : Là où tout a commencéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant