Partie 3 : révélations

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— Heu non, je ne peux pas sortir avec vous toutes, ce soir. J'ai besoin de récupérer de ma nuit. Et puis vous avez sûrement besoin de sommeil vous aussi ! La soirée sous-off a dû se terminer tard !
— Non tôt ce matin ! Et ne me dis pas qu'il y a eu un retour de flammes ! Moi qui espérais te caser avec Clive Owen... Un brun, ça ne te dit pas pour changer ?
— Oh, Mel, arrête de me charrier. Je n'ai pas de type...

Une quinte de toux vint interrompre la réponse de Sandrine. Reprenant peu à peu son souffle, elle se baissa de nouveau pour étirer ses muscles mâchés par l'entraînement. Les épreuves sportives annuelles approchant, elles se donnaient rendez-vous chaque matin pour une séance de footing.

Jusqu'ici, Amélia avait évité le sujet de la soirée sous-officiers, laissant le soin à son amie d'en livrer les détails à sa convenance. Sandrine redoutait sa réaction, mais n'y tenant plus, elle finit par cracher.

— oui, bon d'accord, j'ai passé la nuit chez lui.

En voyant sa compagne s'assombrir, la jeune femme enchaîna.

— Je l'ai quitté au petit matin. On n'a pas parlé, on a juste... voilà quoi. Je me sens tellement inférieure à lui en agissant comme s'il était le seul à pouvoir décider.
— Tu le vaux un million de fois ! Tu es belle, sensuelle, compétente dans ton boulot et douce avec tes proches. Certes, trop sensible pour ton propre bien selon mon goût, mais tu mérites ce qu'il y a de mieux en matière d'histoire d'amour.
— C'est gentil mais tu as oublié intelligente.
— Ah ça, je ne peux pas le dire. Tu es quand-même accro à un grommelot. Ça te fait perdre d'office trente points de Q.I. !
— Tu sais que je flippais de t'en parler, n'est-ce pas ?
— Pourquoi ?
— Tu peux te montrer très vindicative quand tu détestes quelqu'un. Or je sais que tu ne l'as jamais apprécié.
— Mince, je ne voudrais pas que tu te censures parce que tu as peur de stupides sorties. C'est vrai que je ne l'aime pas. J'ai du mal avec les poissons froids en général. Et je l'ai vraiment détesté de t'avoir blessée. Mais ce n'est pas mon histoire, c'est ton choix. Je n'ai aucun droit de te juger. Je veux juste t'assurer de mon soutien. Avec beaucoup de maladresse.
— Je sais. Je t'aime, ma copine.
— Je t'aime aussi.

— Ça me fait du bien que tu ne me pousses pas à rompre tout contact avec lui. Même si c'est finalement ce que j'ai décidé de faire.
— Disons que j'ai l'impression que vous faites tout à l'envers tous les deux. Mais qui lui reprocherait de te sauter dessus, après tout, tu es à croquer !
— Tu n'es pas fâchée alors ?
— De quel droit je le serais ? Ok, je ne lui fais pas confiance. Mais comme je te l'ai dit, c'est ton choix. Quelque chose me soufflait que vous n'en aviez pas terminé, de toute façon. Tu sais que j'ai surtout peur pour toi.
— C'est fini, Mel. Ce n'était qu'une nuit.
— Hum... vu comme il galope derrière tes fesses depuis son retour, tu risques de le recroiser et de replonger. Mais je ne voudrais pas que tu atteignes les profondeurs d'il y a trois ans. Cette histoire était si injuste ! Vous n'avez pas du tout évoqué le sujet ?
— Tu sais ce que c'est, dans le feu de l'action... et puis ce n'était pas le bon moment. Quand je l'ai quitté ce matin, j'ai réalisé mon erreur. Il ne changera jamais. Il a toujours été froid. Passionné pendant l'amour, mais blocus émotionnel si ça ne se rapporte pas au sexe. J'aurais voulu qu'on parle mais tu me connais, je n'ai pas osé le confronter. C'est tellement dur avec lui. Quand il me regarde, j'ai l'impression que je l'ennuie. Ça m'a toujours fait ça
— Je vais te dire un truc qui me déchire les boyaux, parce que je n'ai pas envie de lui trouver de circonstances atténuantes. Avec les filles, on l'a observé ces derniers temps. En fait, il est humain.
— Tu dis ça comme si c'était une découverte.
— Un peu, quand même. Chez un spécimen pareil, ça relève même du miracle. Et contrairement à ce qu'on a connu de lui à l'époque, il te regarde, ma chérie. Et il te regarde vraiment.
— Je... oh. Je suis vraiment perdue. Tu crois qu'il y a une chance pour qu'il s'investisse vraiment cette fois ?
— Il le faut ! Même si je ne suis pas devin, hélas. Sinon j'aurais posé mon pied dix centimètres plus loin ce matin...
— Qu'est-ce que tu racontes encore ?
— Qu'il est vraaaiment temps qu'on fasse les tests pour lâcher les capotes avec Yann.
— Hein ? Mais c'est dégueulasse !
— Je confirme...

Un groupe de sportifs en train de s'étirer sur l'espace vert réservé près du gymnase détourna son attention. Amélia dévorait littéralement un des militaires du regard.

— Tu veux un bavoir ? la taquina Sandrine.
— Hein, qui, que, quoi ? C'est pas moi, j'ai rien fait !
— Tu veux aller t'isoler avec lui ?
— Hum, hum. Heu non, oui, noooon ! Pas au boulot !
— Il est tellement charmant, ton Yann. C'est drôle comme il peut être différent de ce qu'il renvoie. Tous ces tatouages et cette tête de tueur quand il bosse alors qu'il est adorable dès qu'il sourit, dit Sandrine en désignant l'objet de leur attention. Oh tiens, il regarde vers nous. Dis-lui bonjour, Mel, continua-t-elle en adressant un signe à l'intéressé.
— Bonjour Mel ! soupira Amélia devant les muscles recouverts de dessins tribaux.
— Irrécupérable ! ricana Sandrine.
— Ça me paraît tellement fou, toute cette histoire ! Bref, pour en revenir au sujet principal, j'espère qu'il saura te rendre heureuse si vous vous remettez ensemble. Vous êtes si différents...
— Que veux-tu dire ? Qu'un type comme lui n'est pas fait pour une fille aussi banale que moi ?
— Non ! Tu devrait avoir un fan-club à tes pieds ! En fait je pensais simplement que Joffrey n'avait pas du tout le profil. Il a toujours été si hautain, sur son quant-à-soi qu'on l'imagine mal agir aussi... depuis son retour, il te court après comme une chaudasse au bal des pompiers ! Tu lui as retourné le cerveau, ses neurones sont tombés directement dans son slip !
— Mel !
— Quoi, ai-je tort ? Tu es allée vérifier dans son slip ?
— Amélia !
— Ah oui, c'est vrai. Tu l'as fait !
— Tu-tu-tu... tu es vraiment...
— Pénible et fière de l'être.

Plus tard, à l'abri de son bureau, Sandrine songea aux réflexions sur l'attitude de Joffrey. En effet, il n'était pas dans ses habitudes de s'abaisser à poursuivre une femme. Bien qu'avec elle, il se soit toujours montré très entreprenant. Une boule de feu monta dans sa poitrine, drainant de la lave dans ses membres. Elle se liquéfia en repensant à leur étreinte. La sensation de manque lui coupa le souffle. Au bord du malaise, elle s'agrippa aux accoudoirs de son fauteuil en s'efforçant de respirer calmement.
Tout allait trop vite, chaque nouvelle rencontre avait un effet de plus en plus dévastateur. Il fallait y mettre un terme.

Choisir entre souffrir et souffrir.

Cœur d'homme, âme de soldat 5 : Là où tout a commencéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant