Prologue

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Amélia.

— Oh, put...rée !

Un frisson glacé me parcourut l'échine. L'identité du militaire dont je devais éditer l'ordre de mutation ne faisait pourtant aucun doute. L'enflure !

— Pourquoi il revient ici, ce con ?

Je terminai ma lecture par la date de prise d'effet d'une des pires nouvelles de l'année.
« Sera affecté au 1er juillet ».

— Dans... quinze jours ?

Pourquoi une décision aussi tardive ? C'était une blague pas drôle de la DRH-AT ? Comment était-ce possible ? Qui l'avait laisser vivre ? Mais surtout, pourquoi revenir sur les lieux, trois ans après le crime ? Certes, un retour en métropole après un séjour outre-mer n'avait rien d'anormal. Mais être réaffecté dans une région que tout le monde fuyait ? Ça me laissait perplexe. Il n'était pas propriétaire dans le coin, n'y avait plus aucune attache - merci qui, connard ? – et pouvait exercer son métier dans n'importe quel autre régiment.
Un goût amer remonta dans ma gorge. Bonsangbonsangbonsang !

— Si elle l'apprend, ça va ruiner tout ce qu'elle a reconstruit !

J'étais en train de me taper le crâne sur le clavier lorsque je réalisai la portée de mon monologue. Je retrouvai une attitude plus digne avant d'être gentiment amenée à l'infirmerie pour recevoir une petite piqûre.
Priorité à Sandrine. Il fallait lui éviter le choc. Mais comment ? En tant que secrétaire du service gestion des ressources humaines, et militaire de surcroît, j'étais tenue au secret professionnel.
Arrachant littéralement le téléphone de son emplacement, je me mis à cogner sur les touches pour composer le numéro d'Emma.

— Secrétariat du chef de corps, adjudant Lemaire, à qui ai-je l'honneur ?
— Hiiirk, c'est Mel !

Impossible de contrôler ma voix, j'allais encore passer pour une folle. Heureusement, la très smart et efficace Emma Lemaire n'aurait jamais relevé. Jamais de la vie.

— Veuillez reformuler, demande d'e-mail incorrecte ! Oooh... bon, pardon Mel. Promis, je ne le ferai plus, gloussa mon amie. Que se passe-t-il ?
— Il faut qu'on se voie d'urgence, on a un énorme problème !
— Quel volume ?
— Maximal. Du genre blond, 1,90 m d'arrogance et tellement auto-satisfait qu'à ce point, ça relève de l'Ultimate connard !
— Qu'est-ce que... Ne me dis pas que ce salaud est sur le point de revenir ici ! s'exclama-t-elle en sortant de sa réserve naturelle.
— Tu descends ?
— J'arrive, répliqua-t-elle en raccrochant.

Moins d'une minute plus tard, une ravissante blonde à lunettes débarqua dans la pièce. Ses faux airs de secrétaire sado-maso cachaient en réalité une nature réservée. Aussi surprise que moi mais d'une maîtrise apparente conférant au surnaturel, Emma tendit la main d'un air placide. Son regard tenait du cercle polaire en version cryogénique. Elle était donc à « stress plus cinquante pour cent ». En lisant le détail de l'ordre de mutation, sa grimace explicite flirta avec un soixante-dix pour cent.

— Qu'est-ce qu'il lui prend ?
— C'est ce que je voudrais bien savoir. On se demande ce que fait la police. Ou la garde nationale. Bref, les gestionnaires de la DRH-AT. J'imagine qu'ils picolent. Je viens de recevoir ça sur la boîte fonctionnelle. Tu as dû le recevoir dans ton courrier Lnacre.
— Je me demande... Tu crois qu'il a fait des pieds et des mains pour revenir ici ? Pour que la décision intervienne aussi tardivement, ça ne peut venir que de lui. La réaffectation dans l'ancien régiment se fait sur demande.
— Je ne comprends pas ce qu'il cherche. Il a dû se renseigner. Tu imagines les conséquences ?

À son coup d'œil, je sus qu'Emma partageait mes craintes. Si Sandrine apprenait le retour de son ex, on allait avoir un meurtre sur les bras. Pas que je fusse contre l'acte, la victime potentielle méritait des coups de pelle dans la figure. Ça ne tiendrait qu'à moi, je fournirais même le manche et creuserais le trou.

— Que va-t-on faire ? C'est toi l'intello de la bande, affirmai-je.
— Je réfléchis. Pourquoi ne pas passer par le président des sous-officiers ? L'affectation d'un nouvel adjudant-chef le concerne à cent pour cent puisqu'il va être chargé de son accueil. On lui explique le passif en lui demandant d'alerter Sandrine. Comme ça d'une pierre deux coups. On a savonné la pente de Campier et le PSO prévient notre copine à notre place. Ça évite qu'elle l'apprenne par la rumeur, et nous, ça nous couvre. Je l'appelle tout de suite, il faut que ce soit fait ce matin afin de laisser à Sandrine le temps de décider si elle veut un conseil de guerre.
— Ok. Le plus tôt possible, proposai-je en prévoyant de pré-alerter Yann pour l'inciter à éviter la zone sinistrée quelques heures. Le connaissant, il allait chercher à en connaître les raisons. Mais je n'avais pas droit de lui divulguer l'information principale. Le menacer d'assister à une réunion tequila-et-glousseries devrait l'inciter à trouver refuge chez son meilleur ami.
— Le conseil de guerre, chez toi, ce soir ? me demanda Emma.
— J'y pensais, justement. J'enverrai un sms d'alerte générale si Sandrine me contacte, confirmai-je.
— Je m'occupe de prévenir Alix si tu veux. Un tour en zone technique me sortira un peu du bâtiment.
— Parfait. J'attends quand-même que notre copine batte le rappel des troupes. Ce serait idiot qu'on accentue sa peine par maladresse.
— D'accord. J'apporte les munitions.
— Ce qu'il y a de plus fort, alors. On va en avoir besoin !

Moins d'une heure plus tard, je recevais un message paniqué de notre amie.

Cœur d'homme, âme de soldat 5 : Là où tout a commencéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant