Sauvetage

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Kara s'empressa de rejoindre le léopard dans les quartiers d'infirmerie. Son cœur s'était glacé en apprenant qu'il avait été blessé. Il se sentait responsable car c'était lui qui lui avait demandé d'aller sauver ces gens. Ils n'en avaient d'ailleurs trouvé qu'un sur deux. Le compagnon du cobra était toujours absent... Arrivé devant la porte, il eut peur. Avait-il vraiment le droit de franchir cette porte ? D'aller se réfugier dans les bras du Général alors que c'était lui qui était en souffrances ?

Rassemblant son courage, il franchit enfin l'entrée. Il n'y avait pas de personnel, juste un garde posté près d'un lit caché par un rideau. Ce dernier lui jeta un coup d'œil mais ne l'arrêta pas. Kara leva la main et ouvrit le rideau tout en douceur, dévoilant le léopard.

Leurs regards se croisèrent et tout doutes s'envolèrent. L'Oméga se rapprocha rapidement, se jetant presque dans ses bras. Retrouver son odeur lui fit un bien fou, profitant de la chaleur et de la douceur de sa fourrure. Ce n'est qu'en frottant sa joue dessus qu'il réalisa que l'autre n'était pas habillé. Ou du moins, pas au-dessus de la ceinture.

- Qu'est-ce qu'il y a Kara ?

- Je n'avais pas fait attention que tu n'étais pas couvert...

- Vu mes blessures, il vaut mieux ne pas coller de tissus inutiles dessus.

- Je suis désolé que tu sois blessé. Et encore plus pour le soldat décédé... Je me sens responsable parce que je t'ai demandé d'aller les sauver.

- Tu n'es pas responsable Kara. Celui qui a causé la mort de Joel, c'est son assassin.

C'était terriblement logique. Mais en même temps, il culpabilisait. Il savait que l'Oméga du soldat en question s'était laissé mourir, n'avait même pas essayé de lutter contre la tombe. Il avait suivi son compagnon dans la mort. Leurs deux fils étaient adultes mais ça restait néanmoins triste pour eux. Ils avaient perdu leurs deux parents coup sur coup. Mais Joel avait aidé à sauver une vie, il avait fait son devoir et avec honneur.


Le jeune homme sauvé des griffes de l'enfer, ou plus précisément des lames de la mante-religieuse, avait été pris en charge par le personnel médical. Ça faisait plusieurs jours qu'il était là et à force d'insister il avait obtenu gain de cause pour un avortement. Ne pouvant parler, il avait écrit encore et encore qu'il ne voulût qu'une chose : se débarrasser des œufs en lui. Les médecins cédèrent et procédèrent à l'opération. Ce fut long mais ils réussirent à extraire les œufs, ils étaient au nombre de cinq, aussi gros que des œufs d'autruche. Après délibération, ils furent détruits. Au-delà de l'aspect scientifique ou même éthique de mettre fin à la vie d'un fœtus d'une espèce rare, la volonté de l'Oméga était de se débarrasser d'eux. A tout jamais. Le Roi Faro avait jugé que le père portant était le seul apte à décider de leur sort.

Assit dans son lit d'infirmerie, dans une autre aile que celle où se trouvait Carsten, son regard se perdait sur le paysage par la fenêtre. Quelques heures s'étaient écoulées. Son ventre était vide. Et lui-même se sentait vide. Il avait réclamé et supplié pour qu'on tue ces monstres grandissant en son sein et pourtant... Pourtant, pourquoi était-il si triste ? Il ne voulait pas de ces œufs. Il ne voulait pas les pondre, les voir éclore et grandir. Ils étaient détruits.

Morts, lui souffla son esprit.

Il ferma les yeux, pinçant les lèvres. Il ne se laisserait pas à verser une larme pour la descendance de la chose l'ayant violé et presque tué. Lorsque la mante-religieuse mourut, il ne se sentit pas défaillir. En fait il n'avait rien ressenti. Visiblement, le lien d'interdépendance ne s'était pas formé entre eux deux. Ses doigts vinrent caresser la grosse cicatrice sur sa gorge. Il ne pourrait plus jamais parler. Il s'y était fait. Mais chaque miroir et chaque putain de silence lui rappelleront qui lui a fait ça. Car malgré toutes ces horreurs, oui l'auteur était un qui et non pas un quoi. Il avait même un nom. Isra. Et il était mort ainsi que sa progéniture. Sa propre main se crispa sur sa gorge, ses ongles s'enfonçant dans sa peau bronzée. Il avait voulu vivre, s'échapper et pourtant... Pourquoi ne pensait-il qu'à mourir ? Pourquoi ne pensait-il qu'à Isra et aux œufs ? Ça n'était pas normal. Pas après tout ce qu'il lui avait fait subir...

Crocs et CoeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant