Kara s'éveilla difficilement, encore sonné de ce qui lui était arrivé. Élevé depuis toujours par l'orphelinat du village, plus précisément par l'église qui gérait ce genre de soucis, il avait été choisit pour être une offrande. On l'avait lavé puis parfumé, habillé de blanc, d'un voile vaporeux et orné de bijoux avant d'être jeté aux pieds des Hommes-Bêtes. Il était offert pour devenir leur épouse, afin qu'ils épargnent les filles du village. Un grand loup noir humanoïde l'avait fixé un moment, ainsi étalé dans la poussière, avant de le soulever dans ses bras et de repartir avec son clan. Il avait déposé Kara dans une carriole et il s'était endormi pendant le voyage qui lui avait semblé incroyablement long. Il faisait nuit noire à présent et il ne se sentait pas rassuré. Il resserra sur lui le voile, maigre protection contre l'air frais de la nuit. Un manteau chaud lui fut lancé dessus, le faisant sursauter. Il leva les yeux, croisant le regard doré de l'homme loup qui l'avait récupéré plus tôt dans la journée. Les autres hommes-bêtes avançaient d'un pas tranquille. Kara s'aperçut qu'un autre jeune homme était endormi, lui aussi richement vêtu. Intimidé, il osa cependant parler.
- Vous... Vous récupéré beaucoup de jeunes comme nous?
- Si «comme nous» signifient ceux capable de porter nos enfants alors oui.
Kara papillonna des yeux, surprit. Des enfants? Quels enfants? L'homme loup soupira et il se sentit un peu stupide, comme si il aurait du savoir de quoi il en retournait.
- Ton corps et le sien, sont différents. Vous êtes des Omégas et nous, les hommes-bêtes, nous pouvons nous reproduire avec vous.
Le jeune homme recula vainement dans la carriole, fixant les yeux dorés qui le regardaient de façon neutre. Il déglutit et se roula en boule, se cachant au maximum sous l'épais manteau. Le loup noir ne dit plus rien et lui non plus. Malgré ses questions et la panique qui se faisait peu à peu sentir, le calme de la nuit, la respiration tranquille de l'autre garçon et les remous de la charrette en bois sur le sentier le bercèrent au point de le faire à nouveau sombrer dans le sommeil.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était dans une chambre plutôt jolie. De belles tentures, des plantes en pot et en suspensions, des lanternes éclairant le tout d'une lumière douce. A ses cotés, il découvrit l'autre garçon de la charrette. Ce dernier bougea également, se redressant en se frottant les yeux.
- Désolé si je t'ai réveillé...
- Pas grave... Tu t'appelles comment?
- Kara. Et toi?
- Calywen. On t'a donné en mariage toi aussi?
- Mariage... Je ne sais pas, moi, on m'a juste dit que j'étais une offrande pour sauver les filles du village.
- Mais les sauver de quoi?
Kara remarqua que son vis à vis avait l'air clairement interloqué. Pourtant c'était évident non? Pour protéger les filles des hommes-bêtes. Parce qu'ils allaient se jeter sur elles pour les engrosser de force. Enfin, il supposait que c'était ça la raison puisque lui-même était censé être capable de leur donner une descendance. Il expliqua son point de vue et Calywen ouvrit de grands yeux étonnés.
- Mais moi j'étais heureux d'être choisit! Penses y, un partenaire qui t'aimera et te protégera toute ta vie entière! C'est le genre d'amour qui fait rêver.
- Personne ne m'a parlé d'amour...
Les yeux gris de Calywen brillaient comme des éclats d'argent, ses longs cheveux bruns nattés savamment encadrant son visage de porcelaine. Kara pensa qu'il était vraiment très beau, autant voire même plus, que les plus belles filles du village. Lui à coté devait faire pâle figure avec son teint mate, ses cheveux blond foncé et ses yeux olive. Il ressemblait à ce paysan lambda qu'on trouve dans n'importe quel champ. Calywen lui, ressemblait à une poupée précieuse. Des murmures se fit entendre et le duo se rendit compte que la large chambre abritait d'autres personnes. Le soleil n'étant pas encore levé, ils décidèrent de se recoucher. Calywen s'endormit rapidement mais Kara, soucieux, eut beaucoup de mal à trouver une bribe de repos.
Dans la matinée, de nombreux hommes-bêtes avaient défilé dans l'immense chambre, emportant avec eux de jeunes hommes pendus à leurs bras ou leurs cous, riant, souriant. Kara s'en sentait aussi étonné que mal à l'aise. On l'avait vendu comme une bête pour l'abattoir alors cette scène de bonne humeur matinale le dérangeait. A ses cotés, Calywen était toujours une sublime poupée couverte de perles et de voiles délicats.
- Tu penses qu'on va venir nous chercher, nous aussi?
- J'en sais rien...
Le brun se leva alors et étira son corps longiligne, exposant sa tendre silhouette par transparence. Il était vraiment très beau. De nouveau, Kara se sentit bien ordinaire. Leur attention se porta encore une fois sur la porte lorsque le grand loup noir la franchit, savamment habillé d'une tunique d'un bleu riche et aux liserais argentés.
- Venez avec moi. Nous allons vous donner d'autres vêtements, ce n'est pas comme si vous alliez réellement épouser quelqu'un de sitôt.
- ...Nous ne savons toujours pas votre nom, argua doucement Kara.
- Doyle. Maintenant, suivez moi.
Le ton de sa voix semblait s'être adoucit. Ils croisèrent des hommes ours, léopards, tigres, quelques autres loups aussi mais également des animaux moins impressionnants comme des chats ou des chiens. Quel peuple varié! Tous ces êtres vivaient-ils uniquement avec des... Omégas? Des humains en fait. L'idée lui semblait incongrue au possible.
Calywen poussa un cri d'excitation en découvrant tous les vêtements mis à disposition. Des pantalons, des tuniques, des robes, des voiles, des bijoux et divers ornements. Kara aperçu même des boîtes à maquillage. L'autre garçon à ses cotés semblait au bord de l'explosion joyeuse.
- Tout ça est pour nous?!
- Oui, vous pouvez vous servir.
Ses yeux gris étaient emplis d'étoiles. Kara esquissa un sourire, amusé malgré tout de voir son camarade aussi joyeux. Calywen essaya des tas de vêtements avant de se fixer sur un pantalon large, fluide sur sa peau et assorti à une tunique tout aussi précieuse. Il avait auparavant lavé ses longs cheveux avant de les sécher puis de les coiffer et les parfumer. Là, il cherchait quel accessoire rajouter. Autant dire qu'il s'amusait comme un petit fou. Kara s'était contenté de prendre une tenue sobre, couleur sable, et de se rafraîchir un peu. Assit près de l'une des tables de beauté, il regardait mornement son reflet dans le miroir ouvragé. C'est par ce biais qu'il aperçut Doyle approcher mais même sans ça, il aurait perçu son odeur particulière.
- Ton ami est bien plus enthousiaste.
- C'est vrai mais il est plus beau que moi alors se parfaire n'est pourtant qu'un détail.
- Tu ne te penses pas beau?
L'homme loup semblait clairement surprit. Kara se tortilla un peu. Que dire? Il était banal, voilà tout. La main couverte de fourrure d'un noir dense passa devant lui et farfouilla un moment parmi les breloques colorés et brillantes avant d'en sortir une. C'était une petite barrette dorée, fine et en forme d'oiseau, la seule pierre précieuse étant son œil d'émeraude. Il ne dit rien quand cette grande main plaça ce bijou parmi ses cheveux blonds, se contentant de fixer Doyle par leur reflet dans le miroir. Les mains griffues, délicatement posées sur ses épaules, étaient chaudes et rassurantes. Le museau était proche de son oreille alors que l'homme loup s'était penché pour se mettre à sa hauteur.
- Elle te va à ravir, simple mais belle. Comme toi.
Kara se sentit rougir mais ne pu répondre au compliment, la gorge nouée. Doyle s'éloigna ensuite, allant voir si Calywen avait terminé sa mise en pli. Il ne devrait pas ressentir d'émoi pour une bête si? Dieu qu'il se sentait perdu...
Calywen avait dompté sa magnifique chevelure en deux tresses sages, décorés de rubans colorés, assortis à sa tenue. Il avait longuement joué avec les vêtements et les colifichets mais au final, il était assez simple. C'était sans doute davantage une phase d'amusement que de pomponnage actif. Lui et Kara avaient été amené à visiter cet immense manoir, découvrant les pièces communes et différents lieux de vie de la communauté. Cependant, l'endroit qui les fascina le plus restait la garderie. Ça grouillait de bébés animaux, enfin Kara les voyait ainsi, et d'Omégas arborant souvent un beau ventre plus ou moins rond. Si le brun semblait en extase devant ce spectacle, Kara était bien moins à l'aise. Doyle leur signala qu'il allait les quitter ayant des choses à faire mais qu'ici, ils trouveraient des gens pour les aider au besoin. Le sentant agité, Calywen glissa sa main dans la sienne ce qui le rassura il fallait se l'avouer. Il lui parla à voix basse pour ne pas attirer l'attention.
- Kara, tu n'es vraiment pas à l'aise avec notre situation n'est-ce pas?
- C'est que... Dans mon village, on dit des hommes-bêtes que ce sont des monstres... Qu'ils violent les femmes et mangent les enfants. Bon, pour la fin je n'y crois pas mais...
- Ils ne violent pas les femmes non plus. D'ailleurs même si ils le faisaient, ça ne servirait à rien.
- Ils... Ils ne peuvent pas les engrosser?
- Non, ils ne peuvent pas. Seuls nous, pouvons leur permettre de ne pas s'éteindre.
- Tu es bien renseigné, comment ça se fait?
- Là d'où je viens, on fait commerce avec les hommes-bêtes depuis longtemps et nous sommes proches.
Il hocha la tête, la situation étant bien plus claire. Kara se résigna à se renseigner davantage pour ne pas rester ignorant et stupide. Si la connaissance était la clé du pouvoir, en son cas, elle était surtout la clé de sa possible paix intérieure quant à son avenir.
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Crocs et Coeur
FantasyLes humains ont très souvent peur des hommes-bêtes et la plupart n'apprécient pas ceux qui parmi eux, peuvent se reproduire avec eux. Ils laissent donc partir ces Omégas, pensant ainsi que les hommes-bêtes les laisseraient en paix. Mais ces bêtes so...