79. Belle-maman

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JULIETTE

Elaine Rouberaix Storm était iconique. Dans sa façon de se tenir, de s'habiller et juste de respirer. Quand j'arrivai au niveau cinq, elle était debout face à une baie vitrée donnant vue sur l'esplanade de la Défense bondée, en pleine discussion avec son assistante. Sa voix était délicate, ses gestes réservés. Elle désignait du bout de son doigt des choses et d'autres sur la tablette tactile de son employée qui acquiesçait avec sérieux à tout ce qu'elle disait. Elles semblaient en proie à l'organisation d'un événement très important.

Elle entendit mes talons et virevolta avec grâce. Ses cheveux bruns s'envolèrent par-dessus le col en fourrure de son long manteau noir corbeau. Son regard frigide me captura. Elle m'examina de la tête aux pieds avant de congédier son interlocutrice, puis George et son propre garde du corps.

— Mademoiselle Hildegarde !

Elle s'approcha, bras tendu pour me serrer la main.

— Merci d'avoir accepté de me voir aussi rapidement. Je sais que vous avez un emploi du temps très rempli mais j'aimerais régler ça le plus vite possible et je ne voyais pas d'autres moyens de le faire.

Je lui serrai sa main et n'oubliai pas d'y mettre de la volonté.

— Madame Rouberaix-Storm, commençai-je, un peu sur l'offensive.

J n'aimais pas qu'elle qualifie ce qu'il y avait entre Damen et moi de « ça », ni qu'elle puisse penser un seul instant avoir le droit d'intervenir de quelque manière que ce soit !

— Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que...

Elle m'arrêta. D'un geste de la main. Je respirai profondément pour ne pas lui balancer les premiers mots qui me venaient et me rappelait qu'il s'agissait de la mère de mon fiancé. Et que si quelqu'un devait prendre sur soi, c'était moi.

— Vous devez savoir que j'aime mes fils, Mademoiselle Hildegarde. Ils sont ce que j'ai de plus cher au monde. Je donnerai tout ce que j'ai pour assurer leur bonheur, c'est ma priorité. Envers et contre tout.

Elle me regarda pour voir si j'avais bien enregistré ces premiers mots. J'ouvris doucement la bouche, ne sachant comment le prendre :

— Vous ne pensez pas qu'arriver à un certain âge adulte, ils soient capables de définir tout seul leur propre vision du bonheur ? De savoir ce qui est bon pour eux ou ce qui ne l'est pas ?

— Bien sûr que si, me contredit-elle avec son air dédaigneux et offusqué. Mes garçons sont tous deux brillants. Ils sont reconnus et respectés dans leur milieu respectif. Mon mari et moi avons toujours fait en sorte de les hisser au sommet. Seulement, plus vous êtes haut dans la montagne, et plus vous êtes proche des vautours et des prédateurs.

— Et donc... ? Vous vous octroyez le rôle de la chasseuse ?

Elle leva un sourcil. Mon culot ne lui plaisait pas. Elle ne devait pas avoir l'habitude qu'on la confronte ainsi.

— Je ne m'octroie aucun rôle, Mademoiselle Hildegarde, rétorqua-t-elle, glaciale. Je protège mes fils. Leur intelligence les a amenés très loin, mais il arrive parfois que leur bonté les dépasse et les perde. Ils sont aveuglés par leur foi en l'humanité et ils en oublient que tous les hommes ne sont pas bons.

— Selon vos critères ou les leurs ? attaquai-je.

Elle avança d'un pas vers moi. Me montrant qu'elle n'avait peur, ni de moi, ni de personne d'autre en ce bas-monde.

— Avez-vous la moindre idée du montant de la fortune que possède ma famille ? Est-ce que vous savez combien de fois des étrangers ont voulu nous arnaquer, nous prendre notre héritage, nous déposséder de nos biens, nous arracher notre âme, nous voler tout court ? Gayle et Damen n'ont jamais demandé à avoir tout cet argent. Mais le sang des Rouberaix coule dans leurs veines. Ils sont légalement et légitimement les ayants droits. Et il est de leur devoir de le protéger.

Before Storm (sous contrat d'édition &h)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant