Chapitre 6

317 20 4
                                    

Bellamy pourrait essayer de se convaincre qu'en s'avançant pour interrompre la danse sensuelle de Clarke et sa partenaire, il ne fait que ce qu'il a promis respectivement à Raven, Echo et Doucette lorsque ses trois amis l'ont coincé l'un après l'autre à divers moments de la journée : qu'il fait preuve de gentillesse, qu'il essaye de faire mieux, qu'il ouvre son esprit à l'idée de peut-être un jour — prochainement, voire même bientôt — pardonner à Clarke.

La vérité est tout autre et elle tambourine dans son cœur depuis le moment où la dénommée Rose a posé ses mains sur la taille de Clarke, depuis le moment où le sourire de la blonde s'est reflété dans ses yeux couleur émeraude.

Il est jaloux.

Il ne comprend d'ailleurs pas d'où proviennent ses émotions si fortes qui explosent dans sa poitrine, seulement qu'elles étaient déjà présentes depuis longtemps, mais jamais aussi intenses, jamais aussi vives. Le sentiment d'urgence qui le saisit est ridiculement inadéquat pour cette situation si simple et lui rappelle des temps horriblement plus durs, font naître dans son esprit des images et des souvenirs d'un autre temps.

Clarke, qui l'envoie au Mont Weather.

Clarke, qui refuse de passer les portes du camp Jaha.

Clarke, qui choisit de rester à Polis.

Clarke, qui prend la pastille de la cité des lumières.

Clarke, qui hésite à écrire son propre nom sur la liste des 100.

La Terre flamboyante, qui s'éloigne encore et encore tandis que la navette de Spacekru s'envole pour l'Anneau.

Clarke, condamnée à mort par sa sœur.

Clarke, qui traverse la barrière anti-radiation de Sanctum sans être sûre que c'est sans danger pour elle.

Réaliser que ce n'est pas Clarke, mais Joséphine Lightbourne, ravie de le rencontrer.

Le cœur de Clarke, qui reste silencieux et mort tandis que le sien bat brutalement pour deux.

Clarke qui pointe une arme sur sa poitrine avant d'appuyer sur la détente.

Deux questions résonnent dans son esprit à cet instant.

Combien de fois encore Clarke allait-elle l'abandonner ?

Et surtout, pourquoi la voir danser si libre et si belle avec un autre que lui, ramène-t-il des souvenirs de toutes les fois où elle lui a échappé sans qu'il parvienne d'abord à lui dire ce qu'il ressentait ?

C'est ridicule. Ce n'est qu'une stupide danse, lors d'un stupide bal, pendant une stupide Saint Valentin. Pas une sentence de mort. Il le sait, à un certain niveau de conscience. S'il voulait être pathétique, il pourrait même dire que sa tête le sait. Mais que son cœur lui, ne semble pas avoir eu le mémo. En tout cas, pas si on en croit la façon dont ce trop plein d'émotions lui fait enrouler son bras autour de la taille de Clarke, pressant ainsi son corps contre le sien. Là, le cœur de sa partenaire semble battre la même chamade que le sien et le voilà qui se sent moins seul. Mais n'est-ce pas là le pouvoir de ces liens qui les lient ? Rester seuls, mais l'être ensemble ?

La première chanson s'achève et aucun autre mot n'est échangé. Bellamy ne se demande même pas s'il est plus raisonnable de faire un pas en arrière, à présent, et de laisser Clarke à d'autres cavaliers. Non, c'est impensable. S'arracher à son étreinte serait laisser un bout de lui-même, là, sur la piste de danse, comme il a déjà laissé des dizaines de morceaux de lui-même dans les bras de Clarke avant aujourd'hui, ne se sentant finalement complet que lorsqu'elle est près de lui.

Ne Parle PasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant