Ne Parle Pas

Chapitre 7

Le premier réflexe de Clarke, après avoir réalisé qu'une éclipse était en train de se produire au-dessus de leurs têtes, est de se demander si les actes surprenants de Bellamy, tout comme ses propres mots totalement incontrôlés et inattendus, sont du fait des toxines relâchées dans l'atmosphère par ce phénomène naturel et malheureusement imprévisible. Respirent-ils depuis ce matin toutes sortes d'hormones et de phéromones qui contaminent peu à peu leurs organismes et ont de ce fait agit sur leurs pensées et leurs émotions ?

C'est bien possible, mais après tout, est-ce réellement important ? Clarke n'a rien dit ou fait qu'elle ne pensait ou ne voulait pas. Contamination ou pas, les seules choses que lui ont donné ces toxines sont une dose de courage et une sensibilité peut-être plus à fleur de peau que d'ordinaire. Bref, pas de quoi blâmer cette éclipse pour tous les choix bons ou mauvais qui ont été fait cet après-midi.

Ce qui est certain c'est que désormais, plus rien ne peut les atteindre dans cet espace restreint et hermétique. Lorsqu'ils sortiraient d'ici, il faudrait que Clarke prennent quelques instants pour féliciter Raven pour son système intelligent et sans faille. Construire les deux nouveaux campements en intégrant ce genre de sécurité dans leur conception était une idée brillante. Dommage qu'à cet instant, Clarke n'y trouve plus d'inconvénients que d'avantages. 

Depuis que les issues de cette pièce se sont verrouillées et les leds rouges allumées, Clarke n'a pas quitté Bellamy des yeux. L'éclipse n'est qu'un détail. Pour une fois, la co-leader n'est pas inquiète de la tournure que peut prendre les événements à l'extérieur. Elle sait que leur peuple, ses amis, sa famille sont en sécurité là où ils se trouvent. Que ce soit à Sanctum, à Solus ou ici, à Terra. Leur système a fait ses preuves et son efficacité n'est plus à prouver.

Alors, tout ce vers quoi les pensées et l'inquiétude de Clarke peuvent se focaliser, c'est sur Bellamy, immobile face à elle et sur le silence qu'il garde obstinément malgré la façon dont leur conversation s'est arrêtée, interrompue par l'alarme sonore annonçant leur confinement immédiat.

C'est comme si leur vie entière était sur pause, et Clarke ne peut plus supporter cette immobilité, cet équilibre précaire sur lequel elle n'arrive plus à se balancer. Sur ses lèvres, elle a encore le goût de celles de Bellamy. Sur son cœur, elle sent toujours la fêlure provoquée par son expression dévastée. Son corps entier vibre des sensations que son contact sur sa peau a provoquées.

Elle soupire au moment où le silence devient tellement imposant et épais qu'il en est assourdissant et l'observe se mordre la lèvre, signe qu'il a un nombre considérable de choses à dire, mais qu'il se retient. Frustrée, Clarke ne peut s'empêcher de le provoquer.

"Eh bien au moins cette fois, tu ne peux pas fuir cette conversation."

Il lève un sourcil et croise les bras sur sa poitrine et - oui, ça fonctionne.

"Qu'est-ce que tu veux dire ?"

"Nous sommes tous les deux coincés ici pour au moins le reste de la nuit. Tu peux te murer dans le silence si tu veux, mais tu ne peux pas t'en aller."

Bellamy renifle dédaigneusement et son visage se ferme davantage sous l'effet de la colère qui le menace. Malgré tout, Clarke est tellement satisfaite de le voir s'exprimer librement, que peu importe les émotions qui le poussent à dire ce qu'il retient sans cesse, tant qu'il le dit enfin.

"Alors ça, c'est le bouquet. Vraiment ? Tu vas être celle qui va me reprocher de partir ? Quand tout ce que tu fais depuis le moment où on s'est rencontré ou presque, c'est fuir quand les choses se compliquent ?"

Ouch. Ça fait mal de l'entendre de la bouche de Bellamy. Cependant, c'est la vérité. Une vérité qu'elle s'est admis à elle-même depuis des mois et des mois et sur laquelle elle travaille quotidiennement, faisant de véritables efforts pour réparer le mal fait par ces nombreuses fuites en avant, pour rassembler les morceaux des confiances qu'elle avait brisées, pour faire mieux et honorer enfin la mémoire de Monty et d'Harper. Aussi sait-elle déjà ce qu'elle doit répondre à cela. Elle le sait depuis des mois.