Chapitre 5 : Léonore - "It Happened Quiet"

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It Happened Quiet, Aurora

« You fell apart

Like a stone can be broken into sand

A thousand pieces

Spread accross a crying land

And you can't remember that day

But you know it happened quiet »

Lorsque mes crises ont commencé, il y a plusieurs années, mon entourage m'a amenée voir un tas de professionnels. Malheureusement, aucun d'entre eux ne me correspondait et leurs tentatives de guérison n'ont pas porté leurs fruits. Ils n'arrivaient pas à me cerner.

Je n'arrivais pas à me cerner non plus, cela dit.

En fait, je parvenais à peine à décrire mes symptômes. On a d'ailleurs pensé pendant longtemps que c'était ma santé physique qui subissait un dérèglement. Tous mes organes liés de près ou de loin à la digestion ont été passés en revue chez une panoplie de médecins. Mais ce n'était ni une maladie des intestins, ni une maladie de l'estomac... Bref : le problème se trouvait autre part. 

Ensuite, je suis tombée, lors de mes recherches fastidieuses, sur un site qui parlait de troubles du comportement alimentaire. N'en ayant jamais entendu parler avant, j'ai passé la nuit à me renseigner sur le sujet. Dès le lendemain, j'ai cherché quel était le cabinet de psychologie le plus proche pour m'y rendre au plus vite. C'est ainsi que je me suis retrouvée devant la fameuse pancarte « Mme Honore ». Depuis, je la vois de manière hebdomadaire.

Un jour, Laura et moi nous sommes croisés en dehors de nos séances, et de fil en aiguille, nous nous sommes retrouvées à boire un café ensemble. Au début, elle s'inquiétait de l'évolution de ma thérapie si nous nous rapprochions. De mon côté, je ne savais pas si c'était une bonne idée, mais j'étais rassurée d'avoir quelqu'un dans mon entourage qui me comprenait. Pour rien au monde, je n'aurais perdu cette complicité avec mon amie et ce confort avec ma psychologue. Finalement, nous nous voyons de temps en temps et les séances se déroulent sans encombre.

Laura me fixe d'ailleurs depuis plusieurs minutes, les fesses posées sur son petit fauteuil et les jambes croisées. Elle tapote son cahier de notes avec son crayon et attend patiemment que je lui raconte en détail ce qu'il s'est passé. Elle me connaît et elle sait que je finirai par parler lorsque je trouverai les bons mots. Pour le moment, ils se mélangent tous dans ma tête et j'ai encore du mal à reconstituer le déroulé des évènements.

C'est pourtant simple : j'ai rechuté.

J'ai refait une crise. Je développe à haute voix tandis que mon regard s'égare dans les feuilles vertes des arbres longeant la fenêtre.

- D'un côté, ce n'était pas étonnant. Je savais depuis le début que c'était une très mauvaise idée. Je n'aurais pas dû m'y rendre.

- Est-ce que tu regrettes d'y être allé ?

Je trouve souvent ses questions absurdes. Mais par expérience, les psychologues semblent poser des questions insensées jusqu'à ce que nous nous rendions compte du chaos qu'elles ont provoqué en nous.

- Oui, bien sûr. Ça s'est terminé en crise de niveau huit devant un inconnu.

Pas si inconnu que ça, mais c'était tout comme.

Elle persiste :

- En tout cas, je suis fière de toi. Je sais que ce n'était déjà pas facile pour toi d'y entrer.

Hold My HandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant