Chapitre 11 : Naël - "Sous un Soleil pessimiste"

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Sous un Soleil pessimiste, Nuit Incolore

« J'ai bien trop d'blâmes

J'ai bien trop d'mal

De vivre esclave

Et j'me sens seul, et j'me sens sale

Je me pends de mon piédestal

Car je me sens si lamentable »

Je ne supporte pas le contact humain. C'est définitif. Surtout en ce moment. J'essaie de garder le cap en pensant au week-end qui pointe le bout de son nez ce soir. La cadence de mes crises diminuera enfin. Actuellement, je n'ai qu'une envie : m'enfermer à double tour dans mon appartement, les volets fermés, à m'apitoyer sur mon sort et me répéter en continu :

« Pourquoi m'a-t-il abandonné ? »

« Comment puis-je m'en remettre ? »

« Puis-je m'en remettre ? »

Mais non, je suis assis derrière mon bureau en train de trier des papiers. C'est la seule activité que j'ai trouvée pour faire passer le temps. Impossible pour moi de travailler sérieusement. Mon cerveau m'envoie des petits messages d'alerte à chaque fois que j'attrape mon stylet pour tracer un simple trait.

« S'il était là, il serait fière de toi. »

« S'il n'était pas parti, vous auriez soufflé ses bougies dimanche dernier. »

« S'il ne t'avait pas quitté, tu serais heureux aujourd'hui. »

Sauf qu'il n'est plus là, qu'il est parti et qu'il m'a quitté il y a maintenant dix ans.

Ely, collègue et ami par extension, frappe à ma porte avant de l'entrebâiller, me coupant dans mes réflexions.

Si on en croit les rumeurs, personne ne l'a jamais vu calme. C'est une véritable boule d'énergie. Il ne passe pas une seconde sans un sourire aux lèvres, qui met en valeur les couleurs extravagantes qui les parsèment. Ils sont la plupart du temps accordés à ses crops tops : son must have. L'highlighter qu'il applique sur ses pommettes tous les matins fait ressortir sa peau noire. Aujourd'hui, il a opté pour un manteau long couleur vert d'oie pour se protéger de la brise printanière.

Il apporte du baume au cœur à chaque personne qui lui adresse la parole. Je suis persuadée qu'il s'entendrait bien avec ma meilleure amie.

Secrètement, je rêve de lui ressembler. De m'assumer. D'oser.

- Hello Naël, tu en es où dans le projet avec le cabinet d'avocats ? Je dois en parler à Alice pour qu'elle fasse les comptes ou ça peut attendre encore un peu ?

Son arrivée me coupe pendant que je ressasse de sombres idées. Il tombe à pic. Je sais qu'il ne me posera pas une ribambelle de questions sur l'état de mon bureau, le sweat que je porte depuis une semaine, les lunettes de soleil que je ne quitte plus ou encore la boite de mouchoir posée à côté de mon ordinateur.

- Nous avons validé auprès des concernés toutes les modalités : on peut dire que le projet est en phase terminal. Je transfère les forfaits choisis à Alice.

Cette dernière est notre comptable. C'est elle qui s'occupe du budget de la boite.

- Ok. Ça va mec ? Tu t'en sors ?

Il ne sait pas pour mon père. Par contre, il me voit chaque année dans un état second au milieu du mois d'avril. Je suppose qu'il se doute de quelque chose.

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