S17 - Naissance

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L'étrange patiente du docteur Nazarof


— Bonjour à tous. Pour cette séance, j'ai préparé des documents d'une nature pour le moins... différente de ce à quoi je vous ai habitués. Le cas que nous allons étudier est un accouchement dans un hôpital de Vorkouta en Sibérie. Vous trouverez un polycopié sur vos tables ; il s'agit de la retranscription du journal vocal du docteur Nazarof que nous allons écouter ensemble. Soyez très attentifs et gardez bien en tête qu'il ne s'agit nullement d'un canular.
Dans un silence religieux, le professeur Babkine brancha le câble de son ordinateur à l'enceinte stéréo et appuya sur une touche de son clavier, libérant ainsi la voix sifflante et fatiguée du docteur Nazarof :

« 20h15. Je suis le seul médecin de garde ce soir. Avec cette tempête de neige qui n'en finit pas, il y a peu de chance que des patients arrivent jusqu'à nous.

20h40. Une femme inconsciente a été trouvée devant l'hôpital par une infirmière. Son corps était totalement nu. Pour l'heure, ses signes vitaux sont faibles. D'après la taille de son abdomen, elle doit être enceinte, peut-être même à terme. Quel monstre a pu l'abandonner dans cet état ? Le corps de la patiente présente des lésions dont la forme évoque de larges morsures... j'espère me tromper.

21h24
La patiente a repris connaissance en se réchauffant, mais n'a pas l'air de comprendre notre langue. Elle est terrifiée, son comportement est proche de celui d'une bête sauvage. Nous avons dû l'attacher à son lit pour sa propre sécurité, ainsi que pour la nôtre.

21h35
Une panne de courant nous a plongé dans le noir et le générateur de secours ne se met pas en route. Il m'est impossible d'avoir une image du foetus dans ces conditions. Je crains pour la vie de l'enfant que ma patiente porte. Les cris qu'elle pousse sont à glacer le sang.

21h52
Une aide-soignante utilise son téléphone pour éclairer la chambre de la patiente. Celle-ci a perdu les eaux, il y a quelques minutes. Les contractions semblent se rapprocher, mais cela reste difficile à affirmer sans le témoignage de la mère. Et ses cris...

22h20
Le bébé paraît anormalement agité, on peut voir ses doigts depuis l'intérieur du ventre de sa mère, comme pour en sortir. J'ai cru voir une longue griffe se dessiner sous la surface de sa peau, mais c'est probablement le manque de lumière... ou la fatigue qui me fait imaginer des choses.

22H45

Le col est déjà dilaté à 10. Je ne comprends pas. C'est beaucoup trop rapide.

23h52
Le bébé ne se présente pas malgré la dilatation et les contractions apparentes. La patiente a de nouveau perdu connaissance, je me prépare à inciser pour l'extraire par césarienne.

00h00
C'est impossible... le ventre de la patiente, s'est ouvert tout seul, de l'intérieur, il n'y a plus rien... elle est... morte, les infirmières et l'aide-soignante ne répondent plus... et j'entends des bruits, comme un rat qui gratterait au mur, ça se rapproche... Qu'est-ce que... ? NON, HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA »

Son cri glaçant fut étouffé par des grésillements avant de se taire complétement, laissant sous le choc les étudiants du professeur Babkine.
— Voici à présent plusieurs photographies du corps du docteur Nazarof prises par le coroner ainsi que le rapport d'autopsie. Comme vous pouvez le constater, il présente des lésions identiques à celles décrites sur sa patiente à son arrivée. Je n'ai qu'une question à vous poser : « quelle est, à votre avis, la cause de son décès ? Au travail, maintenant. »

Mon défi BradburyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant