Voyage

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Mon visage me brûle et je suis un peu hébété. Je me masse la joue alors que Nath fait les cents pas devant moi. Mon explication semble le déstabiliser au plus haut point. Un cercle de suie s'étale devant nous, j'en occupais le centre il y a quelques minutes. A part ce léger détail tout est intact.
 
- « Finalement tous les moyens ne seront pas bons pour toi. Ne cache plus ta marque, n'essaie plus, je ne pourrai pas intervenir si tu perds le contrôle. »
 
- « Je n'ai pas perdu le contrôle. » dis-je légèrement exaspéré, Nathanïel me désigne le sol d'un regard et je me renfrogne « Bon d'accord légèrement mais au moins maintenant je connais la source de mon pouvoir et je pourrai le museler. »
 
- « Tu ne pourras pas, c'est trop tard maintenant. »
 
- « Qu'est ce qui est trop tard ? »
 
Il garde le silence et m'ignore royalement, ce qui a le don de m'agacer. Je décide de le prendre de court pour obtenir une réaction de sa part.
 
- « Nath, qui est le démon ? »
 
Il s'arrête net et me scrute comme s'il cherchait à déterminer qui j'étais réellement. Cependant il ne répond toujours pas.
 
- « De toi ou de moi, qui est le démon ? »
 
- « Nous en sommes tous les deux un à notre manière. »
 
Je ne suis pas très satisfait de ce qu'il vient de dire mais il ne me laisse pas le temps de protester.
 
- « Allons nous coucher, demain il faudra se lever tôt et tu te dois d'être en forme. »
 
Il tourne les talons et se dirige vers sa chambre, quant à moi je rejoins le loup à côté de ma paillasse. Il lève un regard suspicieux à mon approche avant de pousser un léger grognement. Je sens son esprit effleurer ma conscience et lui ouvre grand les portes menant à mes pensées.
 
- « Tu lui fais peur. Très peur. »
 
- « Quel type de peur ? La peur qu'éprouve une proie ou une peur d'un autre style ? »
 
- « Il est loin d'être ta proie. Mais il est clair qu'il est préoccupé par tes excès de violence et ce qui dort en toi. Je dirai qu'il a peur pour toi et ce pays. »
 
- « Rien ne dort en moi, tout s'éveille. Ça me fait peur aussi. »
 
- « Tu es ta propre proie. »
 
Il se lève et me laisse seul face aux flammes qui dansent dans la cheminée. Je me couche dans mon lit de fortune et sombre dans un sommeil sans rêve.
 
Pendant notre voyage mon frère ne cesse de me provoquer en duel de me pousser à bout. Je ne dois pas craquer, je ne dois pas laisser paraître que je pourrai rôtir sur place ou noyer celui qui m'agace. Il vérifie et corrige mes postures aux combats à l'épée et me demande de lui restituer mes connaissances sur les armes plus sournoises. Nous nous mêlons au reste du cortège en adoptant chacun notre rôle. Nathanïel est déjà connu comme garçon d'écurie, il est donc facile pour lui de conserver ce rôle là, de plus son personnage étant le bâtard d'un petit seigneur disparu il lui sera aisé de prendre part aux festivités. En ce qui me concerne, j'incarne une nouvelle recrue chez les gardes ce qui est plutôt approprié à ma personnalité. Je me suis rapidement lié au petit groupe qui escorte le convoi. Je m'amuse de les voir se mesurer les uns aux autres et se lancer des piques après la défaite d'un de leur camarade.  Cependant je reste toujours un peu en retrait, ils n'ont pas retenu mon nom et se contente de m'appeler « Le Nouveau » ou « Petit ». Je ne me plains pas de cette situation, au contraire, plus je suis transparent moins il y a de la chance que l'on vienne me provoquer. Je participe à leur discussion salace sur les quelques dames qui composent notre groupe de voyage.
 
- « J'aurais encore ton âge je me serai débrouillé pour me retrouver dans la tente d'une de ses dames. » me dit un garde que la bière a rendu plus bavard que d'habitude.
Je ris et me tourne vers lui d'un air moqueur.
 
- « Qu'est-ce qui vous en empêche ? Vous n'êtes pas si vieux. »
 
- « Non mais la fatigue me rattrape plus vite. »
 
Je ricane avant de lui répondre.
 
- « Oui et puis rien ne sert de sortir l'épée maintenant, il n'y a rien à combattre et rien à embrocher. »
 
Le garde m'observe d'un air amusé avant de poursuivre.
 
- « Tu vois Petit, je t'aime bien mais puisque l'on parle d'épée montre moi ce qui tu vaux. »
 
Je fais l'idiot et lui lance :
 
- « Mon épée est très bien là où elle est je réserve mes talents pour satisfaire ma dame. »
 
Mon interlocuteur explose d'un rire gras avant de me regarder avec plus de sérieux. Ma tentative pour dévier la conversation n'a pas fonctionné. Il se lève dégaine son arme et me fait signe de le suivre, j'obtempère en grognant. Le reste du groupe nous suit du regard avant de nous emboîter le pas et de se placer en cercle autour de nous. Les paris fusent et je concentre mon attention sur mon adverse, je dégaine ma lame à mon tour. Mon camarade me jauge et je fais de même. Il est plus épais que moi, je peux avoir l'avantage de la vitesse mais pas de la force, si je veux gagner je dois frapper en premier. Je me mets en position et lance ma première attaque. Il pare mon coup et nos épais s'entrechoquent bruyamment, à la périphérie de ma vision je remarque que des gens ont rejoins notre petit groupe alerté par le bruit. Je fais un bond en arrière pour éviter l'assaut du garde. Il s'avance et me force à plier sous les coups, je ne peux pas me permettre de baisser ma garde pour attaquer et cette position me frustre. J'attends patiemment qu'il fasse une faute qui me permettrai de contre-attaquer, malheureusement je m'épuise vite et je risque de perdre sans avoir pu répliquer. Nous continuons ainsi de longue minutes, mes parades s'affaiblissent, je vois dans les yeux de mon adversaire qu'il est persuadé de me tenir. Il m'arrache mon épée des mains, mais avant qu'il pointe sa lame sur ma gorge pour me forcer à déclarer forfait je le désarme d'un coup de pied dans les doigts, le forçant ainsi à lâcher son arme à son tour. J'arme mon second coup et expédie mon poing directement vers sa tempe, il pare. Un éclair de malice anime son regard alors que le mien est chargé d'une aura dévastatrice. Cette fois c'est moi qui l'empêche d'attaquer en multipliant les assauts. Au moment où je m'apprête à asséner le coup de grâce le capitaine fend le cercle et me saisit les avants bras.
 
- « Assez ! Tous les deux assez ! »
 
L'autre garde se redresse en riant.
 
- « Voyons Cap'taine, je ne faisais que tester notre nouvelle recrue. Et je dois admettre que ce petit a de l'énergie à revendre et qu'il ne sera pas facile à tuer. »
 
Je réponds d'une voix plus grave qu'à mon habitude et charger de menace.
 
- « La réciproque n'est pas vraie. Si je le voulais je t'écraserai en un rien de temps. »
 
Le garde rit et me prend par les épaules avant de rejoindre le camp.

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