Une mort certaine

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Il y a des blessés à n'en plus finir, la plupart sont parmi les gardes. Je n'ai pas vu mon frère depuis mon arrivé et étant l'un des rares valides je n'ai d'autre choix que de courir exécuter les tâches que l'on me commande. Mais dans tout ce malheur il y a quand même du bon, nous ne comptons que peu de morts.

La zone nord du campement est complètement détruite, l'autre moitié à miraculeusement survécu. J'ai dû faire preuve de vigilance afin que personne ne me voit contenir les flammes et intimer au feu de s'éteindre.

- « Neven ! Qu'est-ce que tu attends ? qu'il se vide de son sang ? »

Je m'empresse de donner les bandages à l'infirmier et prends sa place pour maintenir le point de compression. Le soldat étendu devant moi à une belle entaille à la jambe et celle-ci laisse le sang s'échapper en flux continu. Le liquide vermillon vient rapidement tacher mes mains et l'odeur de fer emplit mes narines. Je sens mes éléments s'impatienter, le sang les appelle. Je respire plus profondément, il faut que je garde le contrôle, ce n'est pas le moment de créer un drame. L'infirmier me pousse du coude.

- « Décale-toi un peu que je puisse poser le pansement. Tu devrais prendre une pose après ça. »

J'acquiesce et le regarde serrer la bande autour de la blessure. Les premières couches du tissu sont rapidement souillées de rouge mais le flux semble moins important à chaque tour que l'infirmier fait pour bander la jambe. Une fois cette tache terminer je quitte la tente et pers chercher un coin tranquille pour souffler un peu.

Je suis parti avant le lever du soleil pour repérer la fin du trajet avec Aster puis après le message d'Hurlevent tout s'est enchaîné. Il nous a fallu un temps fou pour repousser le groupe de voleur. Cette phase de la journée a été la plus compliquée pour moi. Pas que tuer soit quelque chose qui me dérange mais je dansais sur le fil du rasoir. Depuis que j'ai rencontré la source de mes pouvoirs ceux-ci ont soif de vies. J'ai donc passé toute la bataille à les contenir avec le plus grand mal.

- « Qu'est ce que tu fais là ? »

Je sursaute en entendant la voix de mon frère. Je me tourne vers lui l'air lasse et lui réponds sans me presser.

- « Je prends une pose. Tu n'as pas été blessé ? »

- « Comme tu peux le voir je suis entier. Tu as trouvé mon cadeau ? »

- « Ton cadeau ? »

Il adopte un air faussement pensif avant de dire dans le plus grand calme :

- « Je devrais peut-être aller le déterrer. »

Il m'envoie mentalement l'image d'un homme bloqué sous un monticule de terre dont seule la tête dépasse. Je l'entends supplier et hurler, ma vision se coupe et je regarde Nath en souriant.

- « Que tu es cruel petit frère. » je me lève pour le suivre « Allons le chercher de ce pas alors. »

- « Avant d'arriver, tu devras relâcher tes éléments, je veux que tu sois terrifiant. »

Nous nous éloignons de l'effervescence du camp pour nous diriger vers les tentes calcinées et ma nouvelle proie. Une fois que nous sommes suffisamment loin pour que personne ne puisse nous voir je laisse le feu et l'eau s'exprimer. Des flammes jaillissent de mon dos pour former des ailes incandescentes alors que des filaments d'eau s'entrecroisent autour de mes avant-bras. A chaque pas de petites étincelles consument les rares brins d'herbe épargnés par l'incendie. Les deux éléments fusionnent dans mes iris donnant ainsi à mes yeux une teinte or aux reflets bleutés. L'air autour de nous se réchauffe et je sens que mon frère déploie également toute sa puissance. De petit rochets viennent léviter autour de sa tête et forme une couronne alors que l'air souffle puissamment autour de lui faisant ainsi léviter ses longs cheveux. Contrairement à moi ses yeux ont pris une teinte unique ou plutôt devais-je dire : ce sont totalement décolorés. Il faut avouer que pouvoir enfin se lâcher me fait le plus grand bien.

L'homme que mon frère a immobilisé entre rapidement dans mon champ de vision. Je m'enivre de la terreur que nous lui inspirons, je sens d'ici l'odeur de sa peur. Je m'approche avec le plus grand calme pendant que mon frère reste légèrement en retrait. Le voleur hurle, me supplie de l'épargner, je joue négligemment avec mon épée tout en l'observant se ridiculiser.

- « Pourquoi nous avoir attaquer ? »

Mon ton est intransigeant et ne laisse pas le temps à la réflexion. Il me répond en tremblant.

- « Je ne sais pas, je le jure. »

Je perçois une accélération soudaine de son débit sanguin et le vois déglutir, c'est ce qui le trahit. Je plante d'un coup sec mon épée derrière sa tête, il gémit et je vois de larme couler sur ses joues tachées de sang et de poussière.

- « Tu le jure ? Serais-tu prêt à le jurer devant un dieu ? »

Il s'affole, ses yeux roulent nerveusement dans ses orbites il ne cesse de regarder dans la direction de Nathaniel. Je désigne alors mon frère du doigt.

- « Il t'avait dit que je viendrais, tu le savais. Je te conseille de me donner toutes les informations que tu possèdes immédiatement et de cesser de mentir. Je perçois chacun de tes battements de cœur s'il accélère encore une fois je te tue immédiatement. »

Je fais apparaitre une petite flammèche innocente dans ma main, je la plaque au sol et un cercle de feu apparait autour de la tête de ma victime. La réponse ne se fait pas beaucoup attendre.

- « ON DEVAIT LE PRENDRE LUI ! EN ÉCHANGE NOUS POUVIONS PILLER LE CAMP ET NOUS SERVIR EN FEMME. »

- « Bien, tu vois, quand tu veux tu peux. »

Je passe mon pouce sur ses joues sales pour essuyer les larmes, de mon autre main je saisis le pommeau de mon épée. Je la sors brutalement de terre et la replonge aussi sec dans le crane de l'homme. Je sens les os de son crane céder sous la pression de la lame et celle-ci s'enfonce dans sa boîte crânienne pour ressortir sous son menton. Un flot de sang jaillit de sa bouche et il lâche son dernier souffle dans un râle de douleur. Mon aura s'étend alors sur tout le camp provocant un courant d'air incandescent, je sens mon frère se tasser derrière moi. Je me retourne vers lui, les petits blocs de pierre acérés qui tournait autour de sa tête s'écrasent à ses pieds et l'air autour de lui semble se solidifier pour former une barrière invisible. Cette image provoque une profonde tristesse en moi. Je fonds sur lui en étouffant mes éléments, je traverse sans peine le semblant de bouclier qu'il avait érigé entre nous. Je le prends dans mes bras et le serre contre moi.

- « Je ne te ferai jamais de mal... Tu es mon frère. Pour toi j'irai au bout du monde et je tuerai tout ce qui peut te nuire. »

Ses bras se referment en tremblant autour de moi et il finit par me chuchoter.

- « Je le sais, mais je sais également que ce monde ne nous survivra pas. »

Du présent au Passé 2-Au CompletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant