Du présent au Passé 2-Au Complet

Concurrence

Mon frère et moi nous séparons pour être plus efficaces, lui est parti chercher une cavalière pendant que je cherche le point de distribution des boissons. Les femmes et l'alcool ont pour point commun de délier les langues. Je m'accoude tranquillement au comptoir en écoutant les discussions autour de moi.

Une jeune femme se glisse à mon côté en me faisant les yeux doux, je lui souris poliment tout en continuant mon inspection. Elle se rapproche et se fait qu'elle que peu instance, sa présence m'encombre et je souhaite m'en débarrasser au plus vite.

- « Que puis-je pour vous Madame ? »

Elle fait mine de se cacher derrière son éventail avant de me répondre d'un air qui se veut timide.

- « Faire connaissance, n'est-ce pas le but de ce bal ? »

- « Il me sera bien difficile de faire la connaissance de quelqu'un dont je ne vois pas le visage. » je réponds froidement en espérant la faire fuir mais elle reste et ne se laisse pas démonter

- « Les masques tomberont dans la soirée, je n'en doute pas. Passons, êtes-vous de la cour du Roi ?»

Je reste sceptique, elle est bien trop directe pour que sa question soit anodine. Je fais vibrer le lien entre mon frère et moi pour qu'il écoute à travers lui.

- « En effet. J'imagine que vous êtes de la cour de notre hôte. »

- « Vous imaginez bien. Que diriez-vous de continuer à discuter autour d'une dance ? »

- « Si je ne me trompe la coutume veut que se soit moi qui invite Ma dame et non l'inverse. »

- « Dans ce cas qu'attendez-vous pour m'inviter. »

Je suis surpris par ses paroles mais me ressaisis rapidement, de toute évidence elle n'est pas une simple noble capricieuse. Je finis mon verre d'une traite et lui offre mon bras. Elle s'y cramponne comme si sa vie en dépendait. Nous nous dirigeons vers la piste de dance où je crois le regard de mon frère qui hoche la tête en signe d'approbation.

Je me positionne face à ma cavalière et attend que l'orchestre commence à jouer. Une musique enjouée raisonne dans la vaste pièce et tous les couples se mettent en mouvement de manière fluide et synchronisée.

La première dance consiste essentiellement pour moi à observer les moindres mouvements de ma partenaire pouvant dévoiler une lame cachée ou une quelconque arme que pourrait dissimuler les plis de sa robe. Le deuxième morceau se veut beaucoup plus calme et plus au corps à corps ne me laissant ainsi pas le loisir de me détacher d'elle.

- « Pourquoi êtes-vous ici. »

- « Pour les mêmes raisons que vous, festoyer en l'honneur de ce nouveau seigneur. »

- « Si votre présence n'est qu'une question de loisir, pourquoi avoir un pourpoint si épais et une lame glissée dedans ? »

Je ne m'alarme pas de ses remarques, étant collée à moi il était évident qu'elle remarquerait ces menus détails, tant qu'elle ne se doute pas que mes manches sont pleines de poisons et que la lame cachée dans le pourpoint n'est pas la seule que je dissimule je n'ai aucune raison de m'en faire.

- « Personne n'est à l'abri d'une tentative d'assassinat, même un petit noble comme moi. »

- « Je trouve vos vêtements très riches pour un petit noble. »

- « Je vois que vous avez l'œil. »

- « Je ne reconnais cependant pas votre écusson. Je vous trouve bien mystérieux. »

- « Je suis un nouveau compte, j'ai succédé à mon père il y a quelque mois. Son fief étant assez grand mon frère et moi l'avons partagé, d'où ce nouvel écusson. »

- « Une succession à laquelle la cours n'aurait pas été conviée ? »

Ses questions commencent réellement à m'énerver et l'envie de broyer ses pieds délicats me prend soudain. J'écrase maladroitement son pied et elle s'écarte immédiatement de moi avec un regard menaçant.

- « Toutes mes excuses Madame, il se trouve que la dance n'est pas moins point fort. »

Elle grommelle et quitte la piste vexée. Mon frère me lance :

- « Ça n'était pas très subtile de ta part. »

- « Je ne cherchais pas à l'être, je voulais seulement m'en débarrasser. »

Il rit et coupe la communication.

Je fais mine de rejoindre ma cavalière qui boude dans un coin. Elle me regarde approcher sans pour autant chercher à venir à ma rencontre. Une fois à sa hauteur je lui présente une nouvelle fois mes excuses et tente de renouer la conversation.

- « Si Madame me laisse une nouvelle chance je me ferai une joie de lui expliquer comment je suis devenu un demi compte. »

Elle sourit légèrement à mes paroles et se rapproche de moi.

- « Vous avez de la chance cette histoire m'intéresse, vous aurez donc une seconde et dernière chance. Cependant si cela ne vous dérange pas je souhaiterais que nous allions nous entretenir dans mes appartements. »

Je cherche rapidement l'approbation de mon frère à travers notre lien. Je sens sa réticence mais il sait que la mission passe avant tout. Je suis donc ma compagne de ce soir à travers les couloirs du château. Je fais attention à bien mémoriser le trajet afin de pouvoir m'échapper si jamais la situation venait à dégénérer.

Après une volée de marche elle s'arrête devant une porte à double battant, sort une clef d'un de ses plis et ouvre. Je pénètre à sa suite dans la pièce.

La chambre est luxueusement décorée et un grand lit trône au milieu de la pièce. Elle retire négligemment son masque et m'invite à m'assoir dans un des fauteuils du petit salon qui occupe un coin de la pièce. Je détaille ses traits avant de la rejoindre, elle est plutôt jolie, des yeux légèrement en amande et un regard sombre. Un menton fin et un nez légèrement retroussé. Elle doit avoir un peu plus de la vingtaine.

- « Vous ne retirez pas le vôtre ? »

- « Je voulais préserver le mystère. » dis-je en plaisantant, je détache les rubans noirs qui maintenaient le masque en place.

Elle détaille le moindre de mes gestes en attendant que mon visage soit dévoilé.

- « Je ne vous pensez pas aussi jeune. »

Je ris et la rejoins sur le siège rembourré.

- « Cela vous déplait ? Je peux toujours remettre le masque si vous êtes dérangez. »

Elle glousse à son tour avant de me répondre.

- « J'ai dit que vous aviez l'air jeune, pas que c'était désagréable à regarder. Mais entrons dans le vif du sujet, vous n'êtes pas qu'un ''demi-compte'', je vous ai vu parmi les gardes ce matin. Quel genre de noble irait se trainer dans la boue ? »

Je me crispe légèrement, il va falloir que je trouve rapidement une explication pour que ma couverture ne sombre pas.

- « Comme je vous l'ai dit j'ai hérité d'une partie du domaine de mon père, cependant je ne suis pas le premier né et par conséquent ma légitimité est discutable. Bien que mon frère ait accepté qu'une partie des terres me soient léguées il reste l'ainé et je suis à son service. Il m'a donc fait enrôler dans l'armée du Roi dans le but d'acquérir les capacités nécessaires pour diriger un fief. »

Elle me scrute et sort négligemment une lame d'un repli de sa robe.

- « Vous continuiez de me mentir ? »