Du présent au Passé 2-Au Complet

Point de départ

Les gardes du petit seigneur dont nous devions assister à l'investiture nous ont rejoint en fin de journée. Bien que le camp soit encore fumant nous parvenons à le réorganiser grâce à ces nouveaux renforts. Nathanïel surveille mes moindres faits et gestes, son regard me suit comme mon hombre. Même s'il ne reste jamais très éloigné de moi il conserve une certaine froideur à mon égard. J'ai essayé à plusieurs reprises de lui parler, aussi bien physiquement que par notre lien, mais rien n'y fait il m'ignore.

Notre convoi est accueilli avec beaucoup d'enthousiasme. Maintenant que nous sommes là, les festivités vont pouvoir commencer. La troupe se divise, les nobles partent s'installer dans leurs appartements, les chevaux sont amenés aux écuries et les gardes rejoignent le réfectoire avec une organisation douteuse.

Je les suis en restant un peu à l'écart, mon travail commence. Je dois repérer les potentielles menaces et déterminer quelle personne pourrait me renseigner sur ce nouveau seigneur. Mon regard sonde les gens m'entourant et croise celui de mon frère. Le lien entre nous vibre légèrement et sa voix pénètre dans mon esprit.

- « Tu prendras part aux festivités ce soir, tu viendras me voir avant la fête et nous te  changerons. »

Je me contente d'acquiescer et rattrape les gardes qui se sont déjà attablés. Aster me hèle en levant le bras et je le rejoins. Il pousse allègrement son voisin pour me faire une place, celui-ci grommelle mais n'ose pas intervenir lorsqu'il croise mon regard. Une fois que je suis assis on pose une grosse choppe de bière devant moi, Aster se lève et tape du poing sur la table faisant taire tout le réfectoire. Je lève un sourcil interrogateur et attend le discours de mon ami.

- « Vous n'êtes pas sans savoir que la journée d'hier à était plus que compliqué, heureusement nous nous en sommes tous sorti. »

Quelqu'un se racle la gorge l'air mécontent

- « Bon plus ou moins bien je vous l'accorde. Mais nous n'avons pas pensé à remercier celui qui nous a sauvé. Ou plutôt qui a massacré le plus de ces brigands. » Une grande claque dans mon dos accompagne ses paroles. Je me tasse sur ma chaise en anticipant la suite de ses paroles.        « Neven est sans aucun doute le plus apte à vous dire combien on périt sous sa lame aujourd'hui. »

Il me saisit par les épaules et me force à me lever. Tous me fixent et moi je reste planté devant eux sans rien dire.

Aster sentant l'ambiance se refroidir enchaîne :

- « Une petite démo de ses talents sera peut-être plus parlante. »

Les autres gardent acclame cette proposition alors que je le foudroie du regard. Nous étions à peine rentrés que nous revoilà dehors. Un cercle se forme rapidement autour de moi, Aster se range à la périphérie en attendant de voir qui sera mon adversaire. Un garde fini par sortir des rangs et se met en garde devant moi. Je me contente de le dévisager en attendant son offensive.

Nous tournons l'un autour de l'autre pendant plusieurs minutes avant qu'il ne se lance. Je dégaine rapidement mon épée et encaisse son attaque. Nous échangeons plusieurs coups sans intérêt, je me lasse vite et décide d'en finir. Alors qu'il tend le bras pour me perforer le ventre j'esquive et passe derrière lui en lui assénant un coup de garde dans la tête. Il tombe à plat ventre dans la boue et le reste de la troupe applaudit ou rit. Je rengaine ma lame et me retourne vers le garde qui se relève avec peine, je lui tends la main en collant un sourire sympathique sur mon visage.

- « Sans rancune hein ? »

- « Aucune si tu t'occupes de ma lessive. » me répond-il en souriant à son tour

Nous rentrons nous restaurer et le repas se passe dans un esprit de camaraderie.

Quelque chose me tracasse cependant, et ce n'est pas le fait d'avoir ôté des vies.

- « Aster comment as-tu fais pour revenir aussi rapidement avec des renforts et surtout en telle quantité ? »

Mon compagnon finit de mastiquer son morceau de poulet avant de me répondre.

- « Lorsque je suis arrivé ils étaient déjà tous prêts, je n'ai eu qu'à les accompagner jusqu'au camp. »

- « Nous n'avions pourtant pas envoyé de message... »

- « Peut-être ont-ils vu la fumée et ce sont-ils doutés que c'était notre camp qui brulé ? »

J'approuve ses paroles le regard dans le vide, c'est tout de même étrange.

Le reste de la journée se termine sans encombre, j'ai finalement pu vider ma bière et aller me reposer pour ma mission nocturne. Le jour tombe doucement lorsque je rejoins Nathanïel aux écuries. En m'apercevant mon frère me fait signe de le suivre et nous nous dirigeons vers le palais. Il se rend dans les quartiers des nobles et toque trois coups vifs puis deux plus longs à une grosse porte en chêne.

L'homme qui ouvre me semble familier mais je ne relève pas plus que ça et entre à la suite de mon comparse.

- « Bonjour les garçons, c'est un plaisir de vous revoir. Dépêchez-vous de vous changer et allez user de vos charmes. »

Je me retourne en reconnaissant la voix de mon interlocuteur.

- « Lysandre ?! Que faites-vous ici ? »

- « Je suis venu m'assurer que notre nouvelle recrue respecterait le plan » dit-il avec un petit clin d'œil.

Nathanïel me jette une pile de vêtement à la tête et nous nous changeons en vitesse. Je suis habillé de noir et de fins fils d'argent brodés sur ma veste forme des branches de rosier aux épine acérées. Mon frère est lui habillé en bleu roi et un loup est brodé en fils dorés sur son cœur. Tous deux avons une cape nous tombant à mis mollets et un masque aux couleurs de nos brodures. J'observe mon reflet l'air dubitatif.

- « C'est loin d'être discret et avec ces masques ont ne fera qu'attirer l'attention. »

- « Tu es vraiment à la ramasse pour la pêche aux infos, ce soir c'est un bal masqué l'occasion parfaite pour nous de nous fondre dans la masse. »

Je grimace contrarier que mon erreur soit dévoilée devant mon mentor, celui-ci fait comme s'il n'avait pas entendu mais se permet de nous rappeler nos objectifs de mission. Mon frère et moi quittons la chambre et nous dirigeons vers la réception.

Ce n'est que tournoiement de couleur, de robe et de costume en tout genre. Il n'y a ici que le gratin de la noblesse. Nathanïel se penche vers moi et me murmure à l'oreille :

- « Bienvenu dans la cage aux lions. »