Chapitre 3 : Le canard en plastique rose

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Thomas

Overwhelmed - Royal & The Serpent
(Première partie)

Je suis de retour sur le parking en face du lycée. La Clio bleue d'Ines est juste derrière moi, et Carla me fait face.

Comme l'autre fois, nous nous dévisageons sans un mot. Ses pupilles pénètrent mon corps de part en part, me traversent d'une manière aussi douloureuse que si des balles me criblaient la poitrine.

Dans ses yeux, ce n'est pas de la colère. Ce n'est pas l'air suffisant et arrogant qu'elle arbore souvent lorsqu'elle passe près de mon groupe d'amis, cet air qui fait cracher Aurélie comme un chat et lever les yeux de Solal au ciel. Ce n'est pas non plus la froideur avec laquelle elle m'a regardé l'autre jour quand nous étions réellement sur ce parking.

Je crois que c'est de la haine. Une haine ardente au fond de ses pupilles, qui fait flamber ses iris. Pourtant, elle n'a aucune raison de me détester. Peut-être que c'est ma haine à moi qui se reflète dans ses prunelles. Même si je ne pense pas ressentir cela à son encontre.

Elle ne bouge pas d'un iota, figée comme une statue, mais son aura parle pour elle. Je la sens me percuter, ou plutôt me pénétrer lentement mais sûrement comme une vague empoisonnée. Je fixe mon regard au fond de ses yeux verts, après avoir essayé sans succès de me soustraire à ce faisceau venimeux.

Et j'essaie de parler. Parce que l'autre jour je n'ai pas été capable d'articuler un mot alors peut-être que cette fois-ci, j'arriverai à sortir ce que j'ai envie de dire. Sauf que je me rends compte que je ne sais pas quoi lui dire. Je n'ai absolument aucune idée de ce que j'ai envie de lui dire, à cette fille qui m'a fait tant de mal et qui se tient là, devant moi, avec rien pour moi à part sa présence indésirable.

Ma bouche est ouverte mais aucun son ne sort. Impuissant, je la dévisage. Non seulement je ne peux pas parler, mais je ne peux pas non plus bouger.

C'est comme si j'étais englué dans un pot de miel invisible, dans lequel tous mes mouvements se font dans un douloureux ralenti. Je me vois de l'extérieur essayer de lever le bras devant moi et constate avec consternation l'expression incrédule qui s'affiche sur mes traits. Puis je réintègre mon corps et Carla se met soudain à me sourire.

Non pas un sourire agréable et amical. Un sourire froid, avec un regard cruel. Ses iris s'assombrissent et je jurerais voir ses pupilles rétrécir et se fendre verticalement. Un regard de serpent, un sourire de psychopathe. Il ne manquerait plus qu'elle se mette à rire d'une manière hystérique, et le tableau serait complet.

Mais je ne contrôle pas mon rêve - puisque c'est bien un rêve, je le sais. Dans un moment de semi-conscience, je me rends compte que c'est comme ça que je vois réellement Carla. Non pas comme une personne qui me hait, mais comme une personne qui n'a pas de cœur.

Et quoi que je fasse, de n'importe quelle manière que j'essaie de gérer la situation, je me retrouve toujours englué dans ce pot de miel. Impuissant et rempli d'une douleur lancinante, insupportable.

Comme si elle en avait terminé avec moi, Carla tourne soudain les talons et s'éloigne. Cela ne change rien à mon immobilisme forcé. La panique commence à monter en moi alors que je me retrouve seul sur ce parking et que le vent se lève, amenant avec lui des nuages noirs qui n'auraient jamais le temps d'arriver aussi rapidement dans la réalité.

Mes entrailles se tordent sur elles-mêmes et un gémissement de douleur et de peur s'échappe de ma gorge. Mes yeux angoissés tournent dans leurs orbites à la recherche de quelqu'un qui pourrait me sortir de cette situation. De quelqu'un qui m'a déjà sorti de cette situation, et pas qu'une fois.

Les enfants de l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant