Chapitre 9 : La Cabane

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Thomas

Effectivement, c'est bien une cabane en bois vers laquelle nous nous dirigeons. Dressée fièrement face aux embruns à une centaine de mètres de la sortie de la place des Landais, isolée par rapport aux écoles de surf et autres échoppes qui occupent également la plage, elle ne paie pas de mine de loin. Mais plus on se rapproche, plus son charme se révèle.

Loin du tacot pour lequel je l'avais prise à première vue, c'est une baraque bien construite, faite de bois foncé à peine blanchi par le sel. J'en conclus qu'elle ne doit pas être là depuis très longtemps. Décorée de planches de surf et de petits drapeaux rouge et bleu barrés d'une croix blanche auxquels je n'arrive pas à attribuer une nationalité, elle dégage une ambiance joyeuse et accueillante. Du côté sur lequel nous arrivons se dresse un petit porche au sommet duquel une pancarte arbore, peinte en blanche, l'inscription "La Cabane". Le porche est lui-même relié à une pergola qui abrite quelques tables pliantes et des tabourets colorés plantés dans le sable.

Amine se dirige de son pas sautillant droit vers le bar, encombré de grands verres à cocktails d'où jaillissent d'immenses pailles bariolées et de plantes vertes et autres cactus dont plusieurs exhibent des colliers de perles sombres ou de cuir. Au passage, Amine salue les familles de touristes attablées devant de grandes coupes de sorbet comme s'il les connaissait toutes, mais à voir leurs mines surprises, ce n'est pas le cas. Il se comporte simplement comme un prince qui aurait organisé une fête particulièrement réussie. À nos côtés, la tête de Raphaëlle dodeline au rythme de la musique caribéenne qui s'échappe d'une grosse enceinte Marshall.

Personne n'occupant les grands tabourets placés devant le bar surchargé, je ne comprends pas bien où sont la fameuse Kayla et son frère que nous sommes censés rencontrer, jusqu'à ce que j'entende - avant même de les voir - les deux barmans.

En effet, les éclats de voix qui émergent du fond de la cabane nous parviennent d'ici. Ce qui me frappe, c'est que je suis incapable de dire s'il s'agit de disputes ou de taquineries. Puis apparaît soudainement, alors qu'Amine saute sur un tabouret et s'accoude au bar, un garçon qui a l'air d'avoir une vingtaine d'années et qui se précipite vers un côté de son plan de travail sur lequel se trouve un mixeur qui tourne depuis déjà un moment, apparemment.

- Oui, oui, c'est bon c'est fait ! lance-t-il derrière son dos sans nous voir.

Puis, je l'entends jurer en espagnol dans sa barbe, et mon cœur tressaute : un ami ! Solal a exactement la même réaction que moi puisqu'il se met à rire, et cela déconcentre le garçon qui lève les yeux vers notre petite bande et son visage se fend soudain en deux pour laisser apparaître une double rangée de dents ébréchées.

- Salut tout le monde !

Il fait un check à Amine avec son coude, puisque ses mains sont plongées dans l'évier pour laver le mixeur dont il vient de verser le contenu dans un grand verre transparent décoré d'ananas. Il lance un clin d'œil à Raphaëlle puis son regard se porte vers nous au moment même où sa petite sœur émerge du fond de la cabane. Elle aussi a les bras chargés. Sur le grand plateau qu'elle porte reposent des morceaux de fruits exotiques découpés en formes géométriques. Elle a la même peau mate que son frère et les yeux du même brun chocolaté, bordé d'épais cils noirs. Le décolleté de son chemisier blanc s'ouvre sur un maillot de bain vert flashy. Un sifflement s'échappe de ses lèvres épaisses :

- Ben dis donc Amine, tu m'avais dit qu'ils étaient jumeaux mais je m'attendais pas à ce qu'ils se ressemblent autant ! Je suis pas sûre de pouvoir vous reconnaître, lance-t-elle à notre égard avec un sourire d'excuse tout en posant ses fruits sur le plan de travail.

Les enfants de l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant