Chapitre 6

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Les semaines passèrent. Andreas resta à Falun. Il n'eut pas d'autres rêves étranges, et la sensation de malaise ne disparut pas totalement. Pour autant, la présence d'Ursa la rendait supportable. La fille Ordenf était le rayon de soleil de cette ville ; ce qui était ironique, puisqu'il pleuvait sans discontinuer. Rien de bien grave ; on connaissait quelques jours d'accalmie bienvenue, mais pas de quoi contrebalancer la grisaille qu'apportait le crachin qui régnait sur Falun.

Le moral s'en retrouva affecté, bien sûr ; certains jours, les mineurs durent rester chez eux, Elias déclarant trop dangereux la descente dans la mine. Si un glissement de terrain avait le malheur d'arriver alors que tous étaient dans les tréfonds de Falun, ce serait une catastrophe humaine sans nom. Mieux valait prévenir que guérir. Les jours qu'ils perdirent à se morfondre dans leurs maisons, les mineurs les rattrapèrent sur les autres. Une vigueur renouvelée les saisissait les jours de beau temps, et l'ambiance était généralement à la fête le soir même.

Quand il fut obligé de rester à l'air libre, Andreas prêta un coup de main bienvenu à Ursa. Bien entendu, elle savait se débrouiller seule. Mais elle ne refusait pas un peu de compagnie, d'autant plus que celle d'Andreas lui était forte agréable. Elle l'emmena voir les familles de Falun, marchander le prix de certains légumes et autres choses qu'elle voulait acheter, et elle lui apprit les rudiments de la cuisine ; bien que, dans ce domaine-ci, Andreas n'avait pas à rougir. Il était fort compétent, et Elias se régala de tous ces petits plats soudains mais bienvenus.

Comme on peut s'en douter, ce fut également l'occasion pour nos deux tourtereaux de se rapprocher ; de connaissances, ils devinrent amis. Tout Falun put assister à un bal fort étrange entre ces deux personnes que, un mois plus tôt, rien ne liait. C'était un lien très fort, à n'en point douter ; mais ils étaient aussi aveugles l'un que l'autre. Lorsque Andreas dévorait amoureusement des yeux Ursa, elle était occupée à autre chose ; lorsque Ursa suivait la silhouette d'Andreas du regard, une myriade d'émotion dans le regard, c'était lui qui allait au-devant de la mine, loupant l'inquiétude qu'elle n'avait jamais avant exprimé pour un homme.

Cependant, les ennuis n'étaient jamais loin. Andreas avait précédemment admis qu'ils l'accompagnaient partout où il allait. Quand bien même il les fuyait comme la peste, il était incapable de leur échapper bien longtemps. Que dire de plus ? Il était poisseux, voilà tout.

Sa poisse, cette fois-ci, était détenue par un vieil homme bien familier, qui avait quelques pages plus tôt promis le malheur sur notre pauvre protagoniste. Pour autant, elle arriva déguisée, tant et si bien qu'Andreas ne la reconnaîtrait que bien des jours plus tard, dans des circonstances que je vous décrirai bientôt.

Ce fut, comme à chaque fois qu'il se passe quelque chose, à la mine de Falun que cela se déroula. Andreas, ayant pris un peu d'assurance et de gallon, avait été autorisé à rejoindre une artère plus profonde de la mine ; il était toujours seul, mais moins que précédemment. Si il tendait l'oreille, il pouvait entendre les coups de pioche de ses collègues. Ils n'étaient pas bien loin, et lorsqu'ils passaient devant sa galerie pour rejoindre la surface, il arrivait qu'ils s'arrêtent pour faire un brin de causette. L'ambiance était plus détendue qu'à l'accoutumée ; aujourd'hui, il faisait beau.

Alors qu'Andreas s'épongeait le front, éreinté mais heureux de l'effort qu'il fournissait, et pensant déjà à Ursa qui l'attendait de pied ferme, le vieil homme l'observait. C'était une présence pour l'instant visible de nous seuls ; mais voilà que, l'aboiement sur ses lèvres, il s'offrit à la vue de notre protagoniste.

C'est bien simple : seule une parfait maîtrise de lui-même empêcha Andreas de hurler de terreur face à l'apparition cauchemardesque. Le vieillard était vêtu d'un habit de mineur comme bien d'autres, et balançait sur son épaule une pioche rouillée et usée par le temps.

Les mines de FalunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant