Andreas cligna des yeux. La pluie tombait à flot autour de lui, mais également sur lui, le rinçant proprement et aussi rapidement qu'un bon bain chaud.
Il bougea ses doigts lentement, tentant de leur rendre un peu de sensation qu'ils avaient perdu. L'air qu'il expira forma un fin nuage blanc, qui disparut aussitôt qu'il frappa la surface de l'air.
Avec un soudain mouvement de la tête, Andreas parut perdre l'équilibre sur rien ; un moment il était debout, un moment il titubait, désorienté, et de nouveau en pleine possession de ses moyens. Les yeux écarquillés, il porta les mains à sa poitrine ; non pas pour la palper, mais plutôt pour essayer désespérément d'apercevoir la peau sous les bandages.
Il se souvenait, par petits bouts, de l'étreinte de la reine ; et il lui semblait maintenant qu'une flamme nouvelle brûlait dans sa poitrine, mangeait ses os et se nourrissait de son sang avec délectation. Pourtant, lorsqu'il écarta avec peine un des bandages de sa peau laiteuse, il n'y avait rien. Aucune petite marque, aucune plaie, aucune cicatrice. Simplement de la peau qui ne prenait jamais le soleil, et qui ne rencontrait de l'air libre que la nuit venue.
Il expira fébrilement toute sa peur, essayant de remettre de l'orde dans le peu qu'il se souvenait. Sa rencontre avait pris des allures de rêve ; d'ailleurs, il n'était pas certain qu'elle n'en était pas un. Il en avait fait des pareils, précédemment, pas vrai ? Il n'était pas devenu fou à lier, n'est-ce-pas ? Et d'ailleurs, où était-il ?
Un chant siffla à son oreille. Andreas se retourna violemment, surpris par le sifflement aigu mais plaisant qui s'était aussitôt estompé dès qu'il avait esquissé un mouvement. Ce qui se trouvait devant lui maintenant, c'était l'entrée de la mine, et ses boyaux sombres qui lui arrachèrent un frisson.
Il n'aurait su dire si il s'agissait de peur ou d'excitation.
Incapable d'esquisser un geste l'espace d'un instant, ne sachant pas qu'elle était la marche à suivre dans ce cas-là, Andreas fit ce qu'il savait faire de mieux : il ne fit rien. Rien était confortable. Rien était une valeur sûre.
« C'est le vent, murmura-t-il. Juste le vent qui siffle dans la mine. »
Comme pour le moquer, le sifflement reprit de plus belle. Il frissonna une nouvelle fois, de froid il décida.
« Andreas ! »
De nouveau, il se retourna, n'en croyant pas ses oreilles. Une silhouette familière courait vers lui, agitant un bras et se protégeant la tête avec l'autre.
Ursa n'avait pas changé de vêtements, mais avait au moins eu la présence d'esprit de lâcher celui qu'elle lui avait ôté ce matin. Lorsqu'elle parvint à sa hauteur, il apparut à Andreas qu'elle était à bout de souffles. La pensée qu'elle ait pu fouiller tout Falun, à sa recherche, lui réchauffa quelque peu le coeur, et amena sur ses joues une rougeur qui ne lui était pas inconnue.
« Je t'ai cherché partout, » souffla Ursa quand sa respiration fut un peu plus stable. « J'ai bien cru ne pas te trouver— Je croyais que tu étais parti.
- Je— Combien de temps ? »
Il s'était rendu compte, tout à coup, qu'il n'avait plus aucune notion du temps. Avec la pluie, impossible d'étudier la position du soleil et de déterminer l'heure. Combien d'heures avait-il passé dans la mine ? Ou dehors ?
« Trois heures, peut-être quatre. J'étais morte d'inquiétude. »
Ursa se pencha avec hésitation, l'enlaça dans ses bras fins, ne faisant pas attention à l'eau qui gorgeait leurs vêtements.
« Je pensais que tu ne voulais plus me voir, avoua Andreas d'une voix pathétique. Je pensais que je t'avais perdu.
- Non, non, je suis tellement désolée, Andreas. »
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Les mines de Falun
ParanormalAndreas Olsson est un marin, jusqu'au jour où il ne l'est plus. En quête de richesse, c'est sur les conseils d'un énigmatique vieillard qu'il se dirigera vers Falun, ville minière de Suède. Une ville aux nombreux mystères, et où la ruine n'est jamai...