La nouvelle fut annoncée à Elias Ordenf, bien entendu. On aurait cru que c'était lui qui se mariait : il explosa en larmes, acceptant la demande d'Andreas entre deux bruits de trompette, avant de se remettre à pleurer de plus belle.
Toutes ces vociférations attirèrent l'attention des habitants de Falun ; en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, tout le monde était au courant de la demande d'Andreas, de la réponse d'Ursa, et du mariage à venir.
Ce furent des festivités telles qu'on en voit peu à Falun ; mais l'excitation qu'apportait cette union se couplait à celle qu'avait suscité Andreas en déterrant des entrailles de la mine ces joyaux précieux. Si cela pouvait arriver à un petit nouveau tel que lui, alors tout le monde n'avait-il pas sa chance ?
L'espoir gagna les esprits des hommes de la même manière que la fièvre de l'or s'y introduisit.
Mais cette fièvre attendrait : il y avait des fiançailles à fêter. Tandis ce que les femmes emmenaient Ursa de leur côté, les hommes s'empressèrent d'ajouter Andreas à leur fête. Bien des fois, on poussa vers lui des boissons qu'il n'avait jamais tenté, pour la plupart alcoolisées. Il en refusa plus d'une, mais ne put toutes les éviter. Après trois pintes, il se sentit partir, et le monde tanguait tant et si bien qu'il fut obligé de se tenir à une table, sortie pour l'occasion, pour ne pas tomber à la renverse. Cela fit rire nombre de ses comparses ; il n'eut pas le coeur de se vexer, trop heureux qu'Ursa ait accepté sa demande, et aussi qu'on l'accepte à bras ouverts dans ce groupe qu'il avait toujours cru fermé à de nouvelles têtes.
Les festivités prirent fin aux alentours de minuit, non pas parce que les participants voulaient y mettre fin ; mais parce que, du plus profond de la nuit tonna l'orage annonciateur du mauvais plan qui avait fait de Falun sa maison. On grogna, bien entendu, mais dès les premières gouttes on s'empressa de ranger les tables, afin qu'elles ne prennent pas l'eau. Quand tout fut rentré, ce n'était pas un crachin ; c'était un déluge. Les hommes ayant trop bu se consolèrent : au moins, ils n'auraient pas à se rendre à la mine demain. Leur mal de tête sera passé seuls, avec leurs femmes au petit soin pour les soulager.
Quant à Ursa et Andreas, on aurait eu idée de les mettre dans la même chambre ; mais Elias dormait à poings fermés, assommé par l'excitation générale et l'alcool, et les nouveaux fiancés purent donc profiter l'un de l'autre tout à leur aise. Ils s'endormirent dans les bras de l'autre, toujours vêtus de leurs habits de la journée. Le nez d'Ursa s'enfonça dans les mèches rebelles d'Andreas. Lorsqu'elle inspira, elle ne sentit que l'odeur de la poussière et du charbon, ainsi qu'un vague relent d'alcool, qui lui fit pousser un soupir de contentement.
C'était bien Andreas qu'elle serrait tout contre elle, et ils sombrèrent ensemble dans un sommeil profond.
Andreas rêva de nouveau du vieillard et de la mine. Pas grand chose ne changea de son précédent songe ; voilà que le vieil homme l'attendait sur le seuil de la mine, l'air impatient.
« Et aujourd'hui, monsieur Andreas nous accordera-t-il l'honneur de sa présence ? La reine attend. »
Le même chant parut survenir du plus profond de la mine. La même voix féminine auquel son corps l'implorait de répondre à son appel.
Son corps, mais pas son esprit, tout fixé qu'il était sur Ursa Ordenf. Elle s'était endormie avec lui, dans le même lit que lui, chacun dans les bras l'un de l'autre ; À quoi donc servait-il de rencontrer une reine, puisqu'il en avait déjà une tout contre lui.
« Je regrette, mais non, » déclina-t-il le plus poliment possible. Il secoua même la tête pour souligner sa détermination. « C'est qu'il y en a déjà une dans mes bras, voyez-vous. »

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Les mines de Falun
ParanormalAndreas Olsson est un marin, jusqu'au jour où il ne l'est plus. En quête de richesse, c'est sur les conseils d'un énigmatique vieillard qu'il se dirigera vers Falun, ville minière de Suède. Une ville aux nombreux mystères, et où la ruine n'est jamai...