Allez enfouis-moi
Passe-moi par dessus tous les bords
Mais reste encore
Un peu après
Que même la fin soit terminée[...]
Allez enfouis-moi
Passe-moi par dessus tous les bords
Encore un effort
On sera de nouveau
Calmes et tranquilles
Calmes et tranquilles
Serre-moi encore
Serre-moi encore
Etouffe-moi si tu peux...
Serre-moi encore
Noir désir, Les écorchés
Lorsque je suis arrivée dans le cocon familier de ma chambre, j'ai ôté mes vêtements pour me mettre en pyjama. Pour la première fois depuis des mois, je me suis observée.
Dès que je posais mes mains sur mon corps, je sentais les os saillir. Un frisson m'a parcouru. J'ai observé mes mains. Mes ongles étaient rongés jusqu'au sang, la peau autour de mes doigts était à vif à force d'être arrachée. Je me suis observée dans le miroir. Les cernes sous mes yeux étaient des crevasses sans fond, d'un noir intense. Mes pommettes saillaient sous ma peau tendue à l'excès. Mon corps était cadavérique. Au fond de mes yeux, il n'y avait plus qu'un grand trou noir qui me dévorait de l'intérieur.
Je n'avais pas encore dix-sept ans, et mon corps était déjà fatigué de vivre. J'étais une enfant dévorée par l'addiction de l'amour. A moins que ce ne soit par l'amour de l'addiction ?J'ai coupé tous les ponts avec Thibaud. J'ai refusé de le voir, refusé même de répondre à ses appels. J'ai coupé contact avec tous nos amis communs, même Nicolas. Thibaud me harcelait. Ses excuses pleuvaient de partout : sms, messages sur ma boîte vocale, lettres interminables. Le pauvre pensait que je le rejetais parce qu'il m'avait étranglé. Qu'il avait commis une faute impardonnable.
J'aurais dû lui expliquer, lui dire que ce n'était pas sa faute, mais la nôtre. Qu'il avait juste fait le premier pas vers ce qui nous attendait de toute manière. Que je le quittais parce que nous nous faisions trop mal.
Il a tout tenté pour que je lui pardonne, que je lui accorde ne serait-ce que cinq minutes. Mais étrangement, il n'a jamais essayé de se confronter à moi physiquement. Il n'est jamais resté planté devant ma maison, n'a pas essayé de m'attendre à la sortie du lycée. Peut-être était-ce de la lâcheté. Aujourd'hui, je pense qu'il avait trop honte pour me regarder dans les yeux. Il devait être terrifié à l'idée de croiser mon regard, car il craignait d'y lire ce qui aurait scellé notre destin. Mon silence n'était pas accusateur, lui. Il ne scellait rien du tout, il laissait les choses en suspens, la situation était figée, mais pas irréversible.
Notre rupture n'a jamais été prononcée formellement, mais elle coulait de source. Il s'agissait de rompre ou d'accepter qu'un jour, l'un de nous deux ne commette une faute irréparable. Il fallait rompre ou bien accepter que notre histoire d'amour ne se résume plus qu'à un souvenir douloureux.
Je n'ouvrais rien de ce qui provenait de Thibaud. J'avais bloqué son numéro, je déchirais ses lettres sans les lire. J'appris par une connaissance que la mère de Nicolas et Thibaud avait été mutée à Reims, mais je ne donnais toujours pas de signe de vie.On pourrait croire que mon objectif était belliqueux. On pourrait penser que je voulais lui faire mal, me venger. Mais je ne lui en voulais pas, d'aucune manière. La seule personne à qui j'en voulais, c'était moi même. Je m'en voulais pour être tombée dans cette infernale mécanique. Je m'étais enfermée toute seule dans une cage de souffrance et de douleur. J'avais choisi d'être une droguée, alors que je n'avais même pas dix-huit ans. J'avais choisi de porter toute ma vie ce passé en bandoulière, au lieu de m'en créer un qui soit à la hauteur de mes attentes. J'avais pris des décisions dont j'allais subir les conséquences et le douloureux souvenir toute ma vie.
En réalité, si je refusais de lui parler, c'est que je savais très bien que je ne pourrais lui résister. L'élan de vie que j'avais ressenti et qui me permettait de trouver la force de ne pas lui parlern'était pas suffisant pour l'affronter face à face. Ses yeux gris n'auraient fait qu'une bouchée de moi. L'attraction qu'il exerçait sur moi était si forte que si je l'avais revu, j'aurais creusé notre tombe.
Depuis que je ne le fréquentais plus, on pouvait dire que j'allais mieux. J'allais à tous mes cours, j'essayais de fréquenter des gens de mon âge. Je m'abrutissais d'occupations, de travail, pour ne pas évoquer Thibaud. J'essayais tant bien que mal de faire comme si je ne l'avais jamais connu pour l'oublier plus facilement.
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Rien ne s'oppose à la nuit.
No FicciónPourras-tu le faire, Pourras-tu le dire, Tu dois tout essayer, Tu dois devenir, Tu dois voir plus loin, Tu dois revenir, Egaré en chemin, Tu verras le pire, Pour trouver le sud, Sans perdre le nord, [...] Pour manipulés, Grand combat de ch...