Chapitre cinq : Cette plaie qui nous tiraille

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Secret : ce qui doit être tenu caché, c'est le silence qui entoure quelque chose, le mécanisme caché, une combinaison dont la connaissance est nécessaire pour faire fonctionner quelque chose. 

Le vent l'emportera
Tout disparaîtra mais
Le vent nous portera

La caresse et la mitraille
et Cette plaie qui nous tiraille
Le palais des autres jours
D'hier et demain
Le vent les portera

Noir désir , le vent l'emportera



AVERTISSEMENT. Le contenu de son chapitre peut être inadapté à un jeune public. Je ne donne pas d'âge limite parce que la maturité dépends de chacun, mais je tenais à vous prévenir. 

Ses yeux gris me fixaient, interrogateurs. Les miens tentaient désespéremment de soutenir son regard inquiet mais ils n'y parvenaient pas. Je pensais que lui dévoiler mon secret serait un déclic. Que je me sentirais différente, plus forte. C'était la première fois que je le disais à quelqu'un. J'avais imaginé que ce serait un soulagement, une véritable délivrance. Mais il n'en était rien. Au lieu de ça, je n'arrivais plus à le regarder dans les yeux. Le poids sur mon coeur était toujours là.
Quelque chose remuait au fond de moi, un sentiment de dégoût mêlé à de la peur et une pointe de haine. Je sentis la bile me monter aux lèvres. Il fallait qu'il dise quelque chose, rapidement de préférence.
En vérité, je me sentais bien plus mal qu'avant de lui avoir dit. J'étais assise sur son lit, à moitié nue, dévorée par son regard plein de pitié. Je pris soudain conscience de ma vulnérabilité. Ma peur reprit le dessus. Envolé ce sentiment de joie et cette impression d'être comblée. Je ramassais à la hâte mes vêtements sur le lit et me levais pour m'habiller, vite très vite avant qu'il n'en voit plus. 
Sa main s'abattit sur mon avant bras avant que j'ai eu le temps de rassembler tous mes effets. Brusquement, il m'attira contre lui. Incapable de me défendre, interdite, je me laissais faire. Je me retrouvais soudain écrasée contre ton torse nu, les pieds posés dans ses grandes mains. Je me suis rendue compte qu'il me portait comme un bébé. Il a plongé ses prunelles grises dans les miennes et m'a demandé :
- Raconte moi. Encore. 
Mes yeux ont fui le contact. Je n'avais pas envie de raconter, encore. J'ai serré les poings, prête à me dégager doucement de son étreinte mais il a resseré ses bras autour de moi. 
- Il ne peut rien t'arriver là où tu es Iris. Raconte moi, encore. 
Cette fois c'est moi qui l'ai regardé. Il n'y avait plus de pitié dans ses yeux. Il avait envie de comprendre, de savoir. J'ai senti la chaleur de sa peau, son souffle sur mon visage. J'étais dans un cocon, en sécurité. 
- Mon ange, ma vie ... Dis moi encore je t'en prie. 
Il avait dit tout cela dans un soufle. Le temps s'est arrêté. Son regard accroché au mien était suppliant. Il n'existait plus que lui. Ses yeux braqués sur ma bouche, attendant que je raconte, que je raconte encore ma douleur. Ses bras autour de moi, cette chaleur qui m'entourait. 

J'ai parlé, j'ai raconté mon secret pour la seconde fois. 

« Mes parents m'avaient envoyés en colonie de vacances à la mer. Mon frère était parti en voyage linguistique et je m'ennuyais, seule avec la chaleur dans notre grande maison. La colonie était un endroit très sympa, perchée sur une dune de sable, entourée d'herbes sauvages et d'un magnifique parc. Je m'y suis rapidement fait des amies. Nous n'étions que des filles. Pendant la journée nous apprenions à surfer, on faisait des tournois de natation, ou des épreuves sur la plage. Le soir, nous devions nous coucher à 22h.
La fille avec laquelle je m'entendais le plus s'appellait Amélie. Elle avait deux ans de plus que moi et c'était le leader de la bande que nous formions avec nos quatre autres camarades de chambre. Elle était mûre et plutôt téméraire. C'était la "grande". Elle semblait tout connaître de la vie et de ses amusements. Elle nous poussait à faire toutes formes de bêtises. Au début, elles étaient plutôt innocentes. Et puis, voyant notre docilité et l'empressement avec lequel nous la suivions dans ses idées saugrenues, elle nous a poussé de plus en plus loin.
J'étais sa préférée, la plus timorée de toutes, la plus "bourgeoise" et coincée. Nous faisions régulièrement le mur pour nous retrouver sur la plage, avec un groupe de garçon de la colonie voisine. Nous buvions, nous fumions mais nous rentrions toutes intactes à la colonie. A chaque fois. Je ne pouvais pas me douter que ce soir là serait différent des autres. 
Il faisait plus frais cette nuit là et la soirée sur la plage était moins amusante que d'habitude, à cause de la mer houleuse qui nous amenait un fort vent marin, froid et pénétrant.
L'un des garçons proposa d'aller à la fête qu'organisait l'un de ses amis, qui avait une maison non loin de la plage. Je ne voulais pas y aller. Mais Amélie et les filles ne m'ont pas trop laissé le choix. Nous sommes arrivés dans une gigantesque maison où l'alcool coulait à flot. Il y en avait trop, beaucoup trop pour la petite vingtaine d'invités. Nous nous sommes assises un peu maladroitement sur les canapés du salon, un peu gênées d'être là.
Sauf Amélie bien entendu.
Amélie, elle, était parfaitement à son aise, papotant avec son voisin comme si elle le connaissait depuis toujours. Les autres filles ont commencées à se détendre.
Pas moi.
J'avais envie de rentrer, comme si un bon pressentiment me poussait doucement vers la sortie. J'ai tiré le bras d'Amélie, lui chuchotant que je voulais rentrer. Elle s'est fâchée, me traitant de petite bourgeoise coincée et m'a collé un verre d'alcool dans la main pour m'occuper. Le garçon avec qui elle discutait s'est tout à coup désintéressée d'elle et s'est assis à côté de moi.
- Salut ! Moi c'est Maël, et toi ?
Je lui donnais mon nom et il commença à me parler. Il faisait du surf depuis tout petit, ici c'était sa maison de vacances et il y allait tous les étés. Il me soulait gentiment de paroles. En fait, il ne parlait que de lui, de ses exploits, de l'influence de son père et surtout ... de son argent.
J'étais émerveillée par ce garçon qui m'envoyait sa vie parfaitement scintillante en plein dans les dents. Emerveillée aussi par sa beauté d'appollon, ses cheveux blonds délavés par le sel, ses beaux yeux bleus, son bronzage impeccable et la brillance de son sourire de loup.
J'avais fini mon verre et l'alcool et ses paroles faisaient briller mes yeux. Il me proposa de me faire visiter l'immense maison. J'acceptais avec joie et il me prit la main pour monter à l'étage. Il me fit traverser toutes les pièces au pas de course me montrant les six chambres, les trois salles de bains, le jacuzzi, les deux salons, l'immense cuisine. La visite terminée, mes yeux brillaient encore plus. Nous avons rejoint les autres au salon. Je n'avais pas réalisé, mais Maël me tenait toujours la main, fermement. Il me servit un second verre que je déclinais.
- Bois.
C'était un ordre, et il émanait d'Amélie en personne. J'ai senti les regards de toute l'assemblée se fixer sur moi. Si je ne buvais pas, j'allais être la risée de tous. J'ai bu mon verre d'un trait avant de le poser avec un grand sourire. J'ai lu la fierté dans les yeux d'Amélie.
Dans ceux de Maël ... une sorte d'envie. Je n'y ai pas prêté attention. 
La soirée a suivi son cours, il était presque 2h du matin lorsque Maël me proposa d'aller me promener avec son ami Tristan, celui avec qui je passais mes soirées sur la plage. Ils me montrèrent une petite boule verte au bout d'une branche et m'expliquèrent qu'on fumerait ça sur le chemin. Je regardais mes amies. Elles étaient toutes occupées, les unes à dormir, les autres à embrasser des garçons. Amélie me fit un clin d'oeil encourageant. Il faut dire que j'avais le plus beau cavalier de la soirée. Il me tendit la main pour que je les suive. 

Rien ne s'oppose à la nuit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant