C H A P I T R E 1

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-2004-

La vue depuis la fenêtre de sa chambre témoignait de la tranquillité des environs. L'orphelinat, retiré de toute parcelle de la ville active, laissant place à cet apaisement nécessaire pour des enfants au désir d'être aimés. Le bâtiment était vieux de plusieurs décennies, toutes sortes d'espèces de la flore venaient recouvrir une partie des murs de la bâtisse. L'intérieur était quant à lui assez rénové pour ne laisser paraître l'ancienneté de l'édifice.

À cet instant, on pouvait percevoir chaque gouttelette d'eau de pluie, ruisselant sur les vitres de l'orphelinat. Le temps était souvent maussade en cette période automnale.

Lake écoutait l'agréable son que produisait les larmiers pluvieux tombant sur la toiture de sa chambre. Chaque jour qui passait, elle s'approchait de sa fenêtre un moment, sans prononcer un mot, puis admira la douceur du paysage. Tous les jours le même rituel...

Lake était différente des autres orphelins. Elle refusait de parler à qui que ce soit, elle ne se mêlait pas aux autres, mangeait peu et restait la plupart de son temps à rêvasser à des jours meilleurs, loin d'ici. Ce comportement attisa beaucoup de regards déplacés de ses camarades, voire parfois des moqueries. Madame Davis, qui s'occupait fréquemment de Lake, expliquait cette attitude par son passé dramatique et douloureux.

La fillette n'avait jamais connu ses parents, morts depuis sa naissance. Son grand-père avait pris sa responsabilité jusqu'à ses six ans. Malheureusement, il décéda d'un brusque arrêt du cœur et les médecins ne purent rien faire. La petite fille se retrouva alors seule et sans plus aucune famille capable de lui apporter l'amour nécessaire. Finalement, elle ne connue que l'orphelinat depuis l'âge de ses premiers souvenirs. Ils étaient d'ailleurs peu nombreux à évoquer ne serait-ce qu'un léger sourire à la jeune fille.

Certes, comme les autres, elle souffrait d'un manque d'amour considérable mais elle demeurait tout de même entourée d'enfants qui ressentaient ce même manque intérieur. Une solidarité s'était créée au sein de l'orphelinat ; chacun tentait tant bien que mal de combler ce besoin par la présence d'autrui. Elle avait besoin d'eux pour maintenir un bon équilibre mental. Pour autant, elle ne prit pas la peine de goûter à la charité de ses confrères. Contrairement à ses camarades rêveurs, elle manquait cruellement de sociabilité.
Les rêves animaient chaque orphelin, attendant une famille prête à les accepter. Elle, semblait rêver d'autre chose.

Étrangement, elle refusait l'adoption. Selon elle, aucun être sur cette Terre ne pouvait remplacer ses défunts, ce qui expliquait les cinq longues années qu'elle avait traversées à l'orphelinat. Le temps ne semblait pas la préoccuper. Elle attendait le moment opportun pour changer de vie. Il semblait ne pas se montrer, hélas.

Pourtant, elle possédait cette chance, celle d'attirer des parents au grand coeur. Ils la remarquaient, elle, parmi tous ces enfants ne désirant qu'une chose : être aimé d'un père et une mère qui sauraient répondre à leurs besoin, ceux d'un enfant meurtri. Lake avait quelque chose en plus. Une bouille d'ange, une intensité envoûtante dans son regard et une sagesse déjà présente à son jeune âge. Et puis, il y avait cette irrésistible envie de la rendre heureuse, car on pouvait percevoir dans ses yeux le malheur qu'elle éprouvait depuis tant d'années. C'était en fait la seule chose qu'elle connaissait. Le malheur.

***

Ce matin là, elle voulait profiter de l'unique rayon de soleil qui illuminait les couloirs de l'orphelinat. La petite fille s'installa à l'écart des autres enfants, sur une ancienne balançoire, d'un autre temps. Les cordes qui la maintenaient à la branche du vieux chêne étaient abîmées. Aucun enfants ne s'y posait par peur de tomber.

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