Le soir même de sa discussion avec Tobia, Jim avait regretté de n'avoir le soutien moral de personne au moment d'aller chercher quelques affaires chez lui, mais l'épopée dans ses tiroirs de vêtements avait été courte et sans incident. Il avait ensuite fait, par précaution, quelques détours jusqu'à l'hôtel où il avait réservé, un endroit impersonnel mais confortable où il se sentit protégé des derniers événements. Il était si fatigué qu'il s'était endormi à moitié habillé en consultant son téléphone.
L'appareil s'était écrasé sur son visage avec violence, Jim avait grogné en le déposant avec rudesse sur la table de chevet puis il s'était évanoui pour n'ouvrir les yeux que le lendemain matin, revigoré, juste à temps pour son rendez-vous avec Antonio dans le but d'installer les matelas de sol au gymnase.
Heureusement, Antonio ne revint pas sur les événements lorsqu'il vit la blessure au bras que Jim avait laissé à l'air libre. La coupure était en bonne voie de disparaître complètement. Elle tirait et élançait encore un peu, mais rien d'intolérable.
Le travail fut effectué plus rapidement que prévu.
— Good, déclara Jim lorsqu'ils eut posé le dernier panneau de tapis. On pourra faire l'ouverture dans les temps, je crois.
Il embrassa du regard toutes les surfaces et tous les dénivelés, les dévers et les surplombs, ainsi que la multitude de trous dans les parois qui promettaient un nombre incalculable de voies et de problèmes de bloc. Il termina par la fausse falaise et la cavité qui la traversait de part et d'autre, laquelle permettrait aux grimpeurs de s'esquinter les doigts sur un plafond bas.
— On devrait faire une soirée spéciale et inviter des grimpeurs de renommée, lâcha Antonio en se laissant tomber à côté de Jim. Ça ferait une belle pub pour l'endroit. J'ai déjà quelques noms en tête.
Jim sentit tous ses muscles se crisper. Il aimait l'idée, mais pas les éléments qui la soutenaient.
— Are you kidding? (Tu veux rire?) Pas besoin de personne d'autre que toi pour attirer les foules. Surtout depuis que tu grimpes en débardeur.
Jim préférait parler de ce sujet-là plutôt que d'aborder la question des grimpeurs qu'il connaissait. Antonio tourna franchement la tête vers lui, dans une mimique que le rouquin ne lui connaissait pas. C'était l'amusement.
— T'as quelque chose à me dire?
— Nothing you don't already know (rien que tu ne saches déjà). Je trouvais juste étrange que d'un coup tu commences à te dénuder. Ça ne te ressemble pas.
L'Italien esquissa un sourire en coin.
— Les gens changent, il Rosso.
Un silence les recouvrit comme une douce couverture. Jim aimait bien l'homme qu'il découvrait depuis peu. Et même s'il se sentait légèrement tendu en sa présence, il remarqua que depuis la veille, il n'avait aucune envie de se battre contre l'attirance qu'il ressentait à son égard. Il lui semblait même plus facile d'en parler franchement, même s'il était gêné.
Peut-être était-ce dû à la réaction d'Antonio, qui, s'il n'en faisait pas tout un plat, n'avait pas non plus ri de lui.
— C'est une bonne idée pour les grimpeurs, déclara Jim, mais je n'en connais pas tellement. Je ne suis pas aussi connu que toi, et t'auras remarqué que mon fort, c'est pas de me faire des amis.
Antonio émit un grognement moqueur. Manifestement, il reconnaissait volontiers la capacité de Jim à se faire des ennemis. Il sortit son téléphone et commença à pianoter.
— Je crois qu'on devrait inviter des grimpeurs américains, mais aussi quelques européens. J'ai déjà rencontré des gars très sympas qui adorent voyager juste pour essayer de nouvelles installations.
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Comme deux et deux font quatre
RomanceJim a porté son armure de connard arrogant assez longtemps pour être en mesure de l'enfiler au saut du lit avec l'aisance de l'habitué. À son retour d'Angleterre, il la pensait indispensable pour éviter à son coeur d'être anéanti par des crétins dan...