DE TRISTAN À CLÉMENCE

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Clémence,

Ta dernière lettre m'a beaucoup émue.

Elle m'a fait comprendre que nous sommes désormais bien plus que de simples adolescents qui se prêtent des livres.

Nous sommes des amis.

Et en tant qu'ami, je vais désormais te tutoyer (je pense que ça va te faire plaisir et j'espère ainsi rajeunir à tes yeux) mais en contrepartie, je mérite d'en savoir un peu plus sur toi car mis à part ton prénom et celui de ta grand-mère, je ne sais rien sur ta personne.

J'ai essayé d'interroger Georgette, mais dès la mention de ton nom, ses yeux se voilent et elle devient muette comme une tombe, elle qui d'habitude parle tant.

Que se passe-t-il entre vous deux ? Ne me raconte pas de salades, j'ai aussi remarqué que depuis que j'habite dans mon immeuble, je ne t'ai jamais vu lui rendre visite et c'est réciproque.

Je peux rayer les problèmes familiaux car ta grand-mère passe son temps à chanter des louanges sur toi et m'a tout de suite conseillé de te parler pour mes problèmes d'inspiration.

Autres points mystérieux sur toi : ton âge, tes passions (je sais juste que tu aimes lire), ton entourage (je connais seulement Margot et Jules), les sports que tu pratiquais avant le confinement, tes rêves et espoirs pour l'avenir.

Je sais bien que ça fait beaucoup de choses en une lettre mais ce mystère qui plane sur toi m'intrigue de plus en plus. En y réfléchissant bien, j'écris à une inconnue nommée Clémence !

Pour t'aider à te confesser, je vais commencer par moi, peut-être que ça t'aidera à franchir le pas.

Je m'appelle Tristan, un mélange de Tanguy et Béatrice, mes parents.

J'ai 17 ans, et sans compter l'écriture, j'adore le piano et les échecs (je le répète, je ne suis pas vieux !). Je pratique de la musique depuis mes 7 ans (j'ai failli arrêter ; le solfège m'horrifiait et la professeure m'appelait « ma p'tite braguette ouverte » parce que lors d'un spectacle musical, ma braguette était ouverte (comme tu as dû le deviner) sauf que naturellement, à 7 ans et demi, je n'avais pas encore conscience que j'avais une dignité et c'est pourquoi en plein solo, j'ai arrêté de jouer pour essayer de refermer ma braguette. Le problème est qu'elle était coincée, si bien que j'étais prêt à y passer une demi-heure, persuadé que c'est moi qui n'y arrivais pas).

Maintenant, nous sommes quittes aux niveaux des anecdotes gênantes.

Au niveau de mes amis, je n'ai qu'une bande de copains qui est la définition même des joueurs de foot beau-gosses (le talent et la beauté en moins de mon point de vue).

C'est à cause d'eux que je dois me comporter comme un mec populaire, c'est-à-dire mettre des sweats à capuche informe, se coiffer à la mode, mettre son sac sur une épaules (je n'ai jamais compris ce principe : pourquoi s'obstiner à faire souffrir une épaule sur deux pour gagner quelques secondes ?), trainer avec des filles qui rigole à chacune de mes paroles (même lorsque je leur dis bonjour), éviter de lever la main en cours (voir éradiquer ce comportement, jugé « trop monsieur-je-sais-tout » par mes amis) et surtout, ne pas parler de ce que j'écris car ce n'est pas assez « viril ».

On peut dire maintenant que j'ai une double personnalité : enfant parfait avec mes parents, garçon ténébreux au lycée. L'écrire me fait réaliser à quel point ce comportement est absurde mais c'est ainsi et je ne peux rien y faire.

Sur ce, je vous laisse (je TE laisse plutôt ! Je dois encore m'habituer à ce tutoiement, et je n'ai plus de quoi effacer cette erreur...).

J'espère que dans TA prochaine lettre je vais en apprendre un peu plus sur TOI et que j'arrêterai de me demander si j'écris à une gamine de 12 ans ou à une femme de 25 ans !

Tristan

Ps : Savais-TU qu'un enfant pose environ 437 questions par jour ? Imagine-moi alors avec deux petites sœurs...

Mon confinement se résume à toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant