15. M. Nicolas

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M.Nicolas se tient là, devant moi. Il me regarde, très surpris. Je ne sais quoi dire. Aucun mot ne sort de ma bouche. Moi qui depuis des semaines traverse la terre pour le trouver, je reste bouche bée. 

Après toute ces années, M.Nicolas est resté le même que sur la photo, à part la barbe brune qui lui a poussé. Je le reconnais, même si je ne l'ai jamais vu. Sa mèche, bien que plus sale, est toujours là. Son doux sourire, lui, a disparu. Les rides lui mangent le visage. Ses yeux, qui étaient si bleus sur la photo, sont maintenant gris. Son visage rond s'est quelque peu allongé. Il semble prêt à tomber en poussière à tout moment.

Après une longue minute de jeu de regards, M.Nicolas prend la parole :

"Tu as réussi... Tu es venue...

- Je suis bien là, M.Nicolas, et je resterai ici. Je veux des explications.

Mon interlocuteur fait semblant de ne pas savoir de quoi je parle :

- À propos de quoi ?

Je sors de mon sac à dos le livre, et la photo. M.Nicolas blêmit.

- Tu as trouvé la caverne, à ce que je vois.

- Bien sûr, comment croyez-vous que j'ai trouvé la montagne?

- Je ne sais pas. Alors, qu'est-ce que tu veux savoir?

- Comment avez-vous survécu à l'apocalypse?"

Il soupire. Faisant les cents pas dans la pièce, il raconte avec un ton las :

"Dans le livre, je ne raconte pas tout. La lave avait mangé toute l'école. Je m'étais réfugié dans la cave de l'école, tu le sais, mais la lave ne me lâchait pas. Elle s'était étendue tout autour de moi. Je craignais pour ma vie. J'avais bien conscience qu'il n'y avait plus grand-monde. Tu ne peux pas savoir comment je tremblais de peur..."

Il est pris de secousses. J'ose avancer de quelques pas pour le soutenir. Je propose d'arrêter, pour éviter de faire remonter des souvenirs trop douloureux. Mais M.Nicolas ne veut pas. Je l'assois sur une chaise, et il continue son récit : 

"...Je tremblais de peur. J'hésitais à me jeter dans la lave. Je pouvais aussi attendre, mais attendre quoi? Le coffre, dans lequel tu as sûrement trouvé tout ce que tu as dans les mains, était posé sur une étagère, qui était en train de prendre feu. Mais ce coffre, il ne me donnait aucun espoir. Je doutais que quelqu'un survive à cette éruption inattendue, ni même que moi je survivrais. Alors je me jetai dans la lave. Mais dès que je touchai ce feu liquide, je retombai sur de la pierre. Toute la lave s'était transformée en pierre. Je l'ai bien écrit dans le livre, je ne sais pas comment ça s'est passé. Quand je sortis, tout était recouvert de pierre. J'arrivai plus facilement à la montagne Matemunu. J'entrai par le trou du volcan, qui n'était pas encore une montagne, mais qui était quand même inoffensif. Lorsque je rentrais, la lave se remit à couler, mais cette fois, c'était pour s'évaporer. Les villes, les forêts, les villages, tout revenait à sa place d'origine. Tout, sauf la population. Dans la montagne, le bureau était déjà là. Ainsi que beaucoup de ferraille. Tout ce que tu vois autour de toi, dans Matemunu, ce n'est pas moi qui l'ai créé."

- Sous-entendez-vous que quelqu'un est derrière tout ça?

- Je ne sais pas s'il est derrière tout ça, mais je sais qu'il y a quelqu'un d'autre. Où, je ne sais pas. Je n'ai jamais cherché à savoir. Jamais.

- Vous ne voulez pas?

- Lou, regarde moi. Est ce que tu penses que j'ai l'âge pour une grande aventure? Ma grande aventure, ça fait déjà des années qu'elle est finie. C'est la tienne qui a commencé. 

- Commencé? Elle est terminée!

- Tu ne veux pas trouver ce mystérieux personnage?

- Non, pas pour l'instant. L'interrogatoire n'est pas terminé. Comment m'avez-vous recueillie?

Cette question, je la pose, en redoutant la réponse.

- Recueillie? Je ne t'ai pas recueillie... Je crois que tu te doutes bien que ce n'est pas possible. Tu n'a pas pu naître avant l'apocalypse. Tu n'es pas une humaine, Lou.

Je blêmis. Je claque des dents, avant de répondre, presque en pleurant :

- Je suis une automate... une automate très sophistiquée...

AutomatesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant