Automates

3. Révélation

L'eau. Mes parents détestent ça. Pourquoi? Je ne me suis jamais posée la question. Jusqu'à maintenant. Moi, je pensais que c'était parce que ça mouille, ou parce que on peut se noyer dedans. Mais en fait, c'est une toute autre histoire.

Vous avez déjà jeté un verre d'eau à la tête de vos parents? Non? Jamais? Bah moi, je viens de le faire. Et si je savais ce qui allait arriver après ça, je ne crois pas que je l'aurais fait.

Ma mère, elle est figée. En fait, peut être qu'elle est trop en colère pour bouger. Mais elle commence à... geler?

L'eau n'était pas si froide quand même? Elle essaie de parler, mais je vois bien qu'elle n'y arrive pas. Qu'est ce que je peut faire? Il faut la réchauffer! Mais avant que je fasse quoi que ce soit, ma mère se réchauffe elle même... plus... elle brûle!

Le feu n'atteint que son corps. La maison est saine et sauve, mais elle, elle...

C'est très bizarre... elle est toujours en vie, mais elle ne fait rien. Elle laisse le feu la consumer à petit feu. Comme si son esprit était parti, mais son corps est toujours là.

A-t-elle même un esprit? Je la voie, je désespère. J'essaie d'éteindre le feu avec de l'eau, mais ça empire les choses! Je prends un chiffon, mais il brûle dans mes mains ! Soudain, le feu s'arrête. Il s'éteint petit à petit. Je souris à ma mère, mais il s'évanouit rapidement.

Ma mère est en train de fondre!

On dirait de la sueur, mais ça avale sa peau de partout. J'aurais aimé la refroidir, mais avec quoi? Je me mets à pleurer, sans m'arrêter. Je tremble de tout mon corps. Je suis mélangée entre la peur, la tristesse, l'incompréhension, et la colère contre moi-même...

Mon père ne daigne pas bouger d'un pouce. Il ne se précipite même pas sur le téléphone pour appeler l'hôpital, mais je le comprends. Moi non plus, je ne peux plus bouger. Je suis figée. J'ai beau essayer de toute mes forces, je ne peux que pleurer. Je ne peux rien faire pour aider ma mère, et ça, ça me désespère. À ce moment-là, je me trouve inutile. J'ai peur pour sa vie, mais je ne fait rien. Je me trouve inutile. Je n'ai même pas la force de crier, mon père je ne pense pas non plus, et ma mère...  elle est clouée par terre. Elle me fait signe de s'approcher, doucement, et moi, dans ce geste maternel, je trouve la force d'avancer, de me baisser et de l'écouter.

Elle lève la tête, mais je ne reconnais plus ma mère. Toute fondue, comme une fourchette qu'on aurait jetée dans le feu. Elle me fait penser à une délinquante, prête à aller en prison. 

La vue brouillée par les larmes, je l'entends prononcer ses derniers mots :

"... un automate...

- Un quoi?

-... un...

-Un...

-ERREUR ! ERREUR ! ERREUR ! ERREUR ! ERREUR ! "

Le mot retentit comme une sirène dans l'immeuble entier. Mon père tremble de tout son corps en l'entendant, mais moi, j'essaie de comprendre la dernière phrase de maman, dont le début à été chuchoté tout bas. Soudain, les indices se mélangent dans ma tête, pour trouver leur place, comme les pièces d'un puzzle.

"Je suis un automate"