16. Automates

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Je pleure toute les larmes de mon corps. Je ne sais pas comment, pourquoi est-ce que j'ai découvert par moi-même ce que je sais. Je suis en colère, contre moi-même, et contre M. Nicolas. C'est lui qui m'a créé.

" Pourquoi?

Il me faut quelques instants pour me rendre compte que c'est moi qui ai parlé. Je continue, en sanglotant de plus en plus fort :

- Pourquoi... m'avoir fa... fabriquée?

- Lou... 

- POURQUOI?

- Je t'ai fabriquée pour repeupler la Terre. Tu étais une humaine parfaite. Mais je me suis rendu compte que si je fabriquais d'autre humains, la folie allait prendre le dessus, alors je t'ai gardée, mais je n'ai pas fabriqué d'autre exemplaires. Et j'ai fabriqué d'autre automates, bien moins sophistiqués...

- Et pourquoi... pourquoi est ce que vous m'avez abandonnée, pourquoi vous... pourquoi vous ne m'avez rien dit?

- Je n'avais pas le choix...

- Ce n'est pas vrai! Vous auriez très bien pu me garder ici et me dire que je n'étais pas une humaine! Ça aurait été tellement plus simple! Pourquoi?

- C'était... C'était trop dangereux.

- Trop dangereux? Trop... dangereux? Et moi, vous croyez que ce n'est pas dangereux, tout ce que j'ai fait pour vous retrouver? J'ai eu une horde d'automates à mes trousses! Je me suis retrouvée face à face avec un ours! J'ai failli mourir asphyxiée dans une caverne sans issue! Je me suis faufilée dans un tunnel qui s'effondrait sous mes pieds! Alors ne me dites pas que me garder aurait été trop dangereux! Vous n'êtes qu'un... qu'un lâche! 

- Lou...

Sans même lui répondre, je sors en claquant la porte derrière moi. Pilou était resté sur mon épaule, et me caresse la joue avec sa petite tête. Je souris.

- Toi, mon petit écureuil, tu t'en fiches si je suis une automate ou non, hein? 

Pour toute réponse, Pilou lécha mes larmes, qui coulaient toujours.

- Qu'est-ce que je fais, Pilou, qu'est-ce que je fais? Je repars? J'essaie de revivre ma vie comme elle était avant? C'est impossible.

- Viens. 

Surprise, je lève la tête. M.Nicolas se tient devant moi. Je suis toujours très en colère, mais j'accepte malgré tout de le suivre. Il m'entraine dans une pièce gigantesque, avec des boutons et des leviers partout. Je lui demande :

- Où sommes-nous?

- Dans la salle où je contrôle les automates.

Je serre les poings.

- Calme-toi! me dit-il en voyant ma colère. Je veux juste te montrer quelque chose.

Je le suis jusqu'à un écran. Je vois des photos.

- Ce sont tous les automates que je peux contrôler. Je clique ici : Lyon, ta ville. Regarde.

Devant moi défilent des noms, des photos. Je reconnais Lily, mon père... Sur la photo de ma mère, je vois "HORS SERVICE". Les larmes me montent aux yeux.

- Ne t'inquiète pas pour elle, me dit M. Nicolas pour me consoler. Je vais la réparer. Regarde plutôt ça.

Il clique sur un dossier marqué "HORS CONTRÔLE". Soudain, une photo de moi apparait, suivi de mon nom : Lou NAMIL. Je serre les dents. M.Nicolas me... contrôlait.

- Je ne comprends pas...

- Tu m'as échappé. Je te contrôlais. Ou du moins, j'arrivais à éviter que tu découvres le secret. Mais tu as réussi. Tu as déjoué mes plans, tu as pris la fuite, sans que je puisse faire quoi que ce soit. Tu es spéciale, Lou, unique. Je...

Mon interlocuteur s'interrompt. On entend un bruit sourd venant de l'avant de la salle. M. Nicolas devient blanc comme un linge. Tous les noms sur l'écran devant moi deviennent rouges. On voit deux mots clignoter sur chaque photo : "HORS CONTRÔLE" et "ENRAGÉ".

- Ça veut dire quoi? demandai-je, plus effrayée que jamais. Qu'est ce qui se passe?

- Lou. Dis moi vite. Est ce que, au cours de ton voyage, tu t'es battu avec un automate humanoïde?

- Je...

- Dis-moi! 

- Avec... Avec Lily...

- Oh non...

- Qu'est ce qui se passe?

- On est attaqués.

Je le regarde.

- Qu... Quoi?

- Quand tu t'es attaqué à l'un des leurs, les automates on pris peur. Puis ils se sont mis en colère.

- Quoi? Pou... Pourquoi est ce qu'ils n'ont pas attaqués que maintenant?

- Je n'en sais rien. Peut-être parce que... peut-être parce que tu es avec moi.

Je suis choquée. Apeurée. En colère. Toutes les émotions négatives bouillonnent dans mon corps.

- Oh mon dieu... Comment faire pour les neutraliser?

M. Nicolas se mord la lèvre. Je vois qu'il ne veut pas me le dire. Mais la situation est urgente.

- Comment on fait? Dites moi...

- Il y a un gros bouton rouge au fond de la salle. Il permet de tuer tous les automates.

Je me dirige vers ce bouton. Le Survivant me retient.

- Où crois-tu aller comme ça?

- Neutraliser les automates ! 

- Mais tu ne comprends pas ! Pourquoi penses-tu que je ne t'ai pas dit la solution tout de suite? Tu es un automate!

Je me fige. Si je tue les automates, il y a de fortes chances pour que je meure, moi aussi.

- Mais. Vous m'avez dit que je suis... spéciale...

- Mais je ne sais pas si tu vas résister à ça! Tu veux vraiment mourir? Tu es le seul automate qui a une conscience! Le seul qui soit venu ici pour me voir, qui a affronté la mort sans jamais perdre espoir! Crois-tu vraiment que tu as envie de mourir maintenant?

M. Nicolas pleure. Pilou, qui a l'air de comprendre la situation, se blottit dans mon cou. Je me dégage de la prise de mon créateur. Je lui dis, les larmes aux yeux :

- Ça vaut le coup d'essayer."

Avant que M. Nicolas essaie de me rattraper, je cours vers le bouton. Je pose ma main dessus, mais les automates entrent. Ils s'emparent du Survivant, et de Pilou. Je connais déjà leur sort si je ne fais rien. 

Je ferme les yeux. Les paroles de M. Nicolas me reviennent en tête : "Tu es spéciale, Lou, unique." Je me remémore les bons moments avec Pilou. Lorsqu'il a découvert la caverne, lorsqu'il se blottissait contre moi pour se réchauffer, lorsqu'il dormait sur mon épaule... Et je me dit que je dois vivre. Je dois vivre. Je vais vivre.

Et j'appuie sur le bouton.


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