Les mains accrochées au rebord du chariot, les yeux dirigés vers l'horizon inatteignable, les cheveux dans le vent froid et impétueux, Marco n'en revient pas. Il ne comprend toujours pas pourquoi le chemin jusqu'à son rêve est si épineux. Lui qui est éternelle fleur bleue, la réalité essaye-t-elle de lui faire brûler les pétales ?
Ses doigts se serrent contre le bois sec, d'un coup, il assimile. Ca s'entasse, remue, cogne, essaye de s'échapper d'une manière ou d'une autre. Une larme coule, ce n'est pas assez. Une autre, toujours pas. D'un seul coup, sa main se lève, main créatrice au pouvoir infini. Elle est écorchée, rongée d'échardes, mais Marco n'en a rien à faire. Il la regarde, intensément. D'un coup, la gifle part.
Son visage se tourne douloureusement, tu le vois lâcher une nouvelle larme. Hitch n'ose pas réagir, mais toi, tu lui bondis dessus.
" Marco, arrête ! "
Il tourne un regard sévère vers toi, des yeux furibonds plein d'un sentiment exécrable. La haine. Marco te prend par les épaules, si fortement que tu tombes à la renverse, il te répond en faisant de grands gestes.
" Arrêter quoi ?! C'est tout ce que je mérite ! C'est moi qui nous aie mis dans ce pétrin ! Tu es en danger à cause de moi...T/p... J'suis qu'un crétin, un pauvre égoïste qui a pas su s'la boucler ! "
Il saute par-dessus la rambarde et court le plus loin possible, vers les collines. La tête vers le sol, il n'ose même plus regarder les paysages flamboyant qu'il juge certainement trop beau pour lui. Des longues lames au tranchant salé dévalent le long de ses joues, sans la moindre interruption.
Tu l'observes s'en aller, échangeant un regard inquiet avec Hitch. Celle-ci chuchote d'ailleurs :
" Je suis désolé pour vous...J'aurais peut-être pu faire quelque chose et... "
" Non, ne t'inquiète pas. - La coupes-tu - Ce n'est pas de ta faute si tout cela est arrivé... "
Tu t'en veux vraiment, et en plus de ça, ça te fend le cœur à toi aussi de devoir abandonner la formation. Tu serres donc le poing de toutes tes forces, avidement et tristement.
Et c'est après ça que tu descends enfin de votre véhicule et commence à gravir la colline. Chacun de tes pas, dans tes bottes cuivrées, te semblent infiniment plus lourd que d'habitude. L'herbe s'écrase sous ton poids, peut-être celui du stress, ou bien de la culpabilité... En tout cas, cette marche pénible semble s'étirer sur des années, voire des millénaires.
L'essence du vent outragé par ta tristesse te fouette le visage. Les parfums désenchantés des plantes alentours t'offusquent les narines. Le requiem des oiseaux se balance au-dessus de ta tête, chant peu consolateur qui te rappelle que tu n'es qu'un petit point gris dans cette étendue verte. Tu dois refouler ton malheur, tu le sais et le sens. Mais pour ça, il va falloir grimper jusqu'en haut de la colline.
Inconcevablement, tu entrevois, alors que ton cœur joue une symphonie désorganisée, le haut de la montée. Marco s'y trouve à coup sûr. C'est là où il vient lorsque rien ne va, et là où tu le rejoins toujours, en quête de guérison. Là où est enterré un être relié à lui par l'amour et le mensonge. Le champ des lys.
Une silhouette se dessine, avachie par terre, le visage enfoncée entre les fleurs. Sa joue, cachée derrière les chapeaux fleuris des dames. Ses doigts, agrippant la terre comme lorsqu'on sert quelqu'un, en quête d'un vain plaisir charnel. Ses yeux, fermés lamentablement comme cherchant à oublier la réalité. Et ses membres, à la fois étalés et recroquevillés sur le tapis de fleur, l'accueillant comme un berceau, dont son hôte, comme un appel, se met à hurler. Hurler ! Marco se met à crier en cœur, à plein poumons, tout en douleur. Il serre le monde en quête de réconfort, mais sans plus d'espoir, autour de lui, le monde se tait, le monde est mort.
Toi, tu ne peux qu'observer le funeste spectacle, l'exubérant malheur qui se propage. Tes deux pieds avancent d'un coup, sans que tu n'ai aucun contrôle sur eux. Tu arrives au niveau de Marco, et tombes à genoux à ses côtés. Tes yeux fourmillent de larmes, les siens aussi. Il se relève, t'observe longuement, et tombes dans tes bras.
" Désolé... "
La chaleur de son torse te console un peu, tu serres tes bras longuement derrière son dos. Lui aussi, passe une main dans le tien, et une dans ton cou, t'étreignant comme une poupée. Tu souffles :
" Tu penses que "l'information" va circuler et qu'on va être arrêté ? "
Marco remue la tête pour dire qu'il n'en sait rien. Une ultime larme coule le long de sa joue, et vient s'écraser sur les pétales muets.
Soudain, Hitch fait irruption dans le décor. Vous trouvant là, tout les deux, l'un contre l'autre et inconsolables. Elle se prend le visage dans les mains. Une expression de réflexion intense se pose sur ses traits, elle a l'air dans le dilemme le plus compliqué. Mais, jetant un dernier regard vers vous, elle dit finalement :
" Ecoutez...j'ai un moyen de vous faire rentrer dans les brigades spéciales sans passer par l'entraînement. "
Tu tournes vivement ta tête vers elle, totalement choqué. Marco, se lève brusquement. Il ne réagit pas sur le coup, mais vite, ses dents se serrent et il commence à lui gueuler dessus :
" Mais pourquoi tu l'as pas dit avant ?! Sale... "
La fille le coupe, un ton au-dessus :
" Mais c'est parce que c'est pas légal ! Si ça serait possible, tout le monde le ferait, y compris moi, et pourtant je suis là ! "
Marco a un mouvement de recul, il se tourne vers toi, hésitant. Hitch, quant à elle, continue son récit :
" La dirigeante de cette organisation a décidée de se renommer E. pour l'anonymat. Elle propose une entrée dans les Brigades Spéciales, ainsi que des logements dans le mur Sina, a ceux qui viennent postuler. Mais pour y rentrer, il faut faire nombre de sacrifices et d'horreurs. En bref, des choses qui l'arrangent. Si la personne n'obéit pas, elle le tue immédiatement. "
Marco reste stoïque un instant, puis relève sa tête, bien droit devant vous. Il annonce :
" Je m'y engagerai. Je peux surmonter ça ! "
" Mais Marco... "
Il ne te laisse même pas finir ta phrase, il est trop déterminé. Aucune parole ne pourront réfréner son rêve.
" Je suis décidé ! "
Il ne sait pas ce qu'il l'attend. Mais en tout cas, son rêve, ainsi qu'une part du tiens, peut encore subsister un moment...
Dans toute la vallée, une nouvelle mélodie se joue. Comme un nourrisson venant de naître, une plainte aigu traîne en longueur. C'est le chant des lys qui renaît.
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Marco X Reader " Le chant des lys. "
FanficDans un champ au centre du mur Rose, un jeune homme vient écouter le vent lui murmurer des poèmes. Entre les quelques fleurs qui vireront au rouge, un chant perdure, faisant apothéose aux sourires du garçon. Alors que l'ode se perd sous la terre, le...