A l'Aube du Souffle Originel

Cauchemar...

Peur... J'ai peur. Je ne sais pas comment je me suis retrouvée là. Il fait froid. Mon souffle est court. Je peine à respirer par ce froid qui me transperce les poumons. Je suis dans une pièce d'une maison. Tout ce qu'il y a de plus normal. Sauf que devant moi est étalé le pilier de la brume. Dans une marre de sang qui continue de s'étendre.

Devant elle, le pilier de la foudre, à genoux. Blessé et au bord de l'inconscience. Je ne sais pas trop ce qui me prend. Mais il faut que je me batte. Pour cette femme qui ne doit pas avoir plus de vingt cinq ans. Pour cet homme qui perd énormément de sang à chaque instant. Parce qu'ils ont une famille, une vie, une histoire. Et que personne ne pourra jamais le leur enlever. Surtout pas cette pourriture qui transforme quiconque en démon.

Je saisi le katana de feu l'ancienne pilier de la brume. Je me relève lentement sur mes appuis. Enfin, de pas beaucoup, puisque je suis petite. Je dirai que j'ai sept ans tout au plus. Mais je me relève quand même et je lui sursurre une phrase. Simple et courtoise.

- Muzan Kibutsuji, tu vas payer.

Ma voix est rauque et enfantine. Ma bouche devient pâteuse. Je prends une grande inspiration et d'un pas, je saute vers lui. J'enchaîne des techniques du feu, de l'eau, de la foudre, du vent et de la roche. Utilisant le souffle de concentration perpétuelle, mes attaques sont rapides et puissantes.

Autour de moi, les murs tombent, le sol craque, les vitres explosent. La maison ne supporte pas la violence du combat. Très vite ce n'est plus seulement la maison qui tombe en ruines. Mais le village entier. Heureusement, les villageois s'échappent et courent loin de nous. Ils fuient vers la lisière de la forêt, là où notre combat ne nous amènera pas. On manque de place pour manœuvrer entre les arbres.

Je lève un instant les yeux vers le ciel.
La lune est belle ce soir. Elle brille d'un bleu magnifique, semblable à celui de l'eau de la mer et des lacs. Et les étoiles, elles s'illuminent de milles feux. Mais la lune est basse et l'aube ne tardera pas à pointer son nez.

Je lance une attaque d'une force incroyable et il tombe à genoux. Épuisé et incapable de se défendre, ses yeux sont emplis de terreur. Il entrouvre la bouche et siffle. Mais ce ne s'est pas un sifflement normal, non, mais un sifflement sur aigu. Mes tympans se vrillent et mes oreilles saignent. De mes deux mains, je tente de me protéger.
Puis soudain, il s'arrête. Et douze démons apparaissent à ses côtés. Les douze lunes démoniaques.

Je me réveille d'un coup. Paniquée et en sueur je me relève. L'homme à côté de moi bouge. Ses cheveux couleur de feu laissent place à son visage serein et ses deux grands yeux couleur flammes ouverts. Kyojurô Rengoku. Le pilier de la flamme.

- Tout va bien ? me demande-t-il en posant sa tête sur son coude.

- O... Oui. C'est rien... C'est un simple cauchemar. Je vais boire un coup et prendre l'air.

Je cherche à reprendre mon souffle et me lève. Kyojurô repose sa tête puis se retourne pour retrouver sa position qu'il avait quittée il y a quelques instants.

- Ne sors pas, m'ordonne-t-il. Il y a peut-être des démons dans les parages.

- D'accord, je ne sortirai pas.

Je n'avais même pas terminé ma phrase qu'il s'était déjà rendormi. Je trouve un verre dans un placard à l'ouverture douteuse et grinçante et le remplis d'eau. Je le vide d'un coup sec. La sensation de bouche pâteuse et de gorge sèche est en train de passer. Ouf. Je me dirige vers la fenêtre, m'assoie sur le rebord et regarde les gouttes de pluie s'écraser contre la vitre.

Je fais souvent ce cauchemar. Il reprend ce qui s'est passé il y a neuf ans. D'abord mon combat contre Muzan, contre lequel j'ai utilisé des techniques dont je ne connaissais même pas l'existence à cette époque-là. Puis ensuite contre les douze démons dont j'ai appris le nom quelques jours plus tard. Je me souviens de cette phrase que m'a dit Muzan Kibutsuji ce jour-là, juste avant qu'il ne parte et que l'aube se lève : "Où que tu sois, je te retrouverai et je te tuerai, moi ou les douze lunes."