Chapitre 5.

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« Vivre, c'est bien. Savoir vivre c'est mieux. Survivre c'est sans doute le problème des hommes de demain. » 


Cette fois, je vais mourir. Je le sais. Je le sens. Et je sais que j'ai raison à la minute même où le reptile, dans un cri strident me bondit dessus. Instinctivement je ferme les yeux, les mains tendues devant mon visage. La fin est proche. La fin est là. Un instant, je vois tous mes souvenirs défiler les uns derrière les autres. Les bons, comme les mauvais. Les regrets emplissent mon esprit et envahissent mon cœur. Je pense à ce que je n'ai pas fait, à ce que j'aurais dû et pu faire et aux choses que j'ai faites. Est-ce ainsi que je vais mourir ? Sans avoir accompli mes désirs ? Sans avoir rencontré l'amour, ni eût la chance de devenir mère ? Sans qu'aucun de mes projets n'ait pu aboutir ? Bouffée par un dinosaure sans même comprendre, sans même découvrir comment et pourquoi je suis ici ? Dans un monde totalement inconnu, sans personne à mes côtés et oubliée de tous ?


La fin est proche, c'est ce que je me dis. Pourtant, je ne sens pas l'impact, je ne sens pas la douleur. Ni la morsure, ni les coups de griffes. Je ne sens pas ma peau qui se déchire, ni mes os qui se brisent. Rien. Alors mes yeux s'ouvrent, légèrement, puis plus grandement.


Il est là, devant moi, prostré au sol. Dans son regard brille une lueur de douleur. Une douleur sans nom. Mes prunelles se baissent alors plus bas sur son corps et je vois sa cuisse, puis son ventre. Ses plumes sont baignées d'un sombre liquide qui semble poisseux. Et je comprends. Lui aussi a subi les attaques du T-Rex, comme sa famille, comme son clan. Mais lui, s'en est sorti in extremis malgré ses blessures béantes qui suintent le sang, me sauvant quasi d'une mort certaine. Soulagée, je laisse échapper un faible soupir qui se perd rapidement dans le silence alors que l'animal me fixe toujours, à la fois en colère, triste et impuissant. Il semble tenaillé entre l'envie de me dévorer et celle de se laisser mourir ici, seul, isolé après la perte des siens.


Doucement, je recule de quelques pas sans pour autant lui tourner le dos. Il est peut-être blessé et dans une posture assez fâcheuse, mais il reste une bête sauvage qui malgré ses blessures, aussi importantes soient-elles, peut me sauter a nouveau dessus dans un dernier élan d'adrénaline. Mais il ne bouge pas et finit par détourner le regard de ma personne avant de se lover sur lui-même, ramenant sa queue touffue devant son museau, dans un couinement de douleur.


Je m'arrête un instant, mes yeux fixés sur lui, alors que mes mains se resserrent sur le couteau que je possède. Et si ?


Je m'approche à nouveau, doucement, lentement, les doigts blanchis sur la poignée de l'arme. Puis je lève la main, prête à frapper. Mais doucement, sans mouvement brusque il tourne sa tête dans ma direction, posant ses prunelles reptiliennes sur la lame, qui doucement, reflète la lumière du soleil. Il cligne des paupières, une fois, deux fois, son regard s'évadant sur les cadavres de ses compagnons avant de revenir se poser sur moi. Un semblant de soupir s'échappe de lui, puis sa tête retombe sur le sol, soulevant un nuage de poussière. Il semble prêt. Prêt à mourir, prêt à se laisser tuer pour rejoindre les siens. Il semble s'être fait une raison, il semble avoir compris. Mais son regard, si triste, si éloquent me stop en plein mouvement.


L'arme tombe à mes pieds. Je n'y arrive pas, je ne peux pas. Ce n'est pas la même chose que de tuer des dodos et des poissons pour me nourrir et me vêtir. Trop d'intelligence et de compréhension brillent dans ses yeux. Alors cette fois, je lui tourne le dos et m'éloigne pour partir.

Expiation.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant