Chapitre 6.

8 3 0
                                    

« L'homme est un animal aux instincts de survie primitifs : son ingéniosité s'est donc développée d'abord, et son âme ensuite. »

Charlie Chaplin


Ça fait déjà plusieurs heures qu'on marche à une allure de croisière. La petite vallée où nous avions élu domicile durant les derniers jours à rapidement laissé place à une forêt. Une forêt qui au fur et à mesure devient de plus en plus sombre, de plus en plus obscure alors que les arbres se rapprochent, passant de quelques mètres de distance à leurs branches et leurs troncs qui presque, se caressent, s'enlacent les uns aux autres. Je ne sais pas réellement si je me sens à l'aise ici. C'est calme. Bien trop calme. Quelque chose dans l'air est lourd, lourd de sens et lourd de silence à la fois. Comme une mise en garde muette. Pourtant, malgré cette appréhension qui me prend aux tripes, je sais que je dois bouger. Je dois avancer, peux importe la direction, mais j'ai déjà trop perdu de temps. Je dois découvrir où je suis et comment rentrer chez moi. Découvrir si je suis seule ou si d'autres comme moi, se cachent quelque part. Comprendre ce qui m'est arrivé.

Mes prunelles naviguent autour de moi, incrustant sur mes rétines le moindre détail, la moindre chose. Que ce soit une feuille aux couleurs d'un vert éclatant et aux nervures plus jaunâtres, ou bien des buissons de fleurs aux douces couleurs pastel, puis étrangement, d'autres aux teintes bien plus fluo. Quelques insectes volent, de ci et de là et à voir l'accélération de ma compagne de route pour les dépasser au plus vite, je présume qu'il vaut mieux les éviter. Des insectes bien plus gros que mon avant-bras... Plus tard, alors que le soleil a dépassé son zénith depuis un moment déjà et commence à entamer sa descente, quelques étranges créatures nous abordent.

Elles sont trois. Petites. Toutes petites. Si petites que je ne les eusse pas vus jusqu'à entendre leurs petits cris aigus. Légèrement, je me penche pour les observer. Ils sont assez... Bizarre. 
Pour leurs tailles ridiculement petites leurs corps sont minces, sveltes, proportionnés, voire même gracieux. Une tête, légèrement étroite sur le dessus, surplombe un coup en forme de serpent et des ostéodermes descendent sur le côté et le dos. Certains membres de la petite troupe, sûrement les mâles à en croire le ressenti au fond de mes entrailles, possèdent quelques plumes sur le dessus du crâne. Dans leurs prunelles, une curiosité sans faille. Au début, ils se contentent seulement de nous suivre, assez calmement si on oublie leurs caquètements incessants. Puis, j'en aperçois rapidement deux autres qui viennent se joindre au groupe et subitement leurs caractères changent du tout au tout. D'abord calmes, amicaux, ils deviennent subitement hargneux, à la limite de la méchanceté, attaquant les pattes de ma monture.

Cette dernière, très peu ravie de se faire chahuter de la sorte laisse un puissant grognement lui échapper, suivit d'un coup de pattes qui en assomme deux à la fois. Les trois derniers hurlent de plus belle, se jetant sur elle, leurs plumes dansant dans le vent. Ma coéquipière s'énerve encore plus, joue de ses griffes et de sa mâchoire sur eux. Deux, se trouvent subitement sans têtes, leurs petits corps continuant de marcher un faible instant avant de s'échouer lamentablement au sol. Le dernier, surpris, fait volteface et disparaît dans les fougères alentour sans demander son reste.


Petits, mignons, mais terribles et dangereux.


Je ne sais pas ce qu'ils sont. Mais malgré leurs allures adorables et presque attendrissantes, je suis soulagée de ne plus les avoir à nos côtés. Comme connectée à mes pensées, la femelle dinosaure s'ébroue et joue du tricot avec ses griffes avant, tandis que Kiro, jusque-là silencieux laisse son museau humide venir caresser ma joue. 

Expiation.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant