Chapitre 2

369 84 96
                                    

Maddie

Je pars, la gorge nouée, les lèvres tremblantes. Mes yeux sont en pleine crue. J'essuie les larmes qui perlent. Même s'il faudrait d'abord réparer la plaie de mon cœur avant qu'elle ne s'ouvre à nouveau et inonde mon âme. Je descends les marches. A chacun de mes pas, les mots résonnent. Semblable à une musique qui passe en boucle. Une mélodie qui ne veut pas s'arrêter. "Habille-toi si tu veux rester dans cette salle." Je me retourne et regarde l'établissement. Je baisse les yeux et contemple mon short. Je tire dessus. Mon mascara trace ses sillons sur ma joue. "On est là pour travailler pas pour regarder ton décolleté". Je pars en direction de ma maison. Personne n'est présent à cette heure-ci. Tant mieux, je ne me vois pas expliquer mon état. Je ne suis pas prête à rouvrir la plaie et la laisser à la vue de tous. La majorité de mes camarades l'ont déjà bien assez vu. J'ouvre la porte de chez moi. "Elle baise avec tout le monde". Je la referme, rentre dans ma chambre. Mon téléphone vibre. Je suis tentée de le regarder. "Tu crois que sa mère est aussi bonne ?" J'éteins mon portable et fais les cent pas. Mon cœur bat vite. Mes pensées s'entrechoquent. La tête de mon professeur d'anglais se dessine. "Habille toi si tu veux rester dans cette salle. Je n'ai pas de temps à perdre. Tu t'habilles ou tu vas faire ton numéro ailleurs. On est là pour travailler pas pour regarder ton décolleté." J'essuie les dernières preuves de ma détresse et pense à son visage. Je m'assieds à mon bureau et prends un crayon. Je m'attele à dessiner son esquisse. Je fais sortir ses yeux de leurs orbites et le pare de quelques postillons qui sortent de sa bouche grande ouverte. Je rajoute une bulle pour le faire parler. "Vous êtes indécente, mademoiselle !" Voilà ce qu'il me dirait. Un sourire m'échappe. Je prends une punaise et l'accroche au mur à côté de tous mes autres dessins.

Je me lève, me trouve devant mon miroir. Mon visage est ravagé par les déboires de la honte. Je me sens honteuse. Je sens déjà les remarques fuser demain. Je ne voulais pas attirer l'attention, malgré les dires de Monsieur Robert, mon professeur d'anglais. Je voulais juste mettre cette tenue parce que je l'aime bien. Je me sentais jolie. De toute façon, quoi que je fasse, ils continueront de penser que je suis une fille facile. Je suis toujours vierge, aucune main n'a parcourue mon corps, et pourtant ils aiment penser qu'une myriade de mains a déjà laissées ses empreintes.

Une telle image m'est attribuée seulement parce que j'aime mettre des décolletés et des vêtements déchirés ou courts.Les remarques ne sont pas fréquentes de la part des lycéens mais maintenant que M. Robert m'a humiliée, je n'ose même pas imaginer ce que ça va devenir. Il est vrai que certain s'amuse à rire sur mon fessier mais cela ne va jamais plus loin. Et je ne suis jamais la seule victime de ces remarques. Les garçons font beaucoup de réflexions sur les filles. C'est le cas depuis la nuit des temps. Je ne suis qu'une cible parmi tant d'autres.

Mais cette fois-ci, je me suis sentie si nulle. J'étais en train d'écrire tranquillement et voilà qu'une trentaine de regards se sont rivés sur moi. J'aurais aimé m'enfoncer sous terre. Me réveiller de ce cauchemar et rire de ma stupidité en pensant qu'il était réel. J'attache mes longs cheveux en une vague queue de cheval et entends la porte d'entrée s'ouvrir. J'essuie mon mascara à tout vitesse et range un bazar inexistant sur mon bureau comme si de rien n'était.

- Maddie !? C'est moi !
Ma porte s'ouvre et ma sœur entre. On a trois ans d'écart, elle a quatorze ans. Nous sommes très proches même si elle m'irrite quand elle me donne des conseils. Elle a toujours tendance à être très franche. Il y a des choses qu'on ne préférerait pas entendre, je vous assure.
Elle s'assied sur mon lit et me regarde en haussant un sourcil.
- Qu'est-ce qui se passe ? On dirait que t'as pris vingt ans de plus.

Je grimace. Toujours aussi gentille, à ce que je vois.

- Rien. Il n'y a rien.

- Me prends pas pour une conne, Madeleine.

Confessions d'un féministeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant