M. Robert
Je manque de m'étrangler avec mon café quand je tombe sur le torchon qu'est le Morning Voice. L'imposteur a encore frappé ! Celui là, je vais me le faire.
Je ne sais pas pour qui se prennent ces gamins qui s'amusent à écrire des absurdités mais je vais m'en occuper, moi ! Que fait le proviseur ? Il mérite de partir lui-aussi. Je suis sûr que je serais en capacité de faire un meilleur boulot que lui. En même temps, ce n'est pas bien compliqué. Il est si médiocre. Il devrait être saisi de ses fonctions.
Je soupire et mange un croissant tout en lisant le nouvel article. J'ai été si désespéré en voyant que l'imposteur avait encore écrit que je n'ai même pas lu son texte.
On est jeune. Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ? Ils ne nous écouteront jamais. À dix-sept ans, on va pas changer le monde. C'est les adultes qui ont le pouvoir, nous on est rien. Et puis, il y a le bac, les cours. Nos parents nous foutent la pression pour qu'on bosse, on trouvera un autre moment. Et puis, t'y penses aux répercussions ? On va se faire défoncer. Et je te parle même pas du regard des autres. On va être tout seul comme des cons.
On attend que les autres se battent pour nous. On attend qu'une occasion se présente. On attend que le monde aille mieux. On attend que les autres soient disposés à nous écouter. On attend que les autres nous entendent. On attend de devenir vieux. Au final, on attend d'avoir plus le temps. Et on fait rien. Peut-être que le monde n'est pas prêt à nous entendre. Peut-être que personne ne nous écoutera. Et puis peut-être qu'on est trop jeune, trop insouciant et inexpérimenté. Peut-être qu'on connaît pas très bien la vie. Peut-être qu'on se ramassera, on aura les genoux écorchés et la tête en vrac. Peut-être qu'on sera seul face aux regards des autres mais au moins on sera pas immobile comme la plupart des gens. On essayera au lieu d'attendre. Et c'est là que les choses changeront.
Alors bouge-toi.
Signé,
L'imposteur.Je croise le regard de Laure Lamotte quand je relève les yeux. Je jette le journal sur la table et bois une gorgée de café. Elle m'énerve avec ses yeux toujours rieurs. Cette journée m'écœure déjà.
- Je ne vous demande pas comment vous l'avez trouvé, rit-elle en me montrant le Morning Voice de la tête.
- Inutile de prendre cet air guilleret avec moi. Vous savez quelque chose. Sinon vous ne seriez pas dans cet état. Je vous assure que quand je découvrirai le coupable, vous tomberez avec lui.
Elle met une main devant sa bouche pour s'empêcher de rire. Si j'étais proviseur, la première chose que je ferais c'est virer cette incompétente. J'ai même appris qu'elle avait fait un débat sur l'imposteur en classe avec ses terminales. Mais où va le monde !? Elle se permet de faire des choses qui sont interdites. Ce n'est même pas dans le programme !
- Jacques, calmez-vous. Je ne sais rien. Vous en revanche, vous prenez ça un peu trop au sérieux. Vous devriez...
Je me lève pour rejoindre ma salle. Je ne veux pas entendre un mot de plus de sa part. Elle a le don de me rendre aigri.
De toute façon, ça, ce sont les nouvelles générations. Elles veulent avoir plus de droits, plus de libertés...Et puis quoi encore ? Ils devraient s'estimer heureux de tout ce qu'ils ont. À mon époque, on n'avait pas le quart de ce qu'ils ont et on ne se plaignait jamais ! C'est ça d'en faire des enfants rois. Ils sont pourris gâtés, toujours scotchés à leur téléphone, ils n'apprécient plus rien.
La dernière fois, j'ai même entendu un élève se plaindre des conditions de vie des Arabes et des Noirs. J'ai cru défaillir. On est déjà bien gentil de les laisser venir dans notre pays. Si ça ne tenait qu'à moi, je les renverrais chez eux. On est plus en sécurité de nos jours. On accepte tout et tout le monde. Et ils s'étonnent que le taux de chômage augmente ! Je n'arrive plus à suivre ce monde de fou. Je regrette le temps où tout filait droit.
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Confessions d'un féministe
Teen FictionMaddie en a ras-le-bol du patriarcat. Des codes vestimentaires de son lycée. De l'homophobie que subit son pote Walt. De la pression sociale qui pèse sur ses amies. Du sexisme de M. Robert. Des machos. Du genre Gary qui critique sa copine. Des blag...