Chapitre 12

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Maddie

J'ai passé cette semaine plongé dans mes pensées. Il m'était tout bonnement impossible de penser à autre chose qu'aux paroles de ma petite sœur. Elle a le don de mettre la pagaille dans mes certitudes. Maggie a toujours ce mot, cette petite phrase qui reste en tête et qui ne veut pas déserter les lieux. Je n'ai même pas réussi à suivre le débat de Madame Lamotte. J'étais partie trop loin. Dans ses univers lointains qui m'appartiennent.

Le seul point positif est que j'ai réussi à mettre de côté, pendant un instant, ma dispute avec Olivia. Cette dernière est redevenue presque elle-même mais je n'arrive pas à la retrouver entièrement. Elle est bien maussade et n'aime pas grand chose. Rien n'est à la hauteur de ses attentes. Même notre amitié a l'air de la décevoir. J'aimerais que tout redevienne comme avant. Qu'on rigole, qu'on fasse des sorties, qu'elle me raconte sa vie dans les moindres détails. Mais je n'arrive à extorquer que quelques informations banales sur son existence. Le reste, elle le garde pour elle. Je vois bien qu'elle me ment, qu'elle occulte certaines choses, qu'elle n'est plus sincère comme autrefois. Elle est fermée à double tours. Et quand je lui fais remarquer, elle s'énerve. Comme si elle portait un secret trop lourd pour ses frêles épaules et que tout à coup, mettre le doigt sur ses douleurs lui faisaient trop mal. Il ne me reste plus qu'à attendre qu'elle veuille bien se confier.

Je mets un brin de musique et commence mes devoirs. Je m'allonge sur le sol, mes jambes battent l'air avec frénésie. Je n'arrive pas le moins du monde à écrire ma dissertation. Il faut que je me rende à l'évidence, mon travail peut bien attendre. Je me lève et regarde la pluie tomber sur le bitume. J'aime ce bruit, il est réconfortant. C'est toute une atmosphère qui nous enveloppe et nous berce. Seulement, je suis tellement agitée que rien ne peut me calmer. Mes pieds font les cent pas et mon vernis fait encore les frais de ma mauvaise habitude de me ronger les ongles. Que voulait dire Maggie avec cette citation ? "Ceux qui errent ne sont pas toujours perdus."

Ne tenant plus je sors de ma chambre et rentre sans frapper dans celle de Margaret.

- On t'a jamais appris à frapper ?

- J'ai besoin de toi, lui dis-je sans répondre à sa remarque.

Elle se redresse dans son lit et pose son magazine en soupirant.

- Tu sais que je serai pas toujours là pour toi, Maddie.

Un petit rire m'échappe. À l'entendre, on croirait que je suis la petite sœur, et elle, la grande. Son air faussement exaspéré ne tient pas longtemps. Elle se pousse pour que je puisse m'asseoir et tapote la place à côté d'elle.

- Enfin, vas-y, je t'écoute.

Je n'attends pas plus longtemps et prends une grande inspiration avant de lui faire part de ce qui me taraude depuis plusieurs jours.

- Maggie, j'ai du mal à comprendre où tu voulais en venir quand tu m'as dit que je n'étais pas perdue. Et également quand tu m'as citée les mots de Tolkien. J'y ai réfléchi pendant des jours sans trouver le fin mot du message que tu voulais me faire passer. Et, à vrai dire, je n'arrive pas à penser à autre chose.

- C'est pourtant simple, affirme-t-elle en mettant ses bras derrière sa tête, tu te caches derrière toutes ces phrases : "Je peux pas y arriver." "Je vais pas réussir." "C'est trop dur." "C'est pas grave, pas besoin d'en faire toute une histoire." Tu te répètes tout ça seulement pour te persuader que t'es perdue. Comme ça, ça t'évite de prendre des décisions qui te sortent de ta zone de confort. Mais au fond, même toi, tu sais que c'est complètement bidon. T'es pas paumée. Tu erres parce que tu veux pas laisser partir tes peurs. Tu t'accroches à elles. Tout comme tu t'accroches aux conseils de ta fabuleuse et extraordinaire sœur que tu aimes tant, ajoute-t-elle avec un grand sourire et un clin d'œil. Arrête de t'accrocher aux autres, Maddie. Tu n'as pas besoin de moi ou d'Olivia pour vivre ta vie.

Confessions d'un féministeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant