« Et le soleil mourra...
Et tu seras poussière... »
C'est tout ce qu'il a pu déchiffrer, le scribe. La roche étant fort dégradée par le temps et l'humidité, le reste du poème est indéchiffrable. Néanmoins, pour une stèle datant d'une centaine de milliers d'années trouvée sous terre, c'est une déjà prouesse !...
Le scribe est seul autorisé à la regarder... Les Rāj chargés de la ramener ont sombré dans la folie, et sont actuellement en cure...
La civilisation Hizgull est une des cent que les Humains, les Elfes et les Räts ne doivent pas connaitre...
La Fondation décide qu'une civilisation doit ou non être découverte, et par quel peuple, après une étude approfondie de celle-ci par le Département Archéologique... Celles dont l'existence doit rester cachée sont celles qui vénéraient les divinités les plus dangereuses et puissantes, portant un présage de mort.
Certaines sont si puissantes que l'effet d'attraction sur les êtres est décuplé, aspirant ainsi la conscience du spectateur, qui deviendra un adepte enivré et perverti.
Je ne sais pas exactement quand la Fondation à découvert les Hizgulls, mais il semblerait que ce soit assez récent.
Un humain a trouvé le moyen de voyager dans d'autres mondes... un pillard. Je ne sais pas comment il a pu y parvenir, mais il était loin de s'imaginer ce qu'il allait causer..
La Fondation a agi pour lui... mais quelque chose nous a échappé...
Hier soir, j'ai entrevu le scribe. Une silhouette noire, encapuchonnée, tenant la stèle comme s'il s'agissait de son enfant, qui se dirigeait vers les étages de la hiérarchie.
Personne ne l'a jamais vu, le scribe. Il se cache dans les calques imperceptibles pour 90% des gens. C'est également la première fois que je le vois.
Une fumée plus noire que la plus pure des obsidiennes émane de sous les pans de sa robe de la même couleur. Je ne saurais dire si elle guide ou suit ses mouvements, mais cet être mystérieux donne l'impression d'être porté par elle...
Je n'ai pas vraiment vu la stèle. Mais la manière dont il la portait me dérange. J'ai fait volteface, me dirigeant vers la sortie.
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Il m'a fallu un moment pour percuter. Je n'avais jamais vu ces arabesques sur les murs extérieurs du palais de justice. Tous les jours pourtant je passe devant ces murs peu entretenus.
De longues volutes blanches dansent à présent sur la pierre grisâtre. Des figures vaguement humaines, trépassant dans une souffrance bien trop réelle.
Je pourrais presque la sentir, et les entendre hurler...
Le toucher ressemble au calcaire. Je regarde de près les alvéoles creusées par l'air dans les surfaces rêches et rocailleuses, et m'éloigne, pour remarquer que ces formes semblent maintenant regarder dans une même direction. Celle d'une grosse boule blanche au centre de cette fresque tordue...
Le poids des regard me sort de ma transe. Je regarde les deux adolescents qui me dévisagent, ne sachant pas, à en juger leur visage, s'ils devaient rire où se mettre en colère devant le spectacle d'une illuminée inspectant un mur gris à la banalité outrageante.
Je prends soin de planter mon regard dans le leur tout en m'éloignant. Autant pousser le vice...
Les Nargolles sont bien agitées aujourd'hui... Elles volent de manière complètement anarchique, comme si quelque chose les avaient étourdi, percutant immeubles et voitures, sans jamais laisser un dommage.
C'était surprenant, au début, mais on s'y fait.
Je ne tarde pas à trouver Sen adossée aux murs du nouvel hôpital. Elle me regarde comme si elle savait depuis longtemps que nous nous allions nous rencontrer.
« tu as vu les Nargolles? Me demande-t-elle
- oui... qu'en pense-tu ?
Mon amie bat des cils. Sen peut voir les créatures que je vois aussi, ce qui fait d'elle une bonne partenaire de discussion à ce sujet, mais pas toutes. La créature lovecraftienne nous surveillant depuis le clocher semble avoir voulu rester invisible à ses grands yeux verts.
De ce que je sais, elle voit les Nargolles et les Antiss amagus. De petits champignons à visage humain apparemment hostiles, et bien d'autres... Et contrairement à moi, elle sait communiquer avec. C'est d'ailleurs elle qui m'apprend leurs noms.
- Pense-tu que ça ait un rapport avec les arabesques blanches sur le palais de justice ?
- Quoi ?...
- Tu ne les vois pas ?
- Quoi donc ? Je ne vois que du granite.
- D'accord, je t'expliquerai en rentrant...
Et nous nous mettons en route pour le magasin de jouet, temporairement accès à notre Département dans cette ville.
Le vendeur nous dévisage depuis son comptoir nous voyant bouger les lèvres, fixées devant sa porte. Il ouvre ensuite de grands yeux nous voyant disparaitre, avant de tout oublier et revenir à ses activités.
Nous voici arrivés dans un des couloirs notre aile.
La vue de la petite silhouette noire du scribe me fait oublier ma phrase. Il passe très près, effleurant mon bras, mais je ne le sens pas. Je n'ai aucune idée de ce qu'il peut bien faire ici. Dieu merci, je ne le vois plus dodeliner sa vieille stèle Hizgull.
Mes collègues cessent de parler à leur tour, me voyant, les yeux perdus dans ce qui pour eux est le vide.
« Luna? Encore un de tes monstres ? » Demande la voix d'un camarade dont j'ai momentanément oublié le nom
- je ne pense pas qu'il apprécierait qu'on l'appelle « monstre ».
- Ah... toute mes excuse! Je ne veux point vous offenser! Qu'il crie dans la même direction que celle de mon regard, provoquant ainsi les rires du reste du groupe.
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Behind the Scene : les contes d'une organisation secrète (réécrit)
Fantasy« Notre cerveau ne peut percevoir qu'1 % de la réalité qui nous entoure... » Une phrase bien étrange, sur un carnet abandonné, et trouvé sur une route par un nomade habitué à l'ésotérisme. Un écrivain ? Un illuminé ? Ou encore une organisation secrè...