Aliyah ne pouvait pas détourner les yeux de la silhouette de cendre. Plus que jamais, elle détestait Valentin ! Lisa, sa malheureuse victime, avait été l'une des rares amies sincères de Aliyah. Les deux vampires se ressemblaient tellement qu'elles auraient pu être des sœurs. Elle savait que c'était à cause de cette ressemblance que Valentin avait porté son choix sur la pauvre Lisa.Elle ne comprenait pas pourquoi cette mise en scène avait été nécessaire ? Pourquoi Lisa avait-elle dû mourir ? Aliyah ramena ses bras autour d'elle, en quête de réconfort. Elle ne comprenait pas, du tout, le geste de son créateur. Pourquoi avoir tué Lisa et la laisser en vie ? C'était elle qui avait trahi son clan ! Non, vraiment, elle ne comprenait pas la décision de Valentin.

Un cliquetis survint derrière elle et la porte de sa chambre s'ouvrit. Sa chambre... Aliyah ne se leurrait pas. Sa chambre était une cellule, à présent. Si elle n'était pas mise à mort dans les prochaines heures, Aliyah n'en sortirait jamais. Elle se retourna posément. Elle ne voulait pas montrer sa peur et son malaise. Le visage de Valentin ne donnait aucune indication sur ses pensées. Il devait être furieux par les actes de Aliyah, pourtant. Aucun vampire n'acceptait qu'une de ses créations le défi comme Aliyah l'avait fait. Le chef de clan comme Valentin n'hésitait jamais à tuer ceux qui commettaient ce genre d'actes. Malgré tout, Aliyah était toujours en vie pour faire face à son créateur.

Valentin était un vampire assez petit et fluet, il avait le teint pâle commun aux vampires. Ses yeux marrons avaient des reflets rougeâtres qui impressionnaient même les plus redoutables créatures. Valentin n'était pas aussi connu que nombre de puissants vampires mais il ne fallait pas s'y tromper : il était fort et puissant. Il préférait simplement oeuvrer en coulisse. Il se complaisait dans le rôle d'allié de l'ombre. Comme il le disait souvent, les véritables puissants de ce monde étaient les mâles de l'ombre. Dévoiler votre visage, votre véritable force, à quelqu'un et vous lui offrez une faiblesse qu'il pouvait exploiter. Voilà pourquoi tant d'êtres ignoraient tout de Valentin et que les autres le sous-estimaient.

Valentin s'avança de quelques pas dans la pièce et regarda autour de lui, évaluateur et calme. Aliyah frémit. Elle n'avait jamais aimé voir son créateur aussi calme.

-Tu dois te questionner sur mes dernières actions. Sur la raison de ta survie alors que ta servante a péri.

Aliyah garda sagement le silence. Elle ne voulait surtout pas provoquer le vampire. Elle effleura des yeux les gardes qui se tenaient derrière ce dernier. Valentin effleurait la table où les délicates boîtes à bijoux de Aliyah étaient posées.

-Je dois dire que tu m'a profondément déçu, ma chère. Pire, ta traîtrise m'a blessé et tu sais que je n'aime pas être blessé.

Aliyah déglutit alors que Valentin se déplaçait dans la pièce et effleurait des meubles aléatoires. Il n'avait pas, une seule fois, élevé la voix mais il retenait toute l'attention de Aliyah. Rigide, elle gardait les yeux sur son créateur. Oui, elle savait que Valentin haïssait tous ces sentiments qui l'affaiblissaient. Du moins, de son point de vue. Ça le mettait en rage et, habituellement, l'être qui était responsable de ces sentiments indésirables ne survivait pas plus de quelques heures.

-Ton animal est venu te retrouver, tu sais. Il a cru, comme je le pensais, que le cadavre de la cour était le tien. Je ne compterai pas sur lui pour un sauvetage. D'autant qu'il n'a plus l'appuie de sa meute. Roham Frêne a pris le pouvoir.

Aliyah sentit sa gorge se nouer tandis qu'un mélange d'émotions l'étreignait. Elle était heureuse de découvrir que Michaël était toujours en vie mais le désespoir surpassait tout sentiment de bonheur. Michaël la croyait morte. Comme il devait souffrir ! Aliyah réalisait que jamais plus ils ne se verraient. C'était assez certain, maintenant. Elle ne pourrait jamais s'échapper seule des griffes de Valentin.

-Tu sais que je me suis toujours intéressé aux secrets de Nathaniel, du clan Bank. L'un deux m'a toujours intrigué : sa tendance à faire de certains de ses enfants des esclaves de sang. Nathaniel est un visionnaire. Pourquoi continuer cette pratique dépassée ?

Aliyah le regarda s'asseoir sur son lit, les yeux ancrés sur elle. Elle n'avait pas de réponses à lui donner. Elle ne savait même pas que Nathaniel avait encore des esclaves de sang. Il y avait des lois contre depuis des décennies, maintenant. Il y a quelques minutes, Aliyah pensait que tous les vampires s'y conformaient volontiers. Prendre un de ses congénères comme esclave pour boire son sang était considéré comme barbare, à présent. Les vampires étaient, en effet, immunisés contre le venin de ses congénères. La morsure d'un vampire à un autre n'avait rien d'euphorisant (à moins qu'ils soient des Destinés). Bien au contraire, la morsure était, dans ces cas précis, extrêmement douloureuse, une vraie torture ! Du moins, selon les écrits car, bien sûr, Aliyah n'en avait jamais été témoin.

Cependant elle en savait assez pour que son esprit soit vide et que tout ce qu'elle avait en tête soit que Valentin ne suive l'exemple de Nathaniel et fasse d'elle un esclave de sang.

-J'ai, enfin, la réponse à cette question. Les humains qu'il transforme en vampire et qui deviennent ses esclaves de sang sont différents. En tant qu'humains, ses esclaves de sang avaient un lien fort avec la magie qui leur offrait certaines aptitudes uniques. Des humains avec un lien avec la magie si fort qu'ils disposent de dons magiques, te rends-tu compte !

Aliyah comprenait la surprise de son créateur. Les humains, c'était connu, n'avaient qu'un mince lien avec la magie, quasiment inexistant. Du moins, c'est ce que l'on croyait. Apparemment, il y avait des exceptions.

-Apparemment, ces vampires, une fois transformés, font des vampires exceptionnellement puissants. Le pouvoir qu'ils avaient en tant qu'humain est renforcé et leur sang est particulièrement fort et offre une puissance exceptionnelle à celui qui le boit... d'où les esclaves de sang.

Valentin se lécha les lèvres, envieux et intrigué par cette perspective. Aliyah avait un peu plus peur à chaque minute.

-Il y a, toutefois, quelque chose de plus intrigant. Ces humains particuliers sont, selon Nathaniel, la clé pour le croisement des espèces de Ariman. A cause de leur sang si particulièrement puissant.

Valentin se leva gracieusement et s'approcha de Aliyah qui dut se forcer à ne pas bouger. Elle ne comprenait pas le rapport avec elle et ses actions. Et, comment avait-il découvert tant de secrets de Nathaniel en si peu de temps ? Valentin s'arrêta à un mètre d'elle, son visage ne dévoilait toujours rien.

-Il menait ses expériences derrière le dos de l'Ordre de Amarash. "Je n'ai pas de maître." Se plaît-il à dire mais lorsque l'on traite avec l'Ordre, on a un maître. L'Ordre a découvert qu'il leur cachait beaucoup de choses. Ils ne savent pas quoi mais ils sont déterminés à le découvrir.

Aliyah comprenait un peu mieux. Nathaniel était aux abois ! Il s'était fait beaucoup d'ennemis en une petite erreur. L'enlèvement de Looriam Shein l'avait placé dans une situation difficile. L'Ordre de Amarash voulait qu'il lui rende des comptes et la meute Shein voudrait se venger du vampire. Elle doutait que Nathaniel trouve de l'aide auprès de Roham Frêne, à présent. Ce dernier couvrirait ses arrières, maintenant qu'il avait obtenu ce qu'il désirait. Nathaniel, dans sa position affaiblie, verrait aussi les protecteurs fondre sur lui. Ils attendaient une opportunité comme celle-ci depuis trop longtemps pour la laisser passer. Il devrait aussi craindre tous ses anciens alliés. Nathaniel avait, donc, dû se tourner vers Valentin pour un peu d'aide, monnayant quelques secrets.

Mais quel rapport avec elle, encore une fois ? Valentin s'approcha encore et lui donna une caresse avec le dos de la main sur la joue.

-Voilà pourquoi tu es toujours vivante, ma belle. Parce que tu as été l'un de ces humains exceptionnels. Tu es là parce que tu portes l'enfant de cette bête et que je veux savoir s'il survivra en parfaite santé.

Indifférent au choc que ces mots provoquaient chez elle, Valentin fit un signe à ses gardes qui entreprirent de vider la chambre.

-Tu n'as pas besoin d'autant d'affaires avec toi, n'est-ce pas ? Siffla Valentin en quittant la pièce.

Indifférente au départ de son créateur et au remis ménage autour d'elle, Aliyah posa une main sur son ventre encore plat. En un temps record, la pièce fut vidée de toutes ses décorations et des meubles non essentiels. On lui laissa aussi le stricte nécessaire comme vêtement mais peu lui importait. Elle n'avait que son enfant à l'esprit. Un souvenir tangible de Michaël. 

Les protecteurs d'Ariman, tome 1 : Trahison pour l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant