_Journal de bord- dix-neuf octobre 1948_
*dix-sept heures*
— Je vous décerne uni par les liens du mariage.
Les applaudissements s'élevèrent graduellement dans la petite église du village, tandis que Lucille et Georges se donnaient en spectacle en s'échangeant leur premier baiser officialisé.
Je suivis le mouvement en me levant du premier banc accompagné de Mary-Thérèse et Giselle pour sortir de la chapelle. Accoutrée d'une longue robe volatile, je laissais sur mon passage un reflet de soie vert pâle parsemé de mèches orangé tombant de mon chignon tressé.
Les innombrables clics incessants des appareils photo accueillaient nos jeunes mariés sur le perron de l'église.
Un sourire triste se fraya alors involontairement son passage sur mon visage, camouflé par la foule.[Quatre heures avant cela]
— Et voilà le travail! M'exclamais-je enthousiaste, une barrette à cheveux entre les lèvres. Lucille se leva pour contempler dans le miroir du salon de sa maison de campagne, la coiffure que je lui avais faite.
— Merci infiniment, merci à toutes les trois d'être avec moi.
J'échangeai un regard avec Giselle à mes côtés et Mary, assise avec nonchalance sur la table centrale.— Il ne faut point nous remercier pour cela, lui répondit celle-ci, on est tes demoiselles d'honneur et quelques fois, tes amis.
Giselle rigola aux dires de Mary. Tandis que je forçai un sourire sur mon visage qui venait d'être traversé par une vague sueur froide à cause de ces mots dont je n'arrivais point à déterminer le réel sens.Lucille tournoya dans l'ancienne robe de mariée de sa génitrice, dont elle s'était apprêtée quelques minutes auparavant. Ce n'était point le luxe, mais nous fessions avec ce que nous avions. Les mariages étaient tellement courants en ces temps que personne n'y apportait grandes importances.
Une nouvelle fierté et un moyen de rehausser sa popularité pour les parents au sein du village, voici ce qu'était la principale raison de ces événements. De nos temps, on vendait les filles plus vite que de la viande fraiche.— Je vais devoir m'excuser pour l'absence, nous dit Giselle, Simon m'attend dehors, et ne t'inquiète point, s'adressa-t-elle à Lucille, je dirais à Georges de ne point entrer cela porte malheur et je préviendrais ta mère que tu es enfin prête! On se revoit à l'église les gourgandines.
Elle nous envoya un baiser volatil avant de s'éclipser par la porte d'entrée.— Aussi rapide que quelqu'un qui a des idées derrière la tête. Constata Mary avec son sourire narquois en exprimant mes pensées, tandis que je reculais m'adossant contre le meuble le plus proche.
— Au moins, on sait comment va se passer sa fin de soirée. Renchérit Lucille en rigolant, créant une vague de bien-être remplissant l'atmosphère d'une douceur apaisante. Je m'y serais bien laissé porter en la regardant virevolter dans sa belle tenue, mais cela à condition que Mary n'intervienne point sur un ton sérieux à ce moment-ci.
— Es-tu sure de ce que tu fais Lucille? Te marier comme cela, avec qui plus est ce menteur renfrogné?
— Comment oses-tu ! Se retourna-t-elle, outrée, Georges n'est point si mal, il peut même se montrer gentil.
Comme toujours, leurs querelles sont tellement abruptes, que j'en ai à peine le temps de comprendre leurs chamailleries.
— Es-tu aveugle ? Tu le connais à peine, mais dois-je te rappeler ce dont il nous vient aux oreilles quand on s'approche de lui? Plusieurs filles avant toi se sont laissé berner par cet imposteur, il peut faire autant de visages neutres qu'il veut, moi je ne puis avoir confiance.
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Journal de bord|¹⁹⁴⁸
Teen Fiction_"Fuir pour construire"_ C'est en septembre 1948 que nous rencontrons Joséphine Sinclair dans son journal de bord, retraçant les événements qui l'ont amené à se faire une place dans le combat d'une révolution autant sociétale que poétique. À vingt...