Alcool

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Le tintement mélodieux de l'alcool contre le verre ne lui apportait plus aucun réconfort. Elle avait pourtant l'habitude d'apprécier le breuvage avant de l'engloutir, de remuer le liquide ambré, d'apprécier l'odeur épicée. Mais plus maintenant, plus qu'avant encore, l'alcool était devenu une échappatoire. Son passage détestable dans le tombeau du chaos avait fait remonter tellement de souvenirs à la surface, des réminiscence cruelles qui venaient s'ajouter au chaos de sa vie. Difficile de donner tort aux Perfecti quand elle essayait elle-même de se donner la mort durant son sommeil et malgré tous ses efforts pour lutter contre son côté démoniaque, elle accumulait les échecs. Pire, elle avait mis Jordan en danger et maintenant elle faisait face à un nouveau dilemme.

L'étrange procès qui s'était tenu avait révélé plus de fêlures qu'elle ne voulait bien l'admettre. Cette petite sournoise de Maggie Vera qui l'avait piégée avec un sérum de vérité, fûtée, elle devait bien l'admettre. Et maintenant ? Retour à la case départ, mais en pire. Elle repoussa une mèche de cheveux brun derrière son oreille et se servit un nouveau verre sans même y réfléchir. La table basse en bois sombre accueillait d'ordinaire quelques livres et bougie, mais depuis quelques temps, on y trouvait surtout des bouteilles d'alcool, scotch, gin, vodka, rhum... Le choix était large. Elle avait dit à Macy qu'elle trouverait un moyen de lui rendre ce qui lui appartenait mais avant cela, il y avait une autre urgence. Sa partie démoniaque ne l'avait pas quittée, et avec elle, dormir était toujours aussi dangereux. Enfin dormir... Les rares fois où elle avait sombré dans un demi-sommeil agité, elle s'était réveillée en proie à d'horrible et intense cauchemars, dans la caisse, toujours dans la caisse, le corps secoué de spasme électrique dû aux menottes et la voix de sa mère, tonitruante, qui n'avait de cesse de la menacer alors que la culpabilité lui tordait si fort l'estomac qu'elle en vomissait. Abby ferma les yeux et soupira. Le manque de repos lui avait dessiné de larges cernes noirs, et les stigmates de ses nuits violentes étaient visibles sur son corps : des plaies et des bleus dessinaient une bien étrange carte sur sa peau. Elle termina son verre et se leva pour jeter la bouteille vide. Mais dans l'immense cuisine ouverte, la poubelle était pleine depuis longtemps et désormais les cadavres de bouteille s'alignaient plutôt sur le comptoir qui séparait l'espace du salon. Son pyjama de satin noir émit un faible froissement tandis qu'elle se mouvait avec élégance, même épuisée, même alcoolisée, elle gardait toujours cette étrange grâce naturelle qui la rendait si attirante, quelques mots avec son accent britannique et il n'y avait plus personne pour lui résister. Personne sauf Mel bien entendu, Mel qui savait maintenant à quel point elle comptait pour elle. Abby lui était reconnaissante de ne pas avoir évoqué le sujet par la suite et même mieux, de lui avoir montré qu'elle avait toujours une chance de se racheter. C'était une des rares lueurs d'espoir qui lui donnait encore envie d'avancer, cette toute petite et fragile lumière qui apportait une minuscule chaleur. Peut-être que, quelque part, tout au fond, elle n'était pas cet horrible monstre que sa mère voyait en elle et qu'elle s'était appliquée à construire pour mieux se protéger.

Elle prit une bouteille neuve, ses longs cheveux bruns cascadant librement sur ses épaules et dans son dos. Puis elle se réinstalla sur l'immense canapé gris, une jambe repliée sous elle. Elle s'enfonça au milieu des coussins et se couvrit du plaid, non pas qu'elle ait froid, mais plutôt pour avoir un peu de réconfort. Les stores étaient baissés, les volets fermés et même les rideaux étaient tirés sur les grandes fenêtres du salon. Un autre verre plein puis elle attrapa son téléphone qui trainait sur la méridienne. Un long soupir lui souleva la poitrine alors qu'elle débattait avec elle-même.

Après des jours de recherche, Abby avait fini par trouver comment se débarrasser une fois pour toute de son problème de forme démoniaque mais elle faisait face à deux difficultés majeures. La première : Il fallait qu'elle obtienne une information de sa mère. La seconde : Le pouvoir des trois était nécessaire. Elle pensait pouvoir en discuter avec Mel et peut être réussir à la convaincre mais elle était beaucoup moins sereine pour Maggie et ne se faisait aucune illusion pour Macy. Mais de toute façon, elle n'avait pas le choix, il fallait bien qu'elle se lance. Elle tapa rapidement un message et appuya sur le bouton « envoyer » avant de changer d'avis. Maintenant, il fallait qu'elle se prépare à dormir et c'était désormais une activité extrêmement dangereuse. Abby déglutit, la peur lui serrait douloureusement l'estomac. Elle leva des barrières magiques autour du canapé, sa chambre étant devenue inaccessible depuis son dernier épisode d'attaque nocturne. Elle déboucha un petit flacon de potion qu'elle sortit de sa poche et l'engloutit d'une traite. Malgré toutes les précautions prises, son appréhension était réelle, mais la fatigue l'était tout autant et elle avait douloureusement appris qu'il était préférable de se préparer plutôt que de sombrer dans le sommeil de manière inattendue. Abby jeta un dernier coup d'œil à son téléphone, Mel ne lui avait pas répondu, peut-être demain, peut-être plus tard, ou peut-être jamais, probablement trop occupée à sexter sa barmaid. La britannique repoussa la bouffée de jalousie qui venait de l'assaillir. Elle ferma résolument les yeux, imaginer qu'il pourrait se passer quoique ce soit avec la sorcière n'avait aucun sens, et elle le savait. Elles venaient de deux mondes tellement différents, mais surtout, Macy ferait probablement un arrêt cardiaque. Même si, dans le fond, Abby n'avait rien contre le fait de se débarrasser de l'ainée des Charmed Ones. Perdue dans ses pensées, l'hybride finit par sombrer dans un sommeil agité. 

Charmed 2018 - MonstriarcheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant