prologue

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prologue

la persistance de la mémoire, S. Dalí

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TAEHYUN 



      LA VIE DE MON MEILLEUR AMI  Choi Beomgyu a basculé lors d'une nuit d'hiver, une semaine après l'obtention de sa licence de maths-infos à la Korea University, et peu de jours avant ses vingt-trois ans. Il venait d'ores et déjà d'obtenir un job dans l'une des plus grandes entreprises automobiles du pays et un avenir des plus radieux promettait de s'ouvrir devant ses yeux. Contrairement à la mienne, la côte de popularité de Beomgyu était loin de frôler le degré zéro. Alors en apprenant qu'il avait été invité à la soirée du fameux Jung Hoseok, qui était pratiquement le Eddy Murphy de l'université, je n'avais pas été surpris. Cependant, j'avais quand même pris la peine de faire savoir à mon meilleur ami que les soirées étudiantes étaient pires que la peste, et qu'il était préférable pour lui, comme pour moi, de les éviter. Il m'avait tout de suite trouvé ridicule avant de me faire remarquer que je devais cesser de me comporter comme un vieux gâteux.  Légèrement vexé par ses propos et étant beaucoup trop accaparé par mes projets personnels depuis que j'avais arrêté mes études, j'avais décidé de ne pas insister. Puis je ne voulais pas lui donner l'impression d'être un flic qui épiait chacun de ses faits et gestes avant de s'offrir le luxe de les juger. 


Je me souviens que j'étais planté devant l'une de mes nombreuses toiles lorsque Beomgyu m'avait appelé sur mon téléphone. Tout en peignant d'une main, je l'avais écouté se plaindre. Cette soirée était une véritable catastrophe, il avait l'impression d'avoir atterri au beau milieu du zoo de Central Park, puis cerise sur le gâteau, sa copine Hana n'avait pas attendu bien longtemps avant de se jeter dans les bras d'un autre.  « Quelle débile  », c'était tout ce que j'avais eu le temps de dire, car mon ami venait de monter dans son véhicule et nous avions donc décidé de raccrocher pour qu'il puisse conduire sereinement. 


Malheureusement, pas tout le monde ne fait autant attention au code de la route. 


Je regrette toujours de l'avoir laissé aller à cette soirée. Je regrette toujours de ne pas avoir été plus convaincant et virulent. 


Au cours de cette nuit, j'avais appris qu'un SUV noir avait foncé vers la voiture de mon ami après avoir grillé un stop. Beomgyu en était sorti vivant, mais détruit. Aujourd'hui, c'est non sans une touche d'humour un peu gênant qu'il évoque cet accident, en disant qu'il aurait aimé se relever avec classe, épousseter ses vêtements et avancer avec assurance, "façon James Bond", pendant que sa voiture exploserait derrière lui. Mais même lorsqu'il dit ça, je distingue dans sa voix cette petite pointe de tristesse, de regret et de déception. Cette petite pointe, qui me fait comprendre qu'il aurait aimé que Hana ou quelques-uns de ses soi-disant amis restent à ses côtés pendant qu'il réalisait qu'il ne sentait plus ses jambes, et que ce ne soit pas Hoseok, un garçon presque inconnu, qui soit le seul à avoir appelé les flics et les urgences. Elle me fait également deviner qu'il aurait aimé que ce chauffeur de SUV ne prenne pas la fuite comme un sale lâche. Elle me fait clairement entendre qu'il aurait aimé que ce soit ses parents et ses frères qui se précipitent en premier jusqu'aux urgences, et non pas moi, son simple meilleur ami. 

Et à chaque fois que je l'entends et le vois, je sens un regret amer se propager au beau milieu de mon cœur. Je me dis encore et encore que si j'avais été plus convaincant, il ne serait pas en fauteuil roulant, avec une lésion médullaire incomplète et des problèmes respiratoires en prime. 


𝐒𝐘𝐌𝐁𝐈𝐎𝐒𝐄 | TXTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant