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Émilie

Je me sens presque détendue en garant la voiture le long du trottoir. Parler avec Co a dénoué une grosse part de mes angoisses. Retrouver notre complicité d'autrefois fait un bien fou. Savoir que nous sommes non seulement dans le même bateau, mais aussi sur la même longueur d'onde me rassure tellement !

Ça fait si longtemps que je n'ai ressenti cette certitude dans mes veines, cette sérénité de ne pas être seule puisqu'il est là, à mes côtés... Il nous reste encore un paquet de sujets à discuter, mais ça attendra. L'embrouille entre Co et Leila attendra. Ma relation avec Jérémy attendra aussi. Autant que les raisons du refus de Co de divorcer, ou cette impression impalpable d'un changement que je sens flotter en lui sans réussir à mettre le doigt dessus.

Comme autrefois, tant qu'on est ensemble, rien ne peut nous abattre.

Nous échangeons un regard complice puis un sourire rassurant avant de descendre de voiture. Je récupère les fleurs des bras de Co, il va chercher le sac de cadeaux dans le coffre. Du regard, je fais un tour d'horizon des décorations de Noël dont David et Léa ont affublé la devanture et le jardinet à l'avant de leur maison.

— Ils ont encore fait fort cette année, murmuré-je.

Je ne sais pas si je dois être admirative, émerveillée... ou désabusée.

Une famille d'ours polaires (avec écharpes et bonnets rouges) faite de grillage et de leds trône près du porche. Sur le mur de la façade se dessinent un traîneau et ses rennes en guirlandes lumineuses clignotantes. Des loupiotes de toutes les couleurs soulignent les pourtours de chaque fenêtre. Sans oublier la traditionnelle (et indispensable) couronne sur la porte d'entrée.

Et encore, ce n'est que le résultat d'un premier coup d'œil superficiel. Je refais un balayage plus poussé... note les pingouins de plastique qui donnent l'impression de venir nous accueillir en courant dans le jardinet... les lutins faits main par Léa avec des pots de terre cuite qui paraissent tenir conseil au coin de la maison... les étoiles et boules argentées que le vent fait tourner et virevolter dans les branches nues des arbustes.

Connaissant la sœur de Co, je parie qu'elle a soupesé l'emplacement de chaque élément, réfléchi comment la lumière et les couleurs des guirlandes éclaireraient la neige (oui, je l'avoue, l'effet est saisissant !) et imaginé toute une histoire pour chacune de ses saynètes. Et qu'elle les a toutes racontées à chacun des membres de la famille à leur arrivée.

Parce que la passion de Noël de Corentin n'est pas une lubie isolée : c'est un Trouble Obsessionnel Familial.

Tous les Joly sont des fadas de Noël.

Même avec des efforts, je ne réussirai jamais à partager leur folie.

— Prête ?

Je prends une profonde inspiration, échange un dernier regard avec Co, un peu étonnée qu'il ne s'extasie pas sur chaque item ni ne s'émerveille devant l'harmonie des scènes.

C'est tellement peu Corentin, ce silence, que je le fixe une longue seconde, mais ravale une question inquiète. Plus tard. On a dit : plus tard.

— Prête. Allons-y.

Nous remontons ensemble la petite allée, Co ignore la sonnette pour frapper à la porte, pile au centre de la couronne...

... et je remarque seulement les mitaines que porte Corentin. Ce ne sont ni ses vieilles qu'il adore ni les belles que j'ai lavées ce matin.

Celles qui lui réchauffent les mains sont aux couleurs écossaises.

Encore une nouvelle paire ?

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant