* 3.1 *

147 25 8
                                    

Émilie 

J'ai faim, je m'ennuie, je suis crevée, j'ai mal aux pieds.

Je hais Corentin.

Cela va faire deux heures qu'on traîne.

Deux Heures.

Juste pour des décorations de Noël... enfin, si on omet l'épisode de cette stupide machine à barbe à papa.

Deux heures à me laisser trimballer sur mes échasses faux-luxe (qui me font un mal de chien aux orteils) d'une cahute de bois à l'autre, d'un magasin à l'autre... À le regarder s'émerveiller comme un gosse devant des boules à neige ou des guirlandes à led. Sérieux !? À son âge !!

Il a vingt-trois ans, pas trois, bon sang !

Deux heures à le suivre patiemment en attendant qu'il se lasse. À l'entendre philosopher avec lui-même sur le choix d'une boule rouge gribouillée de paillettes blanches ou d'une étoile bleue torsadée comme des oreilles de lutin de l'espace...

Mon seul espoir, c'est que les haut-parleurs arrêtent de me saouler de chants de Noël pour enfin prévenir que le centre commercial va fermer ses portes... je prie pour ça depuis une bonne demi-heure, mais toujours rien... Bon sang, leur nocturne est censée durer jusqu'à quand ?

Les lanières plastiques des sacs que je trimballe (je porte les sachets de nos achats, pour que Co ait les mains libres de fouiller dans les rayons) me scient les doigts et m'empêchent de pouvoir crusher mes tartans en attendant que monsieur mon mari se décide enfin sur LA guirlande qu'il souhaite acheter.

Au bas mot, et sans exagérer, ça doit faire cinq minutes qu'il est planté dans le rayon à réfléchir, tripoter, secouer, regarder dans la lumière les différents modèles. Il a même essayé de me demander mon avis... avant de se renfrogner quand je lui ai répondu. Clairement, mes goûts ne sont pas les siens. Et après avoir attendu dans le froid puis m'être traînée dans les magasins, le voir reposer la guirlande que je trouvais jolie pour en prendre une à son goût m'a un peu agacée...

Je me demande la tête qu'il fera quand, arrivé en caisse, il verra que je me suis permis de remettre en rayon certaines de ses décorations (celles que, vraiment, je n'aime pas) pour les remplacer par des trucs qui me plaisent. Je ne suis pas aussi fan de Noël que lui, mais flûte !, j'ai le droit d'avoir une déco qui me plaît aussi ! Je reconnais que ma manière de faire est mesquine et risque de déclencher une mini-guerre quand on sera seuls, mais franchement, je suis trop fatiguée pour avoir envie d'y penser.

Ce n'est pas comme si on en manquait de sujets d'engueulades... À croire qu'il a suffi d'une alliance pour transformer les meilleurs amis que nous étions en catcheurs amers.

Je lâche un bon gros soupir, que Co n'entend même pas. Il a trois guirlandes en main... quel choix cornélien, réfléchis-je mentalement en marchant un peu plus loin. Mes pieds me tuent, il faut que je bouge...

Désabusée, j'englobe du regard tous les rayons qu'il reste encore à visiter... oh bon sang ! Ça n'en finira jamais !

— Em ?

Je me tourne vers la voix qui m'interpelle, et souris en grand en reconnaissant le plus sexy (et de loin !) de mes collègues de boulot.

— Jérèm ? m'exclamé-je en le rejoignant dans un rayon voisin. Qu'est-ce que tu fais là ?

Il plisse la bouche en une moue faussement penaude.

— Je rachète des coussins... Truc en a encore bouffé deux.

Truc, le gentil labrador un peu bas du front que Jérémy a adopté il y a un an, persiste à boulotter toutes sortes d'éléments de déco.

— Ce serait plus simple de te passer de coussins, me moqué-je. Ou de Truc.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant