° 8 °

133 24 6
                                    

Corentin

Je ne fais que quelques pas avant de m'affaler contre les boîtes aux lettres.

C'est fini. Je veux divorcer.

Je me passe la main dans les cheveux, dans l'espoir futile que ça m'aidera à accepter ces quelques mots.

Finalement, le premier qui parle perd. Mais celui qui ne parle pas perd aussi. Personne ne peut gagner un aussi monumental échec.

Bizarrement, ce n'est pas la mention du divorce qui me fait le plus mal ; il est inévitable. Non, ce qui me brise, c'est le verbe finir.

C'est fini.

Ce foutu verbe a un goût de définitif.

Un divorce, on ne coupe pas forcément les ponts, on peut rester en bon terme, recoller les morceaux. Un divorce laisse planer la possibilité d'une réconciliation. De se retrouver autrement.

C'est fini, c'est... il n'y a plus rien. Plus rien à espérer, plus rien à construire. Plus rien à réparer.

J'ai merdé à ce point pour qu'Émilie veuille me virer de sa vie ? Parce que j'ai merdé, c'est certain ; à mes côtés, son sourire s'est terni avant de s'éteindre.

Je m'ébroue, hésite à rentrer plaider ma cause... sauf que je ne saurais pas quoi lui dire. Les grandes conversations, les explications, ce n'est pas mon truc.

Alors, plutôt que de me jeter à corps perdu dans une autre bataille que je perdrai, je déserte le hall avec l'intention de fuir.

Juste avant de franchir la porte, je me fige, croise mon reflet dans la vitre. Dents serrées, je détaille les yeux légèrement bridés, les traits fatigués. La touffe de cheveux noirs à droite, le crâne rasé à gauche. Les fringues ni belles ni moches, juste confortables.

Un adolescent attardé, voilà ce que la vitre me renvoie.

Depuis que j'ai quitté le lycée, je n'ai pas changé : les mêmes fringues, la même propension à choisir des coupes de cheveux bizarres et farfelues (même si cette lubie me vient plutôt de l'université), la même capacité à me renfermer sur moi-même.

Émilie, elle a fait des efforts. Des coupes de cheveux sophistiquées, des talons aiguilles, des fringues à la mode. De la lingerie sexy aussi, enfin, je crois.

Et moi ? Rien.

Émilie, elle a essayé d'organiser des sorties en amoureux. Au restaurant, au cinéma, dans des musées.

Et moi ? Rien. Rien hormis une sortie au zoo et une à la piscine.

Je suis resté son meilleur ami là où elle attendait un mari. Et encore, un meilleur ami déchu. Je suis passé du confident suprême au compagnon merdique qui ne lui accorde plus qu'une oreille distraite.

Avant, nous étions inséparables. Lorsque je dormais chez elle, elle me rejoignait dans le clic-clac de la chambre d'amis au milieu de la nuit parce qu'on ne supportait pas d'être éloigné dans la même maison. Lorsque nous partions faire du camping, nous n'avions qu'un duvet pour deux. Je me souviens de son corps chaud pressé contre le mien, de la sensation chatouilleuse de ses doigts sur mes côtes.

Avant, j'éprouvais pour elle une tendresse qui me désarmait. Je voulais la garder auprès de moi à tout jamais. Nous dormions même enlacés étroitement toute les nuits avant de nous mettre en couple !

Notre mariage aurait dû nous rapprocher, il nous a éloigné. Parce que nous ne sommes pas amoureux l'un de l'autre.

L'avons-nous seulement été ? J'avais coutume de le croire ; c'était dans l'ordre des choses. Ca expliquait pourquoi je n'ai jamais été attiré par une fille (exception faite de cette écossaise dont je ne garde aucun souvenir hormis celui d'une soirée pailletée) ; Émilie occupait mon cœur et mes pensées. C'est ce qu'affirmaient ma mère et ma sœur.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant