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Corentin


— Ça va ?

— Oui, Co, ça va.

Sa voix glaciale comme ses yeux me hurlent pourtant le contraire. Je connais mon Émilie, et là, elle tire sa tête des mauvais jours. Celle qui transforme notre monde en champ de mines et d'engueulades.

Chaque mot, chaque faux pas, chaque geste servira de prétexte pour me les faire exploser en pleine figure.

Et l'esprit de fête qui règne autour de nous ne fait qu'accentuer sa mauvaise humeur. Elle lorgne sur les guirlandes, sur les boules étincelantes et sur la foule avec une moue mécontente de grinch.

Je contiens un soupir de contrariété, ravale la question amère qui me taraude depuis plusieurs Noëls déjà.

Depuis quand tu n'aimes plus Noël, Em ? Depuis quand tu as perdu ton étincelle ?

Plutôt que de mettre le feu aux poudres, je préfère m'exclamer d'un ton faussement enjoué :

— Viens, on y va !

Je serre ses doigts fins entre les miens et l'entraîne dans la foule, les dents serrées. Je dois me calmer.

Bien plus que mon anniversaire (j'ai eu la mauvaise idée de naître un 28 décembre), j'adore Noël.

Dans ma famille, c'est une institution que j'ai bien évidemment exportée quand j'ai quitté le cocon familial.

On l'attend toute l'année et dès la mi-novembre, on commence à le préparer. Triage des guirlandes, listing de ce qu'il faut réparer, de ce qu'il faut remplacer, des dernières nouveautés qu'il faut absolument posséder.

Noël, la période festive par excellence ! Noël, l'explosion de saveurs pour les papilles, de merveilles pour les yeux, d'étourdissements pour l'odorat !

Noël, la fête qui me saupoudre des paillettes qui manquent cruellement à ma morne vie.

Sauf depuis qu'Émilie et moi sommes mariés. Quand nous n'étions encore que meilleurs amis, elle voyait ma lubie d'un œil amusé. Elle y participait, m'offrait toujours la décoration la plus moche possible en me défiant de lui trouver une place sur le sapin.

À présent, les préparatifs sont un calvaire de chaque instant tant Émilie y met de mauvaises volontés. Elle déteste tout, s'agace de tout. Oui, avec ma femme, le mois de décembre devient le théâtre d'une guerre froide à peine assumée.

C'est Noël ! Que débutent les hostilités !

Je secoue la tête. Non.

Aujourd'hui, personne ne gâchera mon bonheur.

Quand Jacques, mon patron, m'a texté pour me demander de rester une heure de plus à cause d'une gastro fulgurante, j'ai accepté avec le sourire.

Quand Albin, mon petit frère, m'a incendié au téléphone parce que je n'arrive pas à décider si je participe au cadeau commun de ma mère ou non, je n'ai rien dit.

Quand Machin, la crotte qui sert de chat à Émilie, m'a brusquement réveillé de ma sieste en urinant sur mon torse, j'ai juste tapoté sa tête. Alors que j'aurais pu l'empailler sur place ! Si je n'avais pas dû me doucher en quatrième vitesse et lancer une machine au dernier moment, j'aurais été à l'heure !

Quand j'ai découvert que ma chère et tendre femme n'avait pas ouvert la chatière (ce qui explique le point précédent), je suis resté enjoué. Même pas envoyé un SMS lapidaire.

Des paillettes pour Noël (BxB) (BxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant